Dans “24 Heures” et la “Tribune de Genève” du 19 juillet 2023, le journaliste Alain Rebetez interroge le directeur général de l’institut de sondage français Ipsos, Brice Teinturier, sur les causes de la violence en France.
Brice Teinturier: L’espace de délibération consubstantiel à la démocratie s’est désintégré, notamment du fait de l’évolution des médias.
Alain Rebetez: Qu’entendez-vous par là?
C’était le rôle des médias de permettre cet espace de délibération sous les yeux des Français, mais leur évolution a progressivement dynamité cette délibération collective. On a de plus en plus de médias d’opinion aux audiences fragmentées, avec des stratégies de marketing politique. Je regardais hier soir un débat sur CNews, la chaîne de Bolloré, c’était stupéfiant: le journaliste se comportait comme un responsable politique. Tout cela crée du dissensus et pas du consensus. Or la démocratie, c’est quand même une confrontation des opinions, avec l’idée qu’au final la minorité accepte la mise en place d’une politique qui n’est pas la sienne et la majorité respecte la minorité. C’est cet espace-là qui a progressivement disparu et, du coup, la violence augmente. C’est pour ça qu’une réponse purement autoritaire d’ordre et de sécurité ne suffit pas.
Par hasard, je découvre ce commentaire au sujet de l’influence des médias sur l’évolution de la société française menacée – admettons-le ! – de désintégration. Bien entendu, il fallait s’en prendre à CNews, objet de tant de polémiques !!! Pourquoi, si vous détestez Vincent Bolloré, n’avez pas mis en doute Patrick Drahi, qui lui aussi a investi dans les médias, en particulier BFM-TV dont « on » connaît la collusion avec le pouvoir actuel. (CNews est infiniment plus critique vis-às-vis de M. Macron que BFM.)
D’abord, aucun téléspectateur n’est obligé de se connecter à CNews. Ensuite, celle-ci permet à un public grandissant de s’informer sur des sujets entre autres de société que la plupart des médias font passer à la trappe ou interprètent à travers le prisme d’une gauche omniprésente dans les médias. En effet, l’actualité récente nous a montré que tant de victimes des violences sous toutes les formes sont ignorées par les grandes chaînes concurrentes de CNews, en particulier celles du service public.
Fort malencontreusement, la trop grande majorité des journalistes ont délaissé leur carte de presse, ainsi que le dit fort justement Pascal Praud (CNews !) au profit d’une carte de prêche. Pour eux, le mal est toujours du même côté : les policiers sont trop violents, le Rassemblement National est un repère de fachos, le communautarisme ne menace pas la cohésion de la Nation, les cathos pratiquants sont trop « vieille France » (une allusion à « l’affaire Emile), la France peut s’endetter à volonté, etc.
Or, plus « les médias majoritaires » (imprégnés d’une sympathie pour la gauche) rabâchent les mêmes contre-vérités, inféodés au pouvoir, et plus le peuple s’en détourne, ne lisant plus les journaux, boudant le petit écran… N’en déplaise aux journalistes nous servant de l’eau tiède : plus le temps passe et plus les résultats lors des scrutins électoraux montrent que le peuple, malgré la bien pensance journalistique toute puissante, sait se forger ses opinions propres. Et ne me dites pas que « tout le monde » suit les émissions de CNews dont l’audience, par rapport à des médias tels que TF1, est encore confidentielle…
En résumé : faites du journalisme non point pour vous donner bonne conscience mais pour éveiller les consciences.
Et pour finir : si l’ensemble des journalistes et bon nombre de politiciens n’aiment ni CNews ni le Journal du Dimanche (lequel est effectivement sous perfusion de l’empire Bolloré), qu’ils se débrouillent pour créer un vrai journal ancré à gauche ; pas la gauche parfois hystérique de LFI mais une gauche laïque et respectueuse de valeurs non déconstruite par des clubs de réflexion tel que Terre Nova…)