PAR YANN LE HOUELLEUR, à Paris, texte et photos
Le grand vainqueur des élections législatives, assurément, ce sont les instituts de sondage qui pourtant, en France comme ailleurs, s’étaient si souvent fourvoyés. Ainsi que prévu, le Rassemblement national (RN) a dévoré la plus grosse part du gâteau le dimanche 30 juin (le second tour aura lieu le 6 juillet) : un tiers des suffrages exprimés. Quelques miettes de plus que le Nouveau Front Populaire, le NFP, une salade russe de partis de gauche agglutinés autour de cette formation devenue d’extrême gauche qu’est la LFI, la France Insoumise. Autre surprise : les quelques partis réunis au sein de la majorité présidentielle ont fait un score supérieur à celui enregistré lors du renouvellement du parlement européen : 22 % le 30 juin contre 14,60 % le 9 juin.
Vers une crise institutionnelle
Et c’est bien ce misérable résultat aux élections européennes qui avait mené Emmanuel Macron, écœuré par un tel démenti dans les urnes, à dissoudre l’Assemblée nationale. Certes, la prétendue majorité présidentielle s’est ressaisie mais une certitude se fait jour: à l’issue du second tour, il est impossible que les macronistes réussissent à constituer une authentique majorité. En fonction des désistements qui auront lieu dans les circonscriptions où un candidat n’aura pas été élu au premier tour, il est de même improbable que dimanche prochain le RN ou le NFP obtiennent la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale. Alors, le coup de poker tenté par le locataire de l’Elysée risque de se retourner contre lui et de déclencher une crise non pas parlementaire mais institutionnelle. Pour gouverner de manière sereine, évitant les récifs inattendus et les vents contraires, le président de la République doit compter sur une majorité stable. M. Macron va se retrouver dans une situation pire encore : selon les supputations faites par les spécialistes : une centaine de députés (sur un total de 577) contre 245 lors de la législature écoulée. C’est dire à quel point les espoirs du chef de l’Etat, à savoir une majorité accrue dans l’hémicycle, vont tourner au vinaigre sinon au chaos. Il restera, dans les livres d’Histoire (et sur Google) le président le plus impopulaire de la Cinquième République. Voilà donc l’humiliation suprême pour les macronistes, ainsi que l’a préconisé l’ex-député Sylvain Maillard, l’un des proches de Macron : négocier au cas par cas avec les diverses composantes du NFP, dans les circonscriptions où Renaissance, le parti fondé par le chef de l’Etat, sera en passe de se représenter au second tour. Ainsi M. Maillard cultiverait-il l’illusion de convaincre le Parti socialiste, l’un des membres de la NFP, de trahir son pacte avec l’architecte de cette coalition baroque, Jean-Luc Mélenchon, la figure de proue de la LFI. Curieusement, c’est lui qui a pris la parole le premier, à l’annonce des premiers résultats. «Nous voulons mettre fin à sept ans de maltraitance sociale», a éructé cet ex-sénateur et ex-député aussi démagogue que bon orateur. (Sept ans, soit les cinq ans du premier mandat du président Macron et les deux ans écoulés de son second mandat.)
Priorité à la Palestine
Un «détail» a frappé tous les observateurs : M. Mélenchon s’est affiché aux côtés de Rima Hassan, ceinte d’un keffieh palestinien. Cette femme est depuis quelques mois la coqueluche de la LFI qui lui a permis de se faire élire parmi sa délégation au Parlement européen. Franco-palestinienne, Rima Hassan n’a cessé de multiplier les déclarations qui ont fait flamber l’antisémitisme contaminant la société française. Et pour assoir son ancrage dans les banlieues, M. Mélenchon et les siens chouchoutent les membres de l’importante communauté musulmane. Ils ont fait de la reconnaissance de la Palestine en tant que pays souverain l’une des priorités du programme de gouvernement de la gauche au pouvoir. Les mélenchonistes n’admettent pas que le Hamas est une organisation terroriste, des municipalités de gauche accordant de généreuses subventions à des associations et ONG qui soutiennent la cause palestinienne. Ce qui fait si peur à de très nombreux électeurs français, outre les sympathies du NFP pour la Palestine «du désert à la mer» : les critiques acerbes dont ils gratifient les forces de l’ordre, appelant la dissolution… des BAC, les brigades anti-criminalité et réclamant le désarmement des policiers, ce qui leur vaut d’être désignés par leurs adversaires comme les amis des criminels. Et s’il est un crime supplémentaire aux conséquences inouïes commis allègrement pas le NFP, c’est bien celui-là : la promesse de mesures économiques qui achèveraient de ruiner la France. Cent milliards d’euros d’impôts supplémentaires dont les premières victimes seront les petites et moyennes entreprises déjà en si mauvaise posture. «Il faut reprendre ce qu’elles ont raflé aux grandes fortunes», exulte Christiane, une artiste peintre qui milite pour la gauche dans le département de la Somme. Hélas, les Français n’y comprennent pas grand-chose en matière économique: les milliardaires n’ont pas attendu l’hypothétique victoire d’une invraisemblable coalition de gauche pour placer leur argent à l’étranger !