PAR CHRISTIAN CAMPICHE
Pauvre John! Deux ou trois ans avant son assassinat à New York en 1980, il enregistre chez lui sur son magnéto des airs qui lui passent par la tête. Comme le font tous les compositeurs. Il a trouvé des paroles. Il retient une dizaine de chansons pour figurer sur son dernier album « Double Fantasy ». Il a fait un choix, d’autres titres n’étaient pas dignes de passer à la postérité.
Et voilà que 15 ans plus tard, dans les années 90, ses compagnons de cordée de la grande époque des Beatles décident d’en reprendre une ou deux pour les assaisonner à leur goût. Yoko, la veuve de John, les a transmises à Paul en lui disant en substance: « fais-en ce que tu veux ». Paul, George et Ringo se mettent au travail et sortent “Free as a Bird” avec la voix de John. Il chantonne dans sa chambre à coucher, l’antidépresseur à portée de main. Le résultat ne casse pas la baraque pour qui a connu la période magique des « Fab Four » et celle qui a suivi, quand les “Quatre garçons dans le vent” poursuivaient leur carrière en solo. Mais il n’est pas vraiment immonde non plus grâce au jeu de guitare toujours génial de George. “Free as a Bird” parvient même à des places très honorables dans les hit parade du monde entier. En Grande-Bretagne, il se place au deuxième rang des ventes.
Une ou deux années plus tard, le trio remet l’ouvrage sur le métier avec un autre titre « schubladisé » de John, “Real Love”. Un succès commercial est aussi au rendez-vous.
Le même accueil sera-t-il réservé à “Now and Then”? Compte tenu du matraquage publicitaire qui en a précédé le lancement, il est probable que youtube lui accordera davantage qu’une poignée de clics d’audience. Mais la chanson sortie ce 2 novembre 2023 sous l’impulsion de Paul McCartney avec la complicité de robots restituteurs de voix et de synthétiseurs clonant des gimmicks de “Strawberry Fields Forever”, l’une des chansons phares de John Lennon, ne convainc pas, pour ne pas dire qu’elle irrite les connaisseurs qui savaient apprécier ce génie musical à sa juste valeur. On réalise terriblement que cette fois, George Harrison, décédé d’un cancer en 2001, n’est plus de la partie. De toute façon, il n’aurait pas participé à cette tentative de résurrection. “George considérait que ‘Now and Then’ était une chanson juste bonne pour la poubelle”, avoue aujourd’hui Paul McCartney, 81 ans. De fait ce dernier à la guitare basse, et Ringo Starr, 83 ans, à la batterie, ne parviennent pas à sauver la prestation de l’ennui. Même quand ils font les choristes.
L’ensemble laisse un sentiment d’inachevé qui atteint une dimension macabre dans le clip officiel de Now and Then, où l’on met en scène un John Lennon en train de cumuler les pitreries d’outre-tombe, comme s’il n’était qu’un fou du roi. Lui, le chef de la bande, devait le sentir quand il a écrit sa chanson “God” en 1970: “I don’t believe in Beatles, dream is over”. Je ne crois pas dans les Beatles, le rêve est fini.
Bien d’accord avec cet édito. Le clip est grotesque et pathétique. On a du mal à comprendre comment les deux Beatles encore vivant ont pu se prêter à cette bouffonnerie…
Suis-je d’accord? Je n’arrive sincèrement pas à me décider.
Simplement parce qu’il m’est difficile d’être objectif quand il s’agit des Beatles. Car une chose est sûre: entendre cette voix, retravaillée ou pas, me donne des frissons (d’ailleurs, qui parmi les chanteurs vivants ne fait pas retravailler sa voix? Certainement pas Mike Jagger). Et peut-être que c’est tout ce qui compte… l’émotion que ça procure, peu importe la manière.
Après, il y a un point que je trouve discutable – pourquoi créditer les Beatles de ce morceau? Il a été écrit par John, lorsque les Beatles n’étaient plus. Ca devrait être un morceau signé John Lennon. Figurant sur son best of, en tant qu’artiste solo. Du reste, le morceau sonne bien plus comme du Lennon que du Beatles.
Une chose est certaine, même si pour Now and Then on ne dit pas non car ça reste du John, j’espère que cela ne deviendra pas une nouvelle tendance. Allons-nous entendre des morceaux inédits de Johnny Cash? Elvis? Bethov? Pire encore, pourrons nous les voir en concert en hologrammes? J’espère pas, mais malheureusement c’est pas exclu.
J’ai été parmi les adoratrices des Beatles et cet épisode m’a laissée perplexe. Laissons les morts en paix.