En France, naissance d’un observatoire des atteintes à la liberté de la presse


PAR YANN LE HOUELLEUR, à Paris

Mieux vaut tard que jamais. Une quinzaine de journalistes, œuvrant dans toutes les catégories de médias, essaimant à travers  toute la France, ont concrétisé une initiative qui se faisait attendre. A la mi-avril 2015, ils ont annoncé la naissance de l’Observatoire français des atteintes à la Liberté de la presse, l’Ofalp, fonctionnant sous forme associative à gouvernance collégiale. Ces consœurs et confrères entendent dénoncer les pressions et intimidations dont trop de journalistes font l’objet mais aussi aspirent-ils à constituer, pour la première fois, une base de données recensant de tels abus, librement consultable. Ainsi, l’Observatoire publiera-t-il un rapport annuel et constituera-t-il une série de dossiers thématiques fournissant des exemples très concrets d’atteintes à la liberté de la presse. Ce n’est pas tout : des actions de sensibilisation auprès des journalistes et des citoyens seront menées pour les aider à mieux faire face à ces entraves à la liberté d’informer.

Journaux contrôlés par une banque – L’originalité de la nouvelle association réside dans le fait que tous les types de médias sont représentés, avec une forte présence, au sein du bureau, de journalistes de la presse quotidienne régionale, la PQR. La détérioration de la santé financière des journaux en province est un prétexte pour déclencher des coupes franches au sein des effectifs. Exsangues, les rédactions ne sont plus en mesure de faire leur travail correctement. Peu de gens savent qu’un quart environ du tirage de la PQR est assuré par Ebra, une filiale du Crédit mutuel qui a mis la main sur des titres importants, au nombre desquels Le Dauphiné Libéré, le Progrès, l’Est Républicain… Pire encore : ainsi que l’ont suggéré des observateurs de l’univers impitoyable des médias, plusieurs journaux et magazines ont été acquis par des investisseurs qui ont affaibli les rubriques économiques afin de dissuader les journalistes affectés à celles-ci de mettre leur nez dans les affaires et scandales auxquels sont mêlées des entreprises.

L’Ofalp s’enorgueillit d’avoir convaincu des journalistes d’investigation de rejoindre ses rangs, en particulier Inès Léraud et Ariane Lavrilleux. La première a minutieusement enquêté sur le phénomène des algues vertes en Bretagne, une pollution causée par l’ensemble de la chaîne agro-industrielle. Cette journaliste indépendante a découvert que le premier syndicat agricole, la Fnsea, a tissé des liens avec des services au sein de la gendarmerie nationale de manière à intimider des journalistes trop curieux. Ces tentatives de musèlement portent un nom : les procédures-bâillon. Il s’agit d’empêcher à temps lesdits journalistes d’enquêter sur des sujets d’une importance stratégique. 

Contre-pouvoir – Or, fait valoir l’Ofalp, le conseil de l’Europe a déjà mis en œuvre un dispositif d’alerte des gouvernements en ce qui concerne la sécurité des journalistes. Ainsi le nouvel Observatoire entend-il mettre le doigt sur le retard pris par la France en matière de protection des sources et de défense des lanceuses et lanceurs d’alerte.

L’Ofalp rappelle que « la presse est un contre-pouvoir indispensable au fonctionnement de la démocratie, sans lequel de nombreuses affaires d’intérêt public n’auraient jamais eu lieu ». En guise d’exemple, l’Observatoire cite :

– Les révélations sur l’affaire Cahuzac, du nom du premier ministre du Budget de François Hollande qui avait démissionné lorsque les preuves de l’ouverture de comptes dans des banques suisses furent dévoilées par Mediapart ;

– Les affaires LuxLeaks, Panama Papers et autres exactions fiscales (fraude et paradis fiscaux) ;

– Le projet Pegasus (Commission d’enquête sur l’utilisation des logiciels espions dans l’Union européenne).

Et encore, ceci n’est qu’un court extrait d’une liste de scandales étoffée et qui devrait s’allonger au cours des prochaines années.

Tags: , , ,

Laisser un commentaire

Les commentaires sous pseudonyme ne seront pas acceptés sur la Méduse, veuillez utiliser votre vrai nom.

Mentions légales - Autorenrechte

Les droits d'utilisation des textes sur www.lameduse.ch restent propriété des auteurs, à moins qu'il n'en soit fait mention autrement. Les textes ne peuvent pas être copiés ou utilisés à des fins commerciales sans l'assentiment des auteurs.

Die Autorenrechte an den Texten auf www.lameduse.ch liegen bei den Autoren, falls dies nicht anders vermerkt ist. Die Texte dûrfen ohne die ausdrûckliche Zustimmung der Autoren nicht kopiert oder fûr kommerzielle Zwecke gebraucht werden.