Tribune libre – L’Europe vers l’abîme


Dans plusieurs des nombreuses chroniques que j’ai publiées depuis près de 30 ans, j’annonçais deux faits qu’un citoyen attentif ne pouvait pas ne pas voir : la volonté mondialiste de détruire la civilisation européenne et le moteur de mise en forme de cette volonté, à savoir les Etats-Unis d’Amérique.

Elise Marienstras, qui a enseigné l’histoire des Etats-Unis à Paris-VII et auteur d’ouvrages marquants sur ce pays, met en exergue l’oxymore amour/haine qui lie à leur patrie d’origine, l’Europe, les colonisateurs de l’Amérique du Nord. Amour de certains épisodes valorisants de son histoire – ainsi, la quasi-certitude d’être une Rome d’outre-Atlantique dans ce qu’elle a de glorieux ou d’honorable – mais haine de ce qu’elle représente à travers le système monarchique, l’aristocratie de naissance, le catholicisme fondé essentiellement sur le Nouveau Testament alors que le puritanisme des Pères Fondateurs fera de l’Ancien Testament un document essentiel. Se développera très tôt le sentiment qu’il faudra un jour prendre sa revanche sur cette Europe qui, d’une certaine manière, aura exclu ces migrants fuyant la misère ou l’incompréhension, à qui on aura refusé de donner leur chance. 

L’esprit suicidaire des nations européennes

C’est la seconde partie du XIXe siècle qui offrira la possibilité conceptuelle d’étendre la puissance américaine, à partir de son premier cercle de domination, le continent nord-américain, vers le deuxième cercle, l’Amérique latine, et enfin le troisième : le monde entier, en passant par la conquête de l’Europe (cf. Michel Bugnon-Mordant, L’Amérique totalitaire : les Etats-Unis et la maîtrise du monde, Favre, 1997). L’esprit suicidaire des nations européennes, occupées à s’entre-déchirer dans d’incessantes guerres fratricides (guerres de la Révolution et de l’Empire, 1870-71, 1914-18, 1939-45, mais on peut remonter bien plus avant dans le passé), fournira l’opportunité rêvée. 

Intervenant dans la première guerre mondiale alors que la victoire contre l’Allemagne et ses alliés était presque consommée (1917), l’Amérique prenait pied sur notre continent et, par le diktat de Versailles et ses aberrations (Allemagne déclarée unique responsable de la guerre, découpage arbitraire des pays), aidée en cela par la France, préparait une seconde édition du conflit mondial, grâce à laquelle sa mainmise sur l’ancien monde serait définitive. Avec l’acte fondateur d’une Europe « unie » conçu aux Etats-Unis par l’homme de la trahison, le banquier Jean Monnet, sous la dictée attentive « d’amis » américains bien intentionnés, un contrôle de plus en plus affirmé de l’évolution économique et politique européenne aboutira, traité après traité, à l’Union européenne actuelle, gouvernement dictatorial sous la conduite de traîtres patentés au service de Washington et du Mondialisme.  La route est désormais ouverte vers la destruction totale des nations qui la composent et une soumission sans limite à la tyrannie de ces anciens réprouvés devenus maîtres à leur tour. 

La souveraineté des nations, un moignon pourri

Deux questions subsistent alors. Tout d’abord, comment nos nations pluri-centenaires et parfois millénaires disparaîtraient-elles aussi aisément ? Ensuite, quels sont ces Européens qui aideraient à l’effondrement de leur patrimoine historique et coopéreraient à notre propre anéantissement ?

La réponse à la première interrogation est au cœur de ce que va devenir l’Union européenne. Le temps diluant les choses, peu se sont aperçu que, traité après traité, depuis celui de Maastricht arraché aux peuples par l’habileté déshonnête des politiques, les pouvoirs de ce qui est l’UE se sont étendus. Etape après étape, la souveraineté des nations a fondu, jusqu’à n’être plus désormais qu’un moignon pourri. Le parlement européen lui-même a délégué des pouvoirs insensés à la commission, transformée en potentat. Le tour de force a consisté en une astuce de langage effectuée en 1980 lorsque le commissaire britannique Leon Brittan s’autorisa à interpréter l’article 90, § 3 du traité de Rome. Celui-ci précise que la commission a le droit d’adresser une directive aux Etats membres dans le but de les rappeler à l’ordre. Brittan remplace alors le verbe « adresser » par le verbe « arrêter », ce qui confère à la commission la possibilité de se substituer aux organes de décision. Malgré la plainte déposée par la France et d’autres Etats, la Cour de Justice européenne, totalement inféodée aux Mondialistes, donne raison à la commission. « La Commission européenne, écrit Raoul Marc Jennar, est désormais le moteur de la construction européenne. Le droit de proposition dont elle dispose, le monopole de l’initiative législative qu’elle détient lui confèrent un pouvoir considérable. Elle bénéficie de l’avantage de celui qui prend les initiatives. A l’écoute attentive du monde des affaires …, elle érige la construction européenne comme une fin en soi. Elle incarne, jusqu’à la caricature, le triomphe de la technocratie sur la démocratie » (Raoul Marc Jennar, Europe, la trahison des élites, Fayard, 2004). On a vu la commission à l’œuvre durant la crise du Covid et la liberté dont a disposé sa présidente de mettre sur pied, dans une opacité totale, les politiques du confinement et du pseudo vaccin. On l’a vue surtout, de l’aveu même de certains dirigeants, travailler, particulièrement par l’aide acharnée à l’Ukraine, dans le but essentiel de renforcer la mainmise des Etats-Unis sur le monde.

L’apparatchik Draghi

Cette puissance arbitraire et totale exercée par la commission est sur le point de faire basculer l’UE vers la toute-puissance supranationale, avec le projet de celui que l’on semble, en haut lieu, être déterminé à substituer à von der Leyen, totalement disqualifiée. A sa place se profile un homme redoutable qui entend transformer l’UE en un Etat, condition essentielle pour que s’accomplisse le rêve que Jean Monnet décrit sans ambages dans ses Mémoires : faire disparaître ce qu’il détestait le plus, les nations et le contrôle démocratique des citoyens. Cet homme, c’est l’Italien Mario Draghi. 

Véritable apparatchik international de la ploutocratie mondialiste, il a été successivement vice-président de la banque américaine Goldman Sach Europe ; président de la Banque centrale italienne ; président de la Banque centrale européenne. Sénateur italien à vie et président du Conseil jusqu’à l’élection de Georgia Meloni, membre éminent du club de Bilderberg, chéri par Davos, il vise aujourd’hui la succession de von der Leyen et la constitution d’un Etat européen. La conséquence en serait la disparition pure et simple des Etats, donc de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, etc. Ce serait, en fait, la fin de la civilisation et de l’Histoire européennes.

Young Global Leaders, complices des ploutocrates

La seconde interrogation à laquelle je fais allusion ci-dessus concerne les complices sur lesquels les Mondialistes de l’UE pourront se reposer pour parvenir à leur fin. Formés avec soin depuis 2005, ce sont les jeunes membres d’un club très fermé appelé Young Global Leaders. Né à Davos, inspiré par l’Etat profond américain, il est gouverné par un conseil d’administration constitué d’industriels et leaders mondiaux. La sélection, fondée sur la cooptation (ce sont les anciens qui choisissent les nouveaux), se porte sur des jeunes âgés de moins de 44 ans et qui ont fait la démonstration, non pas tant de leurs exceptionnelles qualités intellectuelles et managériales que de leur disposition sans équivoque à trahir l’intérêt de leur patrie pour celui de la ploutocratie mondiale et en priorité de l’Empire américain. Aussi ne sera-t-on pas étonné de rencontrer parmi les élus de ces dernières années un Gabriel Attal, un Emmanuel Macron, une Annalena Baerbock (ministre allemande farouchement partisane d’une guerre contre la Russie), d’un Justin Trudeau qui, comme Macron, est en train de détruire son pays, d’une Sanna Marin, présidente de la Finlande de 2020 à 2023, qui adopta d’emblée une posture antirusse en fournissant des armes à l’Ukraine et, rompant avec la tradition finlandaise de neutralité, en présentant la candidature de son pays à l’OTAN. Tous les domaines ont leur YGL (Young Global Leader), de l’économie à la politique, du cinéma à la science, du journalisme à l’art et à la littérature, de la finance à la religion.

Si Draghi venait à être coopté en tant que président de la Commission européenne, il disposerait, avec l’immense réserve que constituent ces jeunes formés à l’école de la trahison, d’une armée qui, tel un contingent de fourmis, agirait sournoisement et en toute impunité en vue d’anéantir nos nations et d’instaurer une satrapie européenne technocratique et tyrannique au service du projet global euro-atlantiste dont les peuples seront exclus. 

Michel Bugnon-Mordant, essayiste, Fribourg

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Un commentaire à “Tribune libre – L’Europe vers l’abîme”

  1. Agnès Dalti 4 mai 2024 at 16:18 #

    Réflexion bien documentée, pas polémique et donc très intéressante.

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