Johanna Maitrel incarne une génération d’entrepreneuses qui cultivent autant le goût du terroir que celui du lien humain. À travers son bar à smoothies ambulant, elle valorise les produits locaux de La Réunion, tout en rêvant d’un avenir tourné vers l’écoute et la thérapie. Un parcours inspirant, entre saveurs, résilience et conscience.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours avant de lancer Smooth’T ?
Je me définis comme une personne multi-casquette. J’ai en effet eu l’opportunité de développer des compétences dans des domaines variés tels que la vente, l’agriculture et la réception hôtelière.
Qu’est-ce qui vous a menée à créer cette entreprise à La Réunion ?
J’ai la chance d’exercer un métier passion. À l’origine, c’était une routine personnelle, un petit rituel du quotidien… qui s’est transformé en une véritable transmission auprès d’un large public.
Arrivée à La Réunion en pleine période de Covid, comme beaucoup, je me suis questionnée sur le sens que je voulais donner à mon avenir professionnel. Après avoir fait tomber quelques barrières, souvent plus mentales qu’extérieures, je me suis dit : « Finalement, je n’ai qu’une vie… je me lance!»
Pourquoi avoir choisi le nom Smooth’T ? Que signifie-t-il pour vous ?
Je voulais un nom qui traduise facilement l’idée du concept que je mets en avant : créer une alliance entre le smoothie et les tisanes ou le thé froid. Bon, finalement, j’ai vite compris que pour le public, c’était moins évident que pour moi !
Quels types de produits proposez-vous ? Comment choisissez-vous vos matières premières ?
Je propose des smoothies réalisés uniquement à partir de matières premières locales, du fruit ou légume jusqu’à la tisane. C’est vraiment important pour moi que le public soit sensibilisé à la richesse que l’île a à nous offrir. Je me rends sur les différents marchés, je travaille avec des producteurs locaux. J’essaie au maximum de sélectionner des produits non traités, même si, je l’avoue, ça reste malheureusement un vrai défi. Je propose aussi de racheter le surplus de produits « la kour » à des particuliers. C’est très motivant, car ça permet aussi de créer du lien… mais c’est aussi fatigant !
Quelles valeurs ou inspirations vous guident dans votre activité artisanale ?
Mes valeurs : mettre en l’air La Réunion dans toute sa diversité. Lutter contre le trop-plein d’importation. Montrer qu’avec du local, c’est meilleur et souvent plus abordable ! Je constate d’ailleurs que je reste parmi les moins chers de l’île. Je veux aussi prouver que prendre soin de soi, ça ne coûte pas forcément plus cher, et surtout, que c’est essentiel.
Votre démarche semble très ancrée dans l’écoute et le bien-être. Est-ce que ce même état d’esprit vous guide aujourd’hui dans votre envie de vous réorienter professionnellement ?
Effectivement, j’ai commencé par l’alimentation, pour finalement prendre conscience que le bien-être intérieur influence énormément la manière dont on recherche le bien-être dans la consommation. Alors, on peut dire que j’ai entamé la démarche un peu à l’envers, pour finalement revenir à la case départ… et traiter le problème à la source ! J’ai donc décidé de me lancer dans une reconversion pour devenir thérapeute de couple, avec l’objectif de créer, à terme, un concept innovant et bienveillant dans l’accueil des couples en difficulté.
Qu’est-ce qui a déclenché cette volonté de vous reconvertir ?
Depuis que je suis à La Réunion, j’ai moi-même fait un gros travail d’introspection. Grâce à mon activité, j’ai aussi eu l’opportunité de côtoyer de nombreux praticiens dans le milieu holistique. J’ai eu une prise de conscience importante : beaucoup de personnes se retrouvent seules face à leurs difficultés, notamment dans leur vie de couple. Comme sur beaucoup d’îles, il existe ici de nombreux sujets tabous, mais en parallèle, je sens aussi une vraie volonté de casser les codes. Et puis, je l’admets, mon propre parcours sentimental m’a aussi beaucoup inspirée !
Où en êtes-vous actuellement dans votre formation ? Qu’est-ce que vous y découvrez ?
J’en suis encore aux prémices, mais je trouve cette démarche déjà très inspirante. Elle crée une forte résonance avec mon propre parcours.
En quoi votre expérience en tant qu’artisane vous semble-t-elle résonner avec ce futur métier ?
Je parlerais surtout d’une expérience dans l’entrepreneuriat. C’est un beau challenge, et d’autant plus quand on est une femme. Aujourd’hui, je sais ce que ça demande en efforts et en volonté. Je n’ai plus ces barrières invisibles qui me freinaient il y a trois ans. J’ai juste envie de foncer et de me dire : carpe diem. Quoi qu’il arrive, “Je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends”, comme disait Nelson Mandela.
Comment vous projetez-vous dans l’équilibre entre Smooth’T et cette nouvelle activité en devenir ?
Mon souhait actuel, c’est de pouvoir proposer ma remorque à la location, pour en faire profiter de futurs artisans à leur tour. C’est un service que j’aurais aimé trouver à mes débuts. J’envisage également de changer de statut pour passer en société, et pourquoi pas, confier la gestion de mon activité à une personne passionnée qui serait intéressée pour reprendre le flambeau.
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées dans cette transition, et les plus belles surprises ?
La difficulté, et le nerf de la guerre, ça restera toujours les finances ! Faire un métier passion, c’est génial, mais ça ne me rend pas encore riche, c’est sûr ! Cela dit, j’en apprends tellement sur moi-même que, franchement, je ne regrette absolument rien.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur votre parcours ? Y a-t-il des moments charnières qui vous ont particulièrement marquée ?
Je suis fière de mon parcours. Je découvre encore en moi des capacités insoupçonnées, et je m’étonne de moi-même au quotidien ! J’ai souvent la tête dans le guidon. Je ne réalisais pas toujours à quel point je permettais à d’autres femmes de changer leurs idées reçues. J’en ai pris conscience un jour où je rentrais en marche arrière dans ma résidence, avec ma remorque, pour la garer. Une femme est passée en voiture, elle s’est arrêtée pour me féliciter. Elle m’a dit qu’elle était fière de voir une femme comme moi faire ce que j’étais en train de faire… J’en suis encore toute émue quand j’en parle aujourd’hui. Ça m’a vraiment marquée, parce que c’est ce qui me porte profondément : avoir un impact sur la conscience collective, et réussir à casser des codes trop ancrés.
Quels sont vos projets ou rêves à venir, que ce soit pour Smooth’T ou pour votre reconversion ?
Et bien, je crois que je l’ai bien résumé dans la réponse précédente!
Enfin, quelle est la question qu’on ne vous pose jamais et que vous aimeriez qu’on vous pose ?
Vous sentez vous-en joie?
Propos recueillis par Christine Avignon
Compte Facebook : Smooth’T bar à smoothie ambulant
[Interview réalisée le 14/04/2025]



