Il fait beau aujourd’hui?

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Le destin de l’humanité se réduirait-il à des feux de forêt? Sommes-nous à la veille de l’Apocalypse décrite par l’apôtre Jean? Des hordes de calamités dévalant sur Sodome? On le croirait volontiers si, parallèlement, des tireurs de ficelle ne poursuivaient pas leurs petites affaires, comme si de rien n’était. L’urgence climatique, d’accord, mais les sacrifices, c’est bon pour les autres!

Insupportable météo qui dicte nuit et jour l’actualité dans nos médias! A croire que la femme et l’homme ne découvrent qu’aujourd’hui les caprices du climat, le chaud qui succède au froid, le soleil à la pluie, et inversement.

Parler tout le temps du temps qu’il fait, c’est aussi détourner l’attention d’autres problèmes. Oublié, le pouvoir d’achat déclinant d’une partie toujours plus grande de la population. Oubliée, la réflexion sur l’intelligence artificielle, serial-killer qui, sans pare-feux, aboutira à rayer la présence véritablement humaine de la surface de la terre. Place aux robots! Oubliés, la guerre, le demi-million de soldats morts en Ukraine, nationalités confondues – le chiffre émane du New York Times. Une boucherie qui rappelle les tranchées de la Première Guerre mondiale ou encore les incursions suicidaires en territoire ennemi des jeunes gardiens de la révolution islamique pendant la guerre Iran-Irak.

Parler tout le temps du temps qu’il fait, c’est aussi laisser libre cours à la futilité, le manque de curiosité et de professionnalisme. La presse n’a plus de retenue dans la partialité. Dans la guerre que l’OTAN mène contre la Russie, elle a choisi son camp. Elle minimise les succès russes, ridiculise les options de Moscou, évoque sans arrêt la livraison de chars ou d’avions à Kiev, à croire qu’elle est le service après-vente d’une entreprise d’armement. Les médias occidentaux font état de divisions, d’éliminations brutales à Moscou. Tout cela n’est pas infondé mais la réalité ne s’avère pas unilatérale.

Dans le camp occidental, un enquêteur à qui l’on laisserait les coudées franches décèlerait également de graves dérives. Aux Etats-Unis, on se demande pourquoi l’épouvantail républicain Trump est le seul à crever l’écran, répondant à de présumées infractions devant les juges, quelques mois avant le début de la campagne électorale américaine, un pur hasard, bien sûr. Le clan du président démocrate Biden, lui, affronte des inculpations autrement plus corsées. Mais elles ne sont pas médiatisées. Cherchez l’erreur.

Le danger d’une information biaisée est qu’elle induit des décisions fondées sur une appréciation trop optimiste de la situation. Gare au brutal retour de manivelle! Un exemple: dans son édition du jour, un quotidien de boulevard affirme que l’Ukraine serait à deux pas de reconquérir la Crimée. La source est un universitaire américain. Le problème est qu’au même moment, selon les sites de journaux italiens, l’ancien président russe Dmitri Medvedev prévient en substance le monde qu’il se trouve au bord d’un affrontement nucléaire. Passer cette information sous silence relève de l’irresponsabilité, pour ne pas dire d’une négligence coupable.

Le glissement des médias dans une logique de propagande n’est pas nouveau. Ce qui l’est, en revanche, c’est l’hypocrisie. Agir comme si l’information évoluait en territoire d’absolue liberté. Il serait plus honnête d’avouer que la presse est censurée. Lors de la Deuxième Guerre mondiale, à Berne, régnait une structure qui régissait l’information, décrétant ce qu’il convenait de publier ou pas. Un agent pas du tout secret, le colonel Masson, la dirigeait. Ironie du sort, une cellule dormante de journalistes « agréés » par la Défense helvétique a survécu au conflit avant d’être dissoute au milieu des années 2000. Le jour où quelqu’un à Berne décréta que la guerre était désormais évacuée de l’humanité?…