L’argent ne fait pas le bonheur, nous rabâche-t-on sans cesse et, cependant, les 40 années récentes n’ont cessé de financiariser : rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme… disait Lavoisier, en espèces sonnantes et trébuchantes, devrait-on rajouter ! Hypermodernité du monde actuel se traduit par hyperconsommation, hypermarché, hyperactivité, hyper-tout dont la phonétique nous rappelle que l’on ‘y-perd tout’ e.g. la sobriété heureuse de P. Rabhi.
Si je n’ai pas eu la télévision à la maison, ni comme enfant ni comme Père ou Grand-Père, suis-je un retardé ou un lettré ? Le Bhoutan fût le dernier pays au monde à avoir la TV… en 1999 ! Son absence est-elle corrélée au bonheur ? N’en tirons pas une telle conclusion mais le simple fait que la simplicité reste l’apanage d’une vie saine : pas de touristes jusque 1974 et, en contrepartie depuis, une taxe quotidienne d’€200 pour ceux qui veulent venir visiter !
Même le Bhoutan s’est donc financiarisé mais au profit d’une économie de paix et harmonie, car l’on sait que l’économie de guerre naît des convoitises matérielles et non des élévations spirituelles. La différence scandaleuse, entre les 8 fortunes les plus importantes au monde qui dépassent le PIB de certains pays et le seuil de pauvreté qui réduit 10% de la population globale à la misère, n’a aucun sens et a mené aux disparités entre déplacés et sédentarisés.
Nous savons, grâce aux 100ans d’étude du bonheur par Harvard, et la série de chercheurs qui ont suivi les générations successives de familles riches et pauvres, que la 1ère condition est la relation humaine (Waldinger, the Good Life). Celle-ci est conditionnée par soi-même au premier abord, son prochain ensuite et alentour finalement, ce dernier n’étant autre que l’environnement dans lequel on vit, d’où l’importance donnée plus récemment à l’écologie !
Dès 1972, les Nations Unis ont commencé à travailler la notion de ‘Bonheur National Brut’ qui tente de donner son pendant au PIB, selon des paramètres tels que santé, éducation, équilibre psychologique, diversité culturelle et économique, niveau de vie, et vitalité de la communauté, parmi d’autres. En 2011, le Bhoutan a recruté Ha Vinh Tho, un expert en la matière (voir son livre BNB, 2022), pour développer tout le système et son bienfait global.
Dans les mêmes 50ans, le monde entier s’est globalement paupérisé avec un coefficient GINI (index d’égalité de chaque pays du 0 parfait au 1 inégalitaire) qui s’est détérioré. Les pays les plus égalitaires sont de l’ordre de 0,2 (Danemark, Suède, Islande), inégalitaires à 0,6 (Brésil, Guatemala, Honduras). En France, le coefficient de Gini est de 0,292 en 2015. La Chine, malgré sa croissance, demeure inégalitaire avec 0,47 en 2010 (réf : Wikipédia).
Le modèle actuel a atteint ses limites et précipite, à nouveau, un état de guerre latente, ressenti sur tous ces fronts, qui se sont ouverts pendant les 10 dernières années, dont Russie-Ukraine qui date de 2014 et a déjà fait plus de 300K morts ou Israël-Palestine avec 40K en un an ! Il ne faut pas oublier les guerres civiles comme l’Ethiopie en 2018 qui aurait fait 800K, comme pas mal d’autres pays d’Afrique où l’instabilité a suivi la décolonisation.
Si l’on sait que la paix démarre au tréfonds de chacun de nous, puis dans son écosystème familial, il faut aussi que les dirigeants soient conscients des paramètres du bonheur et osent s’écarter de statut et patrimoine au profit de la paix, tels les grands maîtres qui ont tenté de nous transmettre de bons principes. Jésus ne nous a-t-il pas dit : aime ton Dieu, ton prochain comme toi-même ? C’est ce ‘comme’ qui compte : connais toi ‘toi-même’ et tu connaîtras…
La perte de spiritualité, ‘spir’ le souffle de vie, la laïcité à l’outrance, l’extrémisme qui en a découlé ont dévoyé notre monde. Ouverture, inclusion, non-discrimination n’ont nul besoin de wokisme, cet extrémisme du politiquement correct ! L’état de conscience d’un alignement corps-âme-esprit où tout est connecté est un 1er pas vers la transformation intérieure, cette inspiration qui peut nous donner un nouveau souffle, du sens à la vie… et le bonheur ultime.
©Martin de Waziers
