Des chercheurs de Trends Research & Advisory d’Abou Dhabi, de l’université de Montréal, et de “Pluriel“, une plateforme universitaire de recherche sur l’islam, viennent de publier un Index de la puissance globale des Frères musulmans. Ils annoncent que cette approche unique de recherche interdisciplinaire pourra s’étendre à d’autres mouvements et à d’autres idéologies, qu’elles soient de nature chrétienne, hindoue, juive…
PAR IAN HAMEL
Dans les bibliothèques, les ouvrages sur les Frères musulmans(FM) fleurissent depuis la création de la Confrérie en 1928 par Hassan al-Banna, en Égypte. Qu’il s’agisse de The Muslim Brotherhood and the west, de Martyn Frampton, de Secret affairs. Britain’s collusion with radical Islam, de Mark Curtis, ou encore de The starfish and the spider, de Ori Brafman et Rod Beckstrom. Sans oublier Le frèrisme et ses réseaux, l’enquête, de la chercheuse française Florence Bergeaud-Blackler, devenu un best-seller dans le monde francophone, et qui devrait être traduit en anglais et en arabe. Il s’agit en général d’ouvrages très hostiles à la principale organisation islamiste dans le monde, présente dans 72 pays. Toutefois, ils répondent imparfaitement à la question : que pèsent véritablement les Frères musulmans ?
L’index de la puissance globale des Frères musulmans 2022-2023 ne se contente pas de s’interroger sur la puissance politique et sécuritaire de la Confrérie (*). Il se penche aussi sur leur puissance économique, sur leur puissance médiatique et enfin sur leur puissance sociétale. Ce que les Frères musulmans appellent le « travail de service ». Notamment en Égypte ou en Tunisie, où ils offraient aux populations démunies des aides financières, des services culturels, éducatifs, juridiques. Alors que la popularité de la Confrérie atteignait un très haut niveau pendant le « Printemps arabe », L’Index constate qu’elle est depuis en très forte chute dans les pays arabes et en Europe. En revanche, elle grimperait en Afrique, en Asie et en Amérique.
La Confrérie divisée en 3 branches
Alors que la puissance globale de la Confrérie atteignait encore 64 % en 2022, elle a chuté à 49,3 % en 2023, et à 48 % en 2024. « Il y a une régression, plus prononcée que jamais, de l’influence médiatique et mobilisatrice des FM en raison de leur incapacité à travailler d’une façon professionnelle, de leur manque de crédibilité et de leur goût prononcé pour la propagande », note l’ouvrage. Les raisons de cette chute ? Les résultats économiques catastrophiques en Égypte et en Tunisie après leurs passages au pouvoir. Considérant qu’il suffisait que le pays soit gouverné pas des « musulmans pieux » pour que tout aille bien, les Frères musulmans n’ont fait qu’aggraver les déficits en embauchant massivement leurs militants. Plus grave, ils n’ont pas fait preuve de plus d’honnêteté que leurs prédécesseurs.
Et surtout, la confrérie a éclaté en trois branches, respectivement dirigées, au Caire (clandestinement), à Londres et à Istanbul. Par ailleurs, leurs principaux soutiens, le Qatar et la Turquie, se sont réconciliés avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte, pays qui considèrent que la Confrérie est une organisation terroriste. Enfin, les Frères musulmans ont perdu leur prédicateur le plus connu dans le monde musulman, le Qatari d’origine égyptienne, Youssef Qaradawi, décédé en septembre 2022. Auteur du « Licite et l’illicite en Islam », il a longtemps été l’animateur sur Al-Jazeera de l’émission « La Charia et la vie ». En Europe, les Frères musulmans ont été expulsés du Conseil des musulmans d’Allemagne en 2022. L’Autriche, « a également intensifié ses actions pour critiquer et démanteler la rhétorique politique des FM », rappelle L’Index.
Interdire la Confrérie
En revanche, tout ne va pas aussi mal sur d’autres continents. En Asie, la moyenne de la puissance des FM atteint 83,2 %. Les raisons ? « La migration des Frères musulmans vers l’Asie après les revers subis au Moyen-Orient, pour préparer probablement un retour de puissance le moment venu ». Dans les Amériques, la moyenne de la puissance est de 64,1%. Et en Afrique de 56,8 %. La sénatrice française Nathalie Goulet (centriste), qui participait à la conférence de presse à Paris, estime que l’annonce de cette baisse d’influence des Frères musulmans en Europe peut être contreproductive. Les pouvoirs publics peuvent estimer que le danger s’éloigne. Alors que l’élue milite pour l’interdiction pure et simple de la Confrérie en France.
(*) Wael Saleh, Patrice Brodeur, Hamad Al Hosani, 128 pages