La Suisse est-elle en guerre?


PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Qu’on nous le dise, une fois pour toutes! L’Europe est elle en guerre, au sens classique du terme? Et la Suisse? La question a du sens dans la mesure où nous parlons d’un Etat neutre. Un statut dont on sait qu’il est fort malmené depuis un certain temps. Et le gouvernement suisse y est pour quelque chose. A force de suivre les yeux baissés les consignes de Washington et Bruxelles dans l’affaire ukrainienne, les sept prétendument sages donnent l’impression de pédaler dans le yogourt.

Prestigieuse revue géopolitique éditée à Turin, Limes a consacré son édition de décembre 2023 à la Suisse, “Svizzera, la potenza nascosta” (Suisse, la puissance cachée). Le ton est élogieux, reflétant l’estime dont bénéficie le pays alpin en Italie. La partie la plus intéressante est sans conteste celle que le mensuel dédie à la neutralité. Une analyse en deux parties, la seconde étant titrée “le dilemme des sanctions”. Originaire de Cuneo, l’avocat d’affaires zurichois Pietro Meineri relève combien les mesures punitives appliquées à la Russie placent la Suisse dans une situation délicate en termes d’identité nationale au sein d’une communauté internationale toujours moins bien disposée envers sa neutralité. Une déférence en vibrant déclin, qui fait dire à l’ambassadeur américain à Berne que la Suisse affronte sa plus grave crise depuis la Deuxième Guerre mondiale.

D’un grand conflit à l’autre, le contexte est donné. Aujourd’hui, la Russie ne veut plus entendre parler de bons offices helvétiques, et ce alors que la guerre n’a jamais été déclarée officiellement en Europe. Sauf par Macron en 2020, mais c’était au début du psychodrame du Covid, annonce préfigurant bien clairement des mesures liberticides. Ce qui nous ramène à notre interrogation initiale dans cet article, en l’élargissant cette fois aux passeurs des états d’âme du monde, les médias: la Suisse est-elle en guerre?

Répondre par l’affirmative faciliterait la tâche de ceux qui s’interrogent sur la chape de plomb qui recouvre le monde de l’information depuis quelques années. L’équivalent d’une censure qui ne dit pas son nom. Dans un livre collectif qui vient de paraître, “Sans diversité de vues, pas de journalisme“, 23 journalistes de Suisse romande se font l’écho d’un malaise grandissant, la soumission à une pensée unique, le manque de critique face aux grandes options sanitaires et militaires. J’y consacre un chapitre intitulé “La com siffle, on accourt!”, dont voici un extrait:

La crise du coronavirus a marqué un tournant dans ce suivisme collectif. Que les médias audiovisuels, inféodés au Midas étatique, diffusent en boucle les consignes en matière de vaccination, on le comprend encore. Mais qu’un journal d’ «opposition  » se fende de relayer le message officiel au point de censurer les lettres de lecteurs vaccino-sceptiques, cela dépasse l’entendement. La logique est la même dans l’affaire ukrainienne. La diversité de l’information commanderait que l’on autorise les publications émanant de bords antagonistes. Ce n’est plus le cas depuis février 2022 et le début de la guerre entre deux Etats souverains. Les journaux russophiles sont censurés. Une situation analogue à celle que vécurent les belligérants pendant les conflits mondiaux de 14-18 et 39-45, quand la presse était aux ordres des gouvernements.

En 1940 en Suisse, sous la férule du colonel Masson, chef des services secrets helvétiques, une unité de journalistes triés sur le volet fut chargée de contrôler l’information. Rien ne permet d’affirmer aujourd’hui qu’une telle structure ne pourrait pas renaître, ainsi qu’en témoigne la couverture des événements Covid par le service public de la radio-télévision de la Suisse italienne. L’information concernant les mesures sanitaires avait été confiée à une cellule de six journalistes. La démarche est problématique en termes démocratiques et de déontologie journalistique, même si l’antenne a eu le mérite de ne pas cacher le subterfuge, preuve d’une certaine honnêteté, finalement.

Salle comble, mardi 6 février 2024 au Club suisse de la presse à Genève, pour le vernissage du livre “Sans diversité de vues pas de journalisme“. Sur notre image infoméduse, Romaine Jean (au centre) modère le débat avec (de gauche à droite) quatre auteurs parmi les 23 journalistes qui ont participé à la rédaction du livre: Zeynep Ersan, Raphaël Pomey, Jacques Pilet et Jonas Follonier.

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Un commentaire à “La Suisse est-elle en guerre?”

  1. Edgar Bloch 12 février 2024 at 18:27 #

    Avec le propos de Trump,très probable candidat républicain et possible prochain président des Etats-Unis, qui encourage une situation où les membres de l’OTAN seraient attaqués par la Russie, si ceux-ci n’augmentent pas leur financement de l’OTAN, mieux vaut pour eux de faire un sérieux rattrapage pour la défense nationale. Bon on a déjà un milliard qui nous manque…

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