La France face au mur de la dette



PAR YANN LE HOUELLEUR, dans la région parisienne

Parmi les best-sellers de cette saison, un livre dont le titre fait allusion à une parole biblique : « La vérité vous rendra libre ». L’auteur s’appelle Charles Gave, un octogénaire débordant d’humour, aux cheveux plus blancs que neige. Devenu millionnaire, cet homme d’affaires préside l’Institut des Libertés, un think thank libéral. Conseiller de plusieurs hommes politiques, parmi lesquels le député Nicolas Dupont-Aignan, il tire à boulets rouges sur la technocratie, la bureaucratie européenne et… Emmanuel Macron. Dans son tout dernier ouvrage, Charles Gave s’en prend aux « hommes de Davos » et « leur projet visant à transférer les souverainetés locales vers des organisations supranationales et à promouvoir une société de contrôle. »

Pour Charles Gave, cela ne fait aucun doute : « Les hommes de Davos estiment faire partie d’une élite éclairée. Ils vivent dans une espèce de monde éthéré, artificiel, convaincus d’être les plus malins, les plus brillants, et que grâce à eux le monde va connaître une période de paix et de prospérité remarquable. »

Apeurer la population – « Il est hors sol » : c’est précisément la critique que nombre d’adversaires d’Emmanuel Macron font à l’encontre de ce dernier. Le président français et son grand argentier Bruno Le Maire développent un programme qui n’est pas pour déplaire au gratin de la finance assistant assidument au Forum de Davos.

Depuis plusieurs années, la France s’est engagée dans une gestion ultra libérale de ses finances et en même temps elle n’a pas réussi à réduire le poids du secteur public depuis longtemps obèse avec ses 6 millions d’agents dont la productivité est parfois insatisfaisante.

Député élu sous la bannière de la France Insoumise, formation politique avec laquelle il a pris ses distances, François Ruffin a dénoncé (dans une vidéo postée sur youtube) « une stratégie qui ouvre le chemin aux privatisations ». Quel chemin, donc ? « Il y a une politique des caisses vides, affirme le député, misant sur la clôture des comptes avec un déficit public, ce qui permet d’apeurer la population en taillant dans les dépenses publiques. »

Crise mondiale – Toujours est-il qu’Emmanuel Macron se trouve à la tête de l’un des cinq pays les plus endettés au monde. Une dette devenue abyssale que l’économiste Marc Touati (sur youtube, également) estime à 5,5 % du Produit intérieur brut (Pib) en 2023. « La prévision pour l’année en cours est de 6 % », prévoit l’économiste tout en rappelant que ce déficit, l’an dernier, a atteint 154 milliards d’euros.

Une première dans l’histoire de la France : la dette publique a dépassé 3000 milliards d’euros en 2023. En conséquence a été constatée une envolée des taux d’intérêt. Selon l’agence France Trésor, l’an dernier la France a emprunté à 3,15 %, ce qui a contraint la Banque centrale à relever ses taux directeurs.

L’inquiétude est largement partagée par l’ensemble des économistes et experts de la Finance : l’Hexagone peut déclencher une crise européenne et même mondiale, en proie à de probables difficultés pour honorer ses remboursements, d’autant plus que la croissance s’annonce faible, vraisemblablement 0,6 % en 2024.

Dès lors, la marge de manœuvre dont disposent le président Macron et les siens pour donner des gages à la communauté financière mondiale s’avère être étroite. Marc Touati préconise « une thérapie de choc bienveillante ». Mais en vérité, ce que les Français commencent à ressentir est une augmentation constante des impôts et des prélèvements alors que s’accélère le rythme des faillites d’entreprise. Un nombre croissant de citoyens doivent se serrer la ceinture et les médias ne cessent de diffuser des reportages exacerbant de telles craintes. Files interminables à la porte des Resto du cœur, ménages contraints de sauter un repas sur deux; et toujours plus de travailleurs dormant dans leur voiture à défaut de pouvoir acquitter un loyer, etc.

Dollar ou franc suisse – Plusieurs ministres ont été priés d’opérer des coupes sombres dans leur budget, au total 10 milliards d’euros. Co-fondateur de la lettre économique « Les Incorruptibles », sympathisant du Rassemblement national, Olivier Delamarche évoque, dans les interviews qu’il accorde, l’exaspération d’une grande partie des Français qui « ne veulent pas casquer pour que le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’en mette plein les narines. » Pas très gentil de sa part… « Si vous avez des taux d’intérêt de 3 %, analyse Olivier Delamarche, ça veut dire que la quasi-totalité de la marge brute d’exploitation des entreprises ira au remboursement de la dette de l’Etat. » Non sans une certaine exagération, Olivier Delamarche conseille aux investisseurs de se reporter sur le dollar et sur le franc suisse.

Photo YLH

Il reste à savoir comment le gouvernement, en réalité, pourrait faire de réelles économies alors qu’il doit composer avec une situation explosive sur de nombreux fronts : l’augmentation spectaculaire de l’ultra violence et la nécessité de combattre le fléau du narco-trafic supposent des investissements massifs dans la sécurité avec notamment une progression des recrutements effectués par les forces de l’ordre. De même, il faut renforcer la protection des établissements scolaires menacés par les racailles de toute sorte, les dealers et les mouvements islamistes. Et puis le soutien inconditionnel qu’Emmanuel Macron apporte à l’Ukraine alourdit la dépense et suscite, on l’a vu précédemment, de vives critiques.

A cette liste de frais incompressibles s’ajoute… l’organisation des Jeux olympiques (en juillet-août prochains) dont personne n’ose imaginer le dénouement puisque ce défi à relever risque de tourner à la catastrophe.

Tout cela incite moult observateurs à prévoir une fin d’année chaotique sinon perturbée par des révoltes populaires et même des émeutes. Un scénario à la grecque ou à la libanaise n’est pas à exclure. Emmanuel Macron, qui ne pourra guère se représenter en 2027, a de fortes chances d’essuyer cette critique irrévérencieuse : Après moi le chaos…


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