La paix, seule alternative à la paix

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Il n’y a qu’une seule alternative à guerre, c’est la paix!

En Ukraine, pour ne parler que de ce conflit potentiellement cataclysmique, il n’est pas pas du tout sûr que l’on s’achemine sur cette voie. Les provocations vont bon train, la dernière en date émanant de Bruxelles où le président du Conseil européen se déclare favorable à l’adhésion de l’Ukraine d’ici 2030. Charles Michel l’a déclaré à un magazine allemand, ajoutant toutefois des conditions un brin compatibles avec la culture démocratique. Entièrement dissuasives pour Kiev, capitale d’un pays gangrené par la corruption, elles ne suffisent pas pour autant à calmer les esprits.

Au contraire, de tels propos ne peuvent que conforter la Russie dans sa détermination à neutraliser son voisin le plus rapidement possible. A n’importe quel prix, fût-il nucléaire. L’Occident est-il prêt à en subir les conséquences? Un référendum organisé aujourd’hui donnerait très probablement une réponse négative. Les populations ne veulent pas la guerre. Encore moins si elle s’avère mondiale. Mais que faire si les décideurs sont d’un autre avis? Avec des intérêts à court terme, avant tout financiers. Les destructions de villes n’ont jamais coulé la Bourse. La perspective de la reconstruction offre de juteuses perspectives immobilières à certains de ses ténors.

Les médias « dominants » embouchent les trompettes de leurs sponsors pour en rajouter sur le terrain du bellicisme. Tel journal en ligne à forte audience n’y va pas avec le dos de la cuiller: Poutine ne mérite aucune concession, il faut l’éliminer coûte que coûte. Toute tentative de négociation est vouée à l’échec, la guerre doit se poursuivre jusqu’à l’écrasement de l’ennemi. En d’autres termes, la défense territoriale de l’Ukraine n’est plus un but en soi. L’objectif véritable est la dislocation de la Russie.

Ainsi jetés, les dés ne peuvent que conduire au désastre. Car on ne laisse aucune porte de sortie aux belligérants. Pire, on évoque en termes désormais très crus le dépècement du pays sur lequel repose tout le poids des accusations. Je trouve l’Occident tout à coup bien téméraire. Sait-il à qui il a affaire? La Russie n’est pas un îlot du Pacifique mais une puissance considérable, l’un des piliers de l’équilibre de la terreur du temps de la guerre froide. Qui plus est celle par qui l’Allemagne nazie a été vaincue.

Mais l’essentiel n’est même plus là. Le problème en soi étant moins la légitimité ou non d’une intervention russe pour « libérer » un territoire en majorité russophone que la complaisance dont ont fait preuve les Européens à l’égard de la Russie pendant des décennies. Prenez l’affaire des gazoducs. Depuis les années soixante, Moscou n’a eu de cesse de consolider son réseau d’or gris avec la bénédiction de capitales occidentales dont la dépendance quasi totale du gaz russe était devenue totalement incompréhensible, nonobstant la fiabilité des livraisons et le prix très avantageux à l’aune relative des cours mondiaux. Achevée en 2021, la construction du gazoduc Nord Stream doit autant aux chanceliers allemands Schroeder et Merkel qu’à Vladimir Poutine. Son sabotage en 2022 a porté un coup d’arrêt aux exportations de gaz russe sans parvenir à les interrompre complètement. L’approvisionnement de l’Europe se poursuit par des voies mystérieuses mais réelles. Le magazine britannique “The Economist” affirmait récemment que l’Autriche importe encore 70% de son gaz de Russie…

Pour ne pas avoir anticipé cette évolution, l’Occident a péché par une coupable désinvolture. Il semble réaliser aujourd’hui qu’il a fait fausse route en déléguant si longtemps à la paresse et à la facilité ses grands enjeux énergétiques. Mais aujourd’hui il n’a pas pris conscience d’une chose: pour régler la question russe, sa tactique d’encerclement est vouée à l’échec. Une pirouette guerrière ne lui permettra pas de sortir indemne du bourbier géopolitique dans lequel il s’est enfoncé. Nouvelle offense à l’histoire de l’humanité, le conflit a déjà fait plusieurs centaines de milliers de morts. Une solution négociée dans l’affaire ukrainienne s’impose d’urgence. Quitte à subir une nouvelle paix imparfaite.

Il n’y a qu’une seule alternative à la paix, c’est la paix!

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5 commmentaires à “La paix, seule alternative à la paix”

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    Santo Cappon 5 octobre 2023 at 10:30 #

    Analyse construite avec une logique interne cohérente, géopoliquement parlant. Dès le moment où l’on veut défendre un horizon prioritaire, celui de la Paix.
    Sauf que dès le départ, Poutine aura voulu faire de ce conflit régional caractérisé par sa décision d’envahir un pays voisin souverain, un enjeu de civilisation :

    La Vertu contre le Péché. Associant à son entreprise l’Eglise orthodoxe russe et les mythes fondateurs puis revisités, d’une Grande Russie éternelle. Afin de renforcer la propagande des armes et la motivation guerrière. Le Péché à abattre étant incarné par cet Occident fantasmé, gangréné par le relâchement des mœurs et de franches dérives sociétales. Incarnées notamment par l’affirmation des LGBT et l’abandon des valeurs familiales, garantes d’un sentiment patriotique expurgé de toute souillure.. Préconisant en outre une militarisation systématique de la société, dès le berceau, dans les écoles et via les nouveaux manuels scolaires. Revisitant l’Histoire en exaltant le martyre individuel et collectif. Un lavage de cerveaux initié il y a une vingtaine d’années, contribuant à cimenter un nouveau contrat social étonnamment calqué sur celui des régimes fascistes des années trente. Le culte du chef suprême autrement dit de lui-même, étant verrouillé par la criminalisation de la moindre opinion contraire à celle du pouvoir en place.

    Autrement dit et pour Poutine, cette guerre qu’il souhaite pérenniser est en fin de compte une aubaine, car elle renferme de jour en jour comme ce fut le cas jadis, l’argument suprême censé souder pour longtemps et jusqu’à l’absurde, un peuple entier derrière lui : la Patrie en danger. Comme autrefois, dès le moment où Staline a vu son alliance avec Hitler, trahie par ce dernier.

    En conclusion j’aurais tendance à constater que très curieusement, cet Occident prétendument “responsable à 100% de la guerre”, serait devenu en creux et de facto, le faire-valoir des projets expansionnistes de Poutine, subordonnés à la consolidation de son pouvoir politique et de ses ambitions personnelles.

  2. Yves Ecoffey 5 octobre 2023 at 10:34 #

    Certes, la seule alternative à la paix est la paix. Malheureusement, il faut bien l’admettre, depuis toujours, seule la guerre compte. “Riche” d’une corruption mondiale, elle est le fruit d’une spéculation en tout genre, vente d’armes en tête.

    L’argent divin en est le moteur tout puissant, lié à une non-gestion promue par des amalgames pervers. Il ne s’agit pas de dissection pour enlever le mal mais de chirurgie au mixer…

    A propos d’amalgame, il s’agit de tout mélanger pour mieux ne rien comprendre. Par exemple, lors de l’ère URSS, le don de la Crimée à l’Ukraine par Kroutchev est-il pour quelque-chose dans le conflit? Et le soutien actuel de la Hongrie à la Russie fait-il écho à l’invasion soviétique de Budapest en 1956?

    A Yverdon, sur la place Pestalozzi, le drapeau ukrénien flotte sur l’hôtel de ville… Remplacer le suisse par un russe me paraîtrait adéquat.

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    Christian Lecerf 6 octobre 2023 at 17:23 #

    “Une Ukraine nazie et corrompue”… Cette petite musique est largement diffusée depuis le début du conflit sans que l’on sache très bien dans quelles proportions ces deux adjectifs peuvent s’appliquer à ce pays en souffrance. Car en matière de corruption, la Russie est évidemment un modèle du genre, c’est bien connu. Quant aux relens de nazisme, mieux vaut jeter un voile pudique sur ce phénomène dont on a aujourd’hui du mal à distinguer les contours, notamment en Europe centrale.
    Je partage l’analyse de Santo Cappon : 1/ il y a un agresseur et un agressé. 2/ Il y a un droit international. 3/ Poutine mène une guerre sainte contre un Occident qu’il juge dépravé, dépassé et décadent. C’est en tout cas ce qu’il a trouvé pour donner de la noblesse et une densité historique à son opération dite spéciale.
    Le pacifisme est une vertu noble et généreuse qui tient rarement compte des réalités géopolitiques : tout le monde préfère la paix à la guerre… sauf celui qui l’a déclenchée comme ce fut le cas avec Hitler et comme c’est le cas maintenant avec Poutine. Pour moi l’alternative ce serait plutôt entre la guerre et la camisole de force…. sauf si de talentueux diplomates parviennent à trouver un terrain d’entente.

  4. Lionel de Pontbriand 12 octobre 2023 at 17:13 #

    Paix aux âmes de bonne volonté lucide et juste dans l’analyse géopolitique de la chronique du rédacteur en chef Christian Campiche. Seuls la volonté et le courage politiques deviendront une oeuvre de paix salutaire pour l’Ukraine, la RUSSIE et l’Europe, en évitant le pire, car il n’y aucune autre issue que la reconnaissance d’une stricte neutralité bienveillante garante de la paix. De nombreuses souffrances inhumaines seraient épargnées avant NOËL grâce à une négociation européenne indispensable et diplomatique comprenant un plan de paix et de neutralité sous les auspices de la Suisse.

    • Dominique Olgiati 6 novembre 2023 at 11:34 #

      BRAVO !
      Souhait de fare connaissance avec vous et Christian Campiche notre ami
      Belle journée
      Dominique Olgiati

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