Qui ne connaît pas la chanson de Judy Garland ‘over the rainbow’ et son appel à aller plus haut, tel Tina Arena, ou la devise des jeux olympiques : altius, citius, fortius (plus haut, plus vite, plus fort) ! C’est tout cela, l’envie, être en vie, en vouloir plus, parfois trop et clairement, c’est à double tranchant. L’envie est un besoin, c’est un désir, cela donne du plaisir, mais cela peut se retourner contre soi (convoitise, jalousie, FOMO) et basculer dans le pire, l’addiction.
A la base, on a des besoins et nombreux sont ceux qui ont compris la pyramide de Maslow, un grand psychologue humaniste qui a théorisé la quête du soi, comme Jung, l’individuation. A la base les besoins physiologiques : manger, boire, dormir, faire l’amour. Vient, ensuite, la sécurité : un toit, la sûreté, de l’argent. L’appartenance qui suit nous pousse vers l’autre pour être reconnu (attention au paraître), l’estime de soi se développe puis la réalisation de soi !
Consumérisme à outrance
Le désir est plus compliqué et je remercie Frédéric Lenoir dans son excellent livre à ce sujet de m’avoir éclairé sur les philosophes qui l’ont traité : Platon, Aristote, stoïciens, Spinoza et Nietzsche. Ils prônent son importance alors que les religions ont eu tendance à l’étouffer, sous forme de régulations plus ou moins dures mais qui ont cela de bon de nous éviter les excès. Le striatum dans le cerveau gère la motivation et les impulsions, ainsi que toute addiction…
Le plaisir va découler de la réalisation de notre en-vie et la dopamine secrétée donne un sentiment de récompense et de bien-être, sans compter les endorphines et l’ocytocine qui en rajoutent ! L’inconvénient de l’hypermodernité, qui génère le consumérisme à outrance, est que les besoins sont exacerbés, le désir surdimensionné et le plaisir plus difficile à atteindre. On est loin de la sobriété heureuse de Pierre Rabhi ou de la paix intérieure tant recherchée.
Un motif précis, un objectif, un sens
Je n’irai pas jusque critiquer le compositeur Martini dans ce merveilleux hymne à l’amour qui rappelle que son plaisir ne dure qu’un moment mais que le chagrin dure toute une vie, même si l’on peut avoir vécu cette expérience. Le plaisir s’accompagne normalement de cette joie que l’on apprécie et partage volontiers. Par contre, il faut accepter toute autre émotion qui peut émerger de la recherche de son envie: elle est ‘motion’ salutaire d’un endroit à l’autre !
Tout engagement part de cette envie à laquelle il faut ajouter de la volonté et une motivation, c’est-à-dire un motif précis, un objectif ou un sens. Être en vie, c’est prendre le chemin, avec détermination et viser le but avec clairvoyance, pour ne pas se perdre dans les méandres de l’apathie. Il faut chercher l’ataraxie, décrite pas les stoïciens comme un état de tranquillité et d’impassibilité de l’âme, atteint par la maîtrise de soi face à tous les événements extérieurs !
Si le désir découle du manque chez Platon, c’est une force chez Aristote et une puissance pour Spinoza. Celle-ci découle du conatus signifiant un effort fondamental de toute création pour persévérer dans son être et accroitre son impulsion sous forme d’appétit et d’instinct de conservation. C’est l’essence même de l’individu, selon lui. Les stoïciens et les religions ont eu tendance à plutôt réguler le désir et nous faire préférer le juste milieu de Marc Aurèle !
Redécouvrir la saveur du silence et de la sérénité
Comme l’amour, cela se partage et l’on ferait bien, dans le bazar actuel, de prendre le recul nécessaire et apprécier les petits plaisirs. Que ce soit l’excès poussé jusqu’à l’addiction, les envies sont trop nombreuses, les besoins exacerbés par les sollicitations du marketing-push, le désir surdéveloppé par le paraître qui prime sur l’être et nous pousse à une convoitise trop intense. Le frein récent à la globalisation sera-t-il suffisant pour calmer nos envies, de force ?
Sans tomber dans l’hubris, peut-on encore espérer que la tempérance redevienne la valeur fondamentale de l’humanité. Ni utopiste ni peut-être réaliste, j’appelle à un meilleur équilibre vertical (corps, âme, esprit) autant qu’horizontal (relation humaine à soi, à l’autre, à l’univers) pour redécouvrir la saveur du silence et de la sérénité. Comme le dit si bien Frédéric Lenoir, devrait-on réguler notre servitude des affects au profit de cette paix intérieure… et globale ?
©Martin de Waziers