Tribune libre – Le scandale de l’eau minérale Nestlé révèle encore une fois une chaîne de défaillances


Dans le scandale de l’eau minérale, Nestlé a certes commis une violation que l’on pourrait qualifier de fraude, même si, en principe, c’était pour une bonne cause. Sauf qu’il s’agit là du « petit péché ». Ce qui est encore plus grave, c’est que Nestlé a trahi la confiance des consommateurs et violé le principe de transparence. En 2014, lors du Forum des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme, M. Paul Bulcke, Président du Groupe Nestlé, n’a-t-il pas déclaré: « la confiance et la transparence doivent être au cœur des affaires ».  

Une fois de plus, la Direction de Nestlé a violé ses propres engagements, car il ne fait aucun doute qu’elle savait ce qui se passait. Les enjeux étaient trop importants pour invoquer l’ignorance. Nestlé a sciemment enfreint la loi et caché ses problèmes, du moins aux consommateurs. Pendant combien d’années, nous ne le savons pas. 

La faute au loup ou au berger?

Mais ce qui est encore plus déconcertant, c’est la réaction des autorités et les défaillances dans le contrôle des entreprises. Y a-t-il eu un programme de surveillance des sources d’eau et une vérification indépendante? Comment les inspecteurs ont-ils pu ne pas voir que Nestlé traitait ses eaux minérales ? Pourquoi les informations sur ce scandale sont-elles si vagues ? Qu’en est-il des engagements pris dans le passé, après la crise de la vache folle et la fraude à la viande de cheval, lorsque les autorités ont promis la transparence comme principe fondamental de la gestion de la sécurité des aliments ? Même lorsque les lanceurs d’alerte tirent la sonnette d’alarme, les autorités ne réagissent pas. Alors à qui la faute, au loup ou au berger ? 

La violation du principe de transparence, tant par l’industrie que par les autorités, mine la confiance des consommateurs et nuit à leur paix mentale. Pourrons-nous à l’avenir faire confiance aux entreprises ? Les marques, sont-elles encore une garantie de sécurité et de qualité des produits ? Cette fraude à la consommation et la manière dont elle est traitée par les autorités est un coup dur pour l’ensemble du secteur. Surtout, elle se produit chez le leader de l’agroalimentaire, dont les marques sont les plus réputées. N’est-il pas vrai qu’avec la fortune, le pouvoir et le prestige viennent des responsabilités? 

Les deux piliers de la confiance se sont effondrés

En effet, la confiance des consommateurs repose sur deux piliers : d’une part, le contrôle réglementaire des entreprises et, d’autre part, la marque du produit perçue comme une promesse de qualité et de conformité aux valeurs de la société. Dans le cas présent, les deux piliers de la confiance se sont effondrés. Au-delà de la gestion discutable des autorités compétentes, il y a le fait que la confiance des consommateurs dans les marques repose sur leur perception, fortement influencée par l’image de l’entreprise, la publicité et la propagande. Alors qu’une marque solide doit s’appuyer sur la culture de l’entreprise. 

Dans le cas de Nestlé, on ne peut que déplorer sa culture d’entreprise. La récente condamnation de la Direction même de Nestlé pour harcèlement, le non-suivi des alertes et le soutien d’un harceleur à la Direction de Qualité sont la preuve d’une culture d’entreprise malsaine. Elle témoigne de lacunes dans la qualité et l’éthique des dirigeants.  

Une telle culture rend l’entreprise vulnérable à toutes sortes de défaillances. Cette perte de confiance pourrait faire que même si, dans une situation défavorable, l’entreprise agit honnêtement en faveur de l’intérêt public, son action pourrait être perçue comme suspecte et remise en question.

Impunité accordée à la direction

Ce qui est encore plus incompréhensible, c’est l’impunité accordée à la direction de Nestlé. Le 18 avril 2024, l’Assemblée générale des actionnaires a renouvelé le mandat de M. Paul Bulcke et réélu M. Ulf Mark Schneider en tant que PDG. Et ce, malgré les nombreux scandales allant des produits contaminés ou malsains à la récente condamnation judiciaire pour harcèlement en 2023. Comment expliquer l’impunité dont bénéficient les dirigeants de Nestlé, qui les rend intouchables et donc encore plus audacieux ?

Et puis il y a la responsabilité de la société civile, allant des médias aux ONGs en passant par les politiques que les scandales interpellent mais qui ne soutiennent pas les lanceurs d’alerte, alors que ces derniers sont les meilleurs alliés en matière de prévention et de protection des consommateurs. Ceux-ci, se voyant impuissants, acceptent l’inacceptable, relativisent la gravité du statut quo avant de rapidement confier l’affaire aux oubliettes. 

En résumé, le scandale de l’eau minérale Nestlé révèle encore une fois une chaîne de défaillances. Une situation qui n’est pas sans rappeler les mots de M. Peter Brabeck-Letmathe, l’ancien PDG et Président du groupe Nestlé : « La gestion de la qualité dépend de la qualité de la gestion ».

Yasmine Motarjemi, Nyon

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Un commentaire à “Tribune libre – Le scandale de l’eau minérale Nestlé révèle encore une fois une chaîne de défaillances”

  1. Habachi Susan 29 avril 2024 at 21:48 #

    Encore une nouvelle mauvaise note pour Nestlé…
    Quel gâchis…. .

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