Le Brésil balbutie son football


Ayant assisté à trois matches de Flamengo de Rio en l’espace de trois semaines – une fois à la télévision et deux fois au stade Maracanã, j’ai été frappée par les limites actuelles du football brésilien. Une victoire poussive de Flamengo contre Sao Paulo et une défaite contre Botafogo ont souligné cette médiocrité ambiante. A sa décharge, Flamengo avait fait le déplacement à la Paz, dans le courant de la semaine, pour essuyer une défaite contre Bolivar (2-1), en Copa Libertadores.

PAR NADINE CRAUSAZ 

En ouverture du championnat national à la mi-avril, Flamengo avait remporté la partie contre Atlético Clube Goianiense de justesse grâce à la bienveillance de l’arbitre qui avait prolongé le match de 16 minutes  (!). Flamengo en avait profité pour sceller le score sur pénalty à la 103e minute.

Contre Botafogo, dans ce derby de la ville de Rio, Flamengo semblait jouer à domicile à Maracanã avec les trois-quarts des supporters acquis à sa cause. Pourtant c’est Botafogo qui a remporté la victoire sans gros efforts ni véritable talent. Déçus, les supporters de Flamengo ont copieusement sifflé leurs joueurs, les traitant de noms d’oiseaux tropicaux. Les plus cléments ont évoqué la chaleur étouffante de Rio en ce début d’automne austral, mais la réalité était la même pour les joueurs de Botafogo. De mon point de vue, ce match aurait carrément pu être arrangé. Pas de preuves évidentes bien sûr, mais un ressenti de vieille briscarde : avec les relents de tous les scandales qui ont émaillé le championnat brésilien, on devient un peu parano !

Le profit à n’importe quel prix 

Au cours d’un seul week end, les matches se succèdent à la télévision, imposant ainsi des horaires complètement irréalistes, un premier  à 11 heures du matin, le second à 14, puis on enchaîne encore avec une affiche à 16 et une autre à 21 heures. Sans se soucier de la santé des joueurs qui sont confrontés à des chaleurs caniculaires. 

Le niveau de jeu se liquéfie faute de talent, de vision tactique, de meneur de jeu et de stratégie. Les défenses sont poreuses, les attaques manquent de créativité et de finition. Les joueurs semblent souvent dépourvus de l’esprit de créativité, ce grain de folie artistique, qui caractérisait autrefois le football brésilien, synonyme d’excellence et de flamboyance. C’est désormais un jeu à des années-lumière du “football samba” qui caractérisait le Brésil du siècle dernier.  Il est  descendu si bas qu’il ressemble plus à une deuxième division française ou anglaise, voire pire. Les jours glorieux de Pelé, de Zico et de Ronaldo semblent être une époque révolue, remplacés par des performances médiocres et une constante suspicion de matches truqués.

Romário revient à 58 ans !

Le retour d’un joueur légendaire comme Romário, 58 ans sur la scène professionnelle, comme joueur de l’équipe de deuxième division d’America, dont il est président, ne fait que souligner les lacunes et les problèmes structurels du football brésilien. Plutôt que d’être une source d’inspiration, cela risque de renforcer l’idée que le football brésilien peine à produire de nouveaux talents de calibre mondial et qu’il se repose plutôt sur des gloires passées pour faire le buzz.

Au lieu de célébrer le retour d’une légende sur le terrain, il est peut-être temps que les autorités du football brésilien se concentrent sur la réforme du système pour assurer un développement sain et durable du football, permettant ainsi à une nouvelle génération de joueurs de briller sur la scène mondiale sans avoir besoin de s’appuyer sur le passé glorieux.

Les matches truqués sont devenus monnaie courante

Le déclin du football brésilien n’est pas seulement dû à des performances en demi teinte  sur le terrain. Il est également entaché par la corruption et les scandales de matches arrangés. Les matches truqués sont devenus monnaie courante, sapant ainsi l’intégrité du sport et la confiance des fans.

Le Brésil a été secoué par plusieurs scandales de matches truqués au fil des ans, révélant ainsi l’étendue de la pourriture dans le football du pays. Des clubs entiers ont été impliqués dans des manipulations de résultats, et des joueurs ont été bannis à vie pour leur participation à ces fraudes. Les preuves de manipulation de matches sont accablantes, avec des cas notoires de joueurs et d’arbitres impliqués dans des arrangements pour influencer le résultat. Ces actes criminels sont non seulement une insulte au sport, mais ils ont également des conséquences désastreuses sur l’économie et la réputation du football brésilien.

Un des scandales les plus retentissants a été celui de l’affaire “Máfia do Apito” en 2005, où des arbitres ont été accusés d’avoir manipulé les résultats de plusieurs matches du championnat brésilien. Cette affaire a profondément ébranlé la confiance des fans dans l’intégrité du football brésilien.

Stade Maracanã, photo NC

Scandales de matches truqués dans le football brésilien

Affaire de la Copa João Havelange (2000) : cette compétition, qui était censée être un tournoi amical entre équipes brésiliennes, a été entachée par des allégations de matches truqués. Des enquêtes ont montré que certains clubs avaient arrangé des résultats pour obtenir des avantages, notamment en évitant la relégation. Plusieurs équipes et joueurs ont été sanctionnés à la suite de ces révélations.

Affaire “Máfia do Apito” (2005) : cette affaire a été l’un des plus grands scandales de l’histoire du football brésilien. Plusieurs arbitres ont été accusés d’avoir manipulé les résultats de matches du championnat brésilien en échange de pots-de-vin. L’enquête a révélé des preuves solides de corruption, entraînant la suspension et la destitution de plusieurs arbitres impliqués.

Affaire de la tentative de trucage du match entre Palmeiras et Vasco da Gama (2013) : En 2013, des preuves ont émergé montrant des tentatives de manipulation du résultat du match entre Palmeiras et Vasco da Gama. Des enregistrements audio ont révélé des discussions entre des responsables de Vasco da Gama et des dirigeants de la Fédération brésilienne de football (CBF) sur la façon de garantir un résultat favorable à Vasco da Gama. Cette tentative de trucage a été fermement condamnée par les autorités et a entraîné des enquêtes approfondies.

Suspicion de trucage dans le championnat de l’État de Rio de Janeiro (2014) : En 2014, des rapports ont fait état d’une tentative de manipulation de matches dans le championnat de l’État de Rio de Janeiro. Des soupçons ont été soulevés après des résultats inhabituels et des performances douteuses.

Tentative de manipulation dans le championnat de l’État de São Paulo (2016) : des allégations de matches truqués ont émergé dans le championnat de l’État de São Paulo en 2016. Des enquêtes ont été ouvertes après que certains résultats surprenants aient suscité des soupçons parmi les fans et les observateurs du football.

Affaire “Operação Cartola” (2018) : cette enquête, menée en 2018, a révélé des preuves de manipulation de matches dans le championnat brésilien de deuxième division, impliquant des dirigeants de clubs, des joueurs et des arbitres. Plusieurs personnes ont été arrêtées, et des mesures disciplinaires ont été prises contre les clubs impliqués.

Ces événements ont gravement terni la réputation du football brésilien et ont mis en lumière la culture de la corruption et de la mauvaise gouvernance qui a persisté au sein de la CBF et de la FIFA pendant des décennies.

Les énormes casseroles des présidents de la CBF

En ce qui concerne les présidents de la  Confédération Brésilienne de Football (CBF), il  y en a pas un pour rattraper l’autre, pour ce qui est des scandales de corruption, de pots de vin, d’agressions sexuelles et autres blanchiments d’argent. Ces présidents ont été impliqués dans des scandales variés, ce qui a souvent entaché la réputation du football brésilien et de ses institutions. 

João Havelange :

Scandales au sein du CIO : En plus des scandales à la FIFA, Havelange a également été impliqué dans des affaires de corruption au sein du CIO. Il a été révélé qu’il avait accepté des pots-de-vin de la part d’entreprises de marketing sportif en échange de l’attribution de contrats liés aux Jeux olympiques. En 2011, Havelange a démissionné de son poste de membre honoraire du CIO après qu’il a été révélé qu’il avait touché des pots-de-vin de la part de la société de marketing sportif ISL. Il a été contraint de quitter le CIO pour éviter une suspension formelle.

Démission de la FIFA : En tant que président de la FIFA pendant 24 ans, Havelange a été accusé de multiples actes de corruption et de détournement de fonds. Bien qu’il ait démissionné de la présidence de la FIFA en 1998, il a été contraint de quitter son poste de président d’honneur en 2013 après que des preuves supplémentaires de corruption ont été révélées.

Ricardo Teixeira :

Implication dans les affaires de corruption : En tant que président de la CBF pendant de nombreuses années, Ricardo de Teixeira, le gendre unique et préféré de Joao Havelange, était également impliqué dans des scandales de corruption. Il a été accusé d’avoir accepté des pots-de-vin en échange de contrats de droits télévisuels et d’autres accords commerciaux liés au football brésilien.

Sortie de prison pour la Coupe du Monde 2014 : Teixeira a été impliqué dans des enquêtes sur la corruption dès 2012, mais il n’a pas été formellement inculpé. Malgré cela, il a été contraint de démissionner de son poste à la tête de la CBF en 2012. En 2014, juste avant la Coupe du Monde au Brésil, Teixeira a été contraint de quitter le Brésil pour échapper à des accusations de corruption. Il s’est réfugié en Floride, aux États-Unis, où il a continué à nier les allégations portées contre lui. Bien qu’il ait été sous enquête, Teixeira a finalement pu assister à la Coupe du Monde 2014 au Brésil sans être arrêté.

En plus de João Havelange et Ricardo Teixeira, d’autres présidents de la Confédération brésilienne de football (CBF) ont également été impliqués dans des scandales et des affaires controversées :

José Maria Marin :

Scandale de la FIFA : Marin a été arrêté en 2015 en Suisse dans le cadre du scandale de corruption de la FIFA. Il a été accusé d’avoir accepté des pots-de-vin en échange de l’attribution de contrats de marketing et de droits de diffusion. En 2018, il a été condamné à une peine de prison aux États-Unis.

Marco Polo Del Nero :

Accusations de corruption : Del Nero a été accusé de corruption et de blanchiment d’argent par les autorités brésiliennes. En 2015, il a été suspendu par la FIFA pour 90 jours à la suite de ces accusations. En 2018, il a été banni à vie par la FIFA de toute activité liée au football en raison de sa participation à des activités illégales.

Rogerio Caboclo :

Accusations de harcèlement sexuel : En 2021, Caboclo a été suspendu de ses fonctions de président de la CBF après des accusations de harcèlement sexuel et d’abus de pouvoir par une employée de la CBF. Il a été remplacé par le vice-président Antonio Carlos Nunes de Lima, mais les accusations ont suscité des controverses sur la culture de travail au sein de la CBF.

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