Il court, il court, le furet, le furet du bois, Mesdames, il court, il court, le furet, le furet du bois joli. Il est passé par ici, il repassera par là… S’il s’agissait d’un coureur de jupon qui n’était autre qu’un curé, nous ne disserterons pas sur un thème si douloureux mais plutôt sur la course effrénée de notre civilisation qui nous interdit de nous arrêter, la fameuse ‘rat race’, terme US faisant référence à ce besoin inné de l’Homme moderne de courir en tous sens !
Si je ne suis pas épargné, j’ai vécu une expérience ironique qui m’a inspiré cet article. Un sommeil un peu prolongé a manqué de me faire rater mon Bruxelles-Paris ! Si ce n’est pas grave car je peux toujours prendre le suivant, j’ai précipité mon départ de la maison pour être sûr de l’avoir et, finalement une demi-heure en avance, je vois le précédent à quai, décide alors de me précipiter pour le prendre, le manque, prends le mien, demi-heure en retard !!!
J’aurais pu m’énerver contre Eurostar…
Assis dans le train, après un moment de frustration, un sourire d’amusement sur le ridicule de situation, je Relativise, prends du Recul et Respire, le fameux RRR que je propose à mes clients comme réponse au stress du quotidien ! Ha haha, les cordonniers ne sont-ils pas les plus mal chaussés ? Eh bien, me voilà servi… J’aurais pu m’énerver contre Eurostar en bon râleur que l’époque crée, pu m’accuser des plus grands maux… Non, j’ai pris ma plume…
Catch Me If You Can, le film qui regroupait Leonardo Di Caprio et Tom Hanks, deux acteurs à succès, marque le besoin que l’on a parfois de courir pour échapper à la justice. Mais il y a aussi, take the money and run, comme référence au fait de ne pas en attendre plus. S’il y a des raisons de fuir, comme face à un attaquant menaçant, nos raisons de courir sont parfois surfaites et un minimum de réflexion nous permettrait de ne pas se stresser pour rien, RIEN !
Poursuivons avec Sénèque
Chronos/Kairos/Aeon, trois notions du temps ! Chronos est l’heure du chronomètre ; l’adage africain rappelle que Dieu a créé le temps, l’homme a créé la montre, intéressant pour une culture qui en porte assez peu. Kairos : le temps juste ; l’Ecclésiaste nous dit, en sa sagesse, qu’il y a un moment pour tout et un temps pour chaque chose sous le ciel. Aeon : le temps universel, celui parle d’années-lumière, une notion qui échappe au commun des mortels…
Poursuivons avec Sénèque, le grand stoïcien, qui nous rappelle que le temps ne respecte pas ce qui est fait sans lui ou Cervantes qui, dans son Don Quichotte, insiste sur le fait de donner du temps au temps. Deux aphorismes qui ont été repris à titre personnel par certains hommes politiques, eux qui ont, cependant, précipité le monde dans sa course effrénée des dernières décennies. Génération de l’instantané, ‘hyper’-modernité dégingandée, on ‘y-perd’.
N’a-t-on pas cette dernière impression quand on voit les dégâts qu’ont pu créer les grands de ce monde en profitant de la COVID pour nous opposer leur ‘Great Reset’. C’était reparti pour un tour. Tout va très bien, Madame la Marquise, nous dit la chanson ! Poussons la boule de neige ; roulez, roulez, jeunesse ! St-Ex proposait que nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres mais l’empruntons à nos enfants ; le pauvre ne peut que se retourner en sa tombe.
Les leçons de La Fontaine
La Fontaine nous a laissé nombre leçons de conduite dans ses fables dont « Le Lièvre et la Tortue » qui démarre gentiment avec : rien ne sert de courir, il faut partir à point ! Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage. Gageons, dit celle-ci, que vous n’atteindrez point sitôt que moi ce but. Sitôt ? Êtes-vous sage ? Et nous connaissons la suite mais combien d’entre nous prennent cette réalité en compte, à courir comme des dératés, c’est le cas de le dire…
Le 11 novembre 1848, Victor Hugo déclarait : « La grande erreur de notre temps a été de pencher, je dis même de courber l’esprit de l’homme vers la recherche du bien matériel. Il faut relever l’esprit de l’homme, le tourner vers la conscience, le beau, le juste, le vrai, le désintéressé… le grand. » Ne devrions-nous pas grandir et prendre le temps de nous poser les bonnes questions et rééquilibrer la menace de l’instantané par le repos d’une éternité ?
©Martin de Waziers
