Publiée en janvier dans le site Infoméduse, une lettre ouverte à l’attention de la commune de Surpierre a été à l’origine d’une vague de soutiens sans précédent. Tant le public que des médias, ainsi qu’une nombreuse clientèle ont en effet répondu présents pour marquer leur solidarité avec le Grenier de Cheiry et à Laurent Dupuis, le cafetier à la crête. Trois mois plus tard, l’avenir du café demeure dans les limbes.
PAR NADINE CRAUSAZ
Petit retour sur les événements. Fin 2023, la décision de la commune de Surpierre de ne pas renouveler le bail de l’exploitant avait plongé le restaurant atypique dans une tourmente inattendue. Les raisons avancées évoquaient des nuisances sonores et des horaires nocturnes trop festifs, comme si Cheiry était sur le point de devenir le Las Vegas de la campagne broyarde.
La tentative de conciliation lors d’une réunion devant la Commission en matière de bail, n’a pas abouti à un accord. Malgré des arguments éloquents, des dizaines de lettres de soutien et une pétition en faveur du Grenier, les tensions entre les édiles de la commune et Laurent Dupuis semblent s’être enracinées, alimentées par des intérêts personnels et des visions divergentes de l’avenir de l’établissement de Cheiry.
Dans cette lutte pour le maintien de son établissement, Laurent Dupuis a exprimé son intention de poursuivre l’affaire en justice, affirmant que les propositions formulées par le syndic (ndlr. démissionnaire) n’étaient pas satisfaisantes. Le restaurateur a en effet refusé la proposition de prolongement de bail d’une année seulement.
Les copains d’abord
Il souhaite simplement continuer à exploiter son établissement avec sa conjointe Magda. Pour le couple, poursuivre l’aventure gastronomique et artisitique au Grenier jusqu’à la retraite est bien plus qu’un simple désir, c’est une passion profonde et un engagement envers leur communauté qui s’étend aux confins de la Suisse romande.
Mais voilà, dans ce théâtre de l’absurde, les tensions persistent entre les édiles de la commune et le vaillant cafetier. Des luttes de pouvoir dignes des plus grands épisodes de « Game of Thrones », où chacun défend ses intérêts avec une férocité qui ferait pâlir Cersei Lannister.
Belle aventure humaine et sociétale
Autour de la Stammtisch, les clients réguliers ont réitéré leurs préoccupations concernant la décision de mettre un frein à cette belle aventure humaine et sociétale. Ils soulignent le rôle significatif de l’établissement dans la revitalisation de la région, grâce au charisme du tenancier et à sa capacité à attirer une clientèle diverse. Le restaurant Le Grenier a contribué à changer la perception de Cheiry, autrefois associé à un sombre passé, avec le drame épouvantable du Temple solaire, en un lieu accueillant et dynamique, en grande partie grâce aux efforts de Laurent Dupuis et de sa compagne.
Au-delà des enjeux juridiques, c’est le cœur de la région qui bat au rythme du Grenier, bien plus qu’un lieu de restauration, c’est, on le répète, un symbole de convivialité.
Clochemerle à Cheiry
Bien que les contextes et les détails puissent différer, les histoires du Grenier de Cheiry et de Clochemerle partagent des thèmes universels de conflit, de communauté et de résistance face au changement. L’histoire du Grenier présente des similitudes frappantes avec le célèbre roman « Clochemerle » de Gabriel Chevallier. Dans les deux cas, nous sommes témoins d’une lutte entre les autorités locales et un individu ou un établissement emblématique de la communauté.
Dans « Clochemerle », l’intrigue se déroule dans un petit village français où l’installation d’une pissotière déclenche une série d’événements comiques et conflictuels entre les habitants. La rivalité politique, les ragots et les antagonismes personnels prennent le pas sur la tranquillité du village, mettant en lumière les tensions et les dynamiques sociales au sein de la communauté.
De manière similaire, l’histoire du café Le Grenier à Cheiry met en lumière les luttes au sein de la commune de Surpierre, où des intérêts personnels et des divergences d’opinions sur l’avenir du café entraînent des conflits et des controverses. Les accusations de nuisances sonores et les horaires prolongés deviennent le centre d’un débat plus large sur l’identité et la vitalité du lieu.
Dans les deux récits, nous voyons également l’importance des lieux de rencontres communautaires comme le café ou l’urinoir public. Ces endroits ne sont pas seulement des lieux physiques, mais des symboles de la vie sociale et de l’unité d’une communauté. Leur disparition ou leur mise en péril suscite des réactions passionnées et soulève des questions plus profondes sur l’identité et le caractère d’un lieu.
Tant dans « Clochemerle » que dans l’histoire du Grenier, la résistance et la solidarité des protagonistes sont mises en avant. Face à l’adversité, les membres de la communauté se rassemblent pour défendre ce qu’ils considèrent comme important, que ce soit la préservation de leur mode de vie traditionnel ou la sauvegarde d’un établissement cher à leur cœur.

Magnifique plume de la Crausaz ! Merci à tous pour votre soutien hors du commun! Merci