Bourgeois et bobos, il faut s’en méfier

PAR YANN LE HOUELLEUR, à Paris

Qu’il est dur d’avoir soixante ans et plus dur encore de s’entendre dire par des bonhommes de sa génération… « On a vécu une belle époque qui ne reviendra pas. » Pour autant qu’on ne soit pas dupe, on connait les rabâchages de ses vieilles branches de contemporains. Mais qui sont-ils, en ce qui me concerne ? Certains – les plus nombreux – perçoivent une assez modeste pension après s’être levés aux aurores tous les matins. D’autres continuent à éponger leur front en soirée car obligés de travailler ou ne goutant guère la perspective d’une vie bien trop paisible. Et n’oublions pas une infime partie d’entre eux : ceux qui jouissent de pulpeuses retraites après avoir ronronné dans l’administration publique ou en charge de responsabilités dans de prestigieuses maisons.

Ces « imbéciles heureux », comme le disait mon défunt père, ont agi constamment en vertu de leurs intérêts à court terme. Ceux qui vont acquitter la dette, au prix fort, sous forme d’un asservissement voulu par les créanciers, seront les générations présentes et futures. Les jeunes gens qui entrent de nos jours dans la vie active, n’auront probablement pas droit à une retraite. Il convient de les abêtir avec toutes les ressources qu’offre l’intelligence artificielle ou avec des émissions de télé débiles mais aussi toutes les paillettes d’une existence sonnant creux : les jeux, certains sports, les vidéos, certaines substances, et ne parlons pas de sexe car ce serait prêter le flanc à la pudibonderie qui souvent se drape dans d’abusives considérations religieuses. Alors, je suggère que mon lointain ami Campiche prenne sa plus belle plume pour «dépeindre», un mot qu’il aime, la bourgeoisie prédatrice qui profite du crime. «C’est quoi, Yann, la bourgeoisie ? »

Edifiés pendant le second Empire, les immeubles haussmanniens possèdent des caractéristiques telles qu’un balcon filant au deuxième étage et un autre au dernier étage, des fenêtres plus spacieuses à cet étage précisément, un entresol pouvant servir de dépôt aux magasins installés au rez de chaussée et un toit pentu percé de lucarnes ou mansardes correspondant à des chambres de bonnes. Photo YLH

Ces gauchistes réacs

Merci pour la question piège ! N’étant que moyennement intelligent, me voilà contraint de comparer les bourgeois à une nébuleuse de bobos dont les idéaux sont bien différents des entrepreneurs, industriels, créateurs de valeur ajoutée qui les effraient. Parmi les reproches que je me permets de faire aux bourgeois : l’élection de tarés au pouvoir (présidence, mairies, parlement), qui étouffe lentement aussi bien les classes modestes que les industriels, chefs d’entreprise et artisans, les condamnant à une avalanche de faillites et de suicides. Chez les bourgeois, tu ne recueilleras aucune lucidité et encore moins d’amitié tant ils sont pingres et orgueilleux. Par contre, dans les classes tout au dessus  – les fortunés, oui –  tu pourras te faire des amis voire des alliés si tu sais conquérir leur admiration et leur confiance à travers un authentique talent et une considérable force de travail. En somme, je veux dire que les bourgeois sont les pires ennemis des gens vraiment riches, de ceux qu’on dit « de souche » ou issus des classes supérieures. Et je me demande si je ne dois pas ajouter : « les riches d’esprit, aussi, ceux qui accordent une importance à la richesse intellectuelle, ceux qui prennent la peine d’admirer la nature, les beaux monuments plutôt que de se défouler et de glousser et même braire lors de manifestations en l’honneur de toutes les déconstructions imaginables. »

Les gauchos, précisément, confondent les deux  – bourgeoisie et créateurs de richesses, cherchant, à travers leur propagande, à piéger et séquestrer les classes populaires ravagées par les conséquences de l’incurie et alimentant une rancœur, une jalousie dont beaucoup aspirent à tirer parti. Puis-je vous faire une confidence? (Je me suis toujours contenté de peu, moi qui estime avoir eu sa dose de souffrance dans son insignifiante existence, je suis la cible de «délits de jalousie» émanant d’esprits ratatinés.) Je suis persuadé que plusieurs partis de gauche sont bien plus conservateurs et réac que le bord opposé. Il est assez facile d’en faire la démonstration, bien plus difficile est d’inciter les coupables à se rendre compte qu’ils seront un jour les premières victimes de l’ogre toujours plus affamé qu’ils ont contribué à engraisser.

L’auteur, Yann Le Houelleur, est artiste et il élabore un journal numérique, Franc-Parler.

Paris, Métro Parmentier. Dessin ©2024 Yann Le Houelleur

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Un commentaire à “Bourgeois et bobos, il faut s’en méfier”

  1. Santo Cappon 3 mars 2025 at 10:04 #

    Logique interne bien construite. … Sauf que chaque être humain est unique, chaque parcours est distinct et chaque trajectoire un terrain mouvant. Dans un sens comme dans l’autre, catégoriser les êtres est quelque peu risqué. Dans une généralisation un peu simplificatrice et une hiérarchisation clivante des comportements sociaux. A cet égard, la France est devenue une foire d’empoigne ….

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