Livres – Quand Aragon chantait l’amour

Nougaro mettait de la musique sur ses textes, parce que, disait-il, chanter la poésie, c’est le meilleur moyen de la faire connaître hors de l’enceinte d’une librairie. Aragon a eu ce privilège d’avoir été la « muse » d’artistes hors du commun. « Aimer à perdre la raison », « Que serais-je sans toi »: ces titres sublimés par la voix de Jean Ferrat le placent au panthéon des poètes dans la mémoire populaire. D’autres tendres ciseleurs de quatrains ont magnifié l’amour sans connaître une telle renommée, dans l’attente d’un rendez-vous posthume avec un auteur-compositeur rompu au cirque de l’industrie du spectacle.

Dans son oeuvre romanesque, moins connue, le militant communiste Aragon « conjugue le ‘réalisme socialiste’ avec l’expérience du surréalisme, usant d’une langue magnifiquement lyrique. Si ses romans ont suscité nombre d’études, le thème de l’amour n’a pas été vraiment abordé en soi », explique Pierre Jeanneret. De fait, cet historien du mouvement socialiste et ouvrier, journaliste, écrivain, chroniqueur d’art et littéraire d’infoméduse, n’a jamais renié son mémoire de licence présenté en 1969 à la Faculté des Lettres de l’Université de Lausanne, intitulé « L’amour chez Aragon prosateur. Le Monde réel ». Allusion au cycle romanesque écrit par Louis Aragon, cinq volumes dont les protagonistes évoluent d’une guerre à l’autre au cours de la première moitié du 20e siècle.

« Quand Aragon chantait l’amour » est une reprise, un demi-siècle plus tard, de ce travail d’étudiant. Et pour cela l’auteur a procédé à une « relecture complète » à la première personne, forme verbale qui lui permet de revendiquer et d’assumer « une part de subjectivité. Mon but ici n’est pas d’offrir aux lectrices et lecteurs une nouvelle étude universitaire, mais un petit essai personnel ».

De petits essais comme celui-là, on en redemande… La suite dans un roman? Pierre Jeanneret termine son récit par le petit jeu de non dupes que se livrent par livres interposés Aragon et son épouse, l’écrivaine Elsa Triolet. Aragon n’avoua publiquement son homosexualité qu’après la mort de celle-ci. Qui aimait vraiment qui dans le couple? Leur destin s’identifie-t-il à ceux d’Aurélien, Bérénice, Jean, trois de leurs personnages qui sont autant de transfigurations d’existences bouleversées par l’histoire et la vie tout court? Connurent-ils un jour le bonheur?

Christian Campiche

« Quand Aragon chantait l’amour. Un essai sur les romans du Monde réel », par Pierre Jeanneret, 2024, 60 pages.
Pour commander le livre: jeanneret.p@bluewin.ch +41 21 728 78 93 (répondeur)

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