Entendre est instinctif et sensoriel ; il s’agit de ‘tendre vers’ son oreille, l’ouïe. Le principe est passif, rien de plus. Dans le monde où nous sommes, il y a tellement de bruit que l’on en a même oublié de l’entendre ; on a mis des écouteurs pour s’en mettre à l’abri et s’étouffer au son d’un podcast ou d’une chanson mais que retient-on ? Pour cela, il faut indubitablement mettre son écoute en action ; l’étymologie en est claire, auris-cultare en latin, prêter l’oreille !
De passif à actif, on ne fait cependant que prêter, pas donner car ce sens, parmi les cinq, est précieux et l’on veut non seulement le cultiver, l’entretenir mais surtout le conserver avec les années. Combien de fois nous a-t-on dit « j’entends bien » mais cela disait « parle toujours, tu m’intéresses ! » J’entends faire ce qui me plaît, je n’ai pas grand-chose à faire de ce que tu m’as dit ! Et pourtant deux expressions me surprennent : s’entendre ou entente cordiale…
Ne pas être Georges Marchais
On est en 1904, Angleterre et France viennent de la signer, cette paix des braves qui permet de rêver un monde meilleur et qui donnera au second pays de bénéficier du premier dans les deux guerres mondiales, ce qui n’empêchera pas la perfide Albion de faire son Brexit. L’a-t- on vraiment ‘écoutée’, l‘Europe, lorsqu’elle clamait les changements nécessaires pour une UE saine que l’on voit aujourd’hui patauger dans le marais politic-éco-social de permacrise ?
Entendre vs écouter fait passer d’un stockage d’information dans l’intelligence personnelle ou IA, à l’action qui doit en découler, c’est-à-dire la compréhension : je vous ai entendu et je fais l’effort supplémentaire de vous écouter, prêter l’oreille pour affiner et pouvoir répondre ! Encore faut-il que je ne sois ni Georges Marchais (vous venez avec vos questions et, moi, je viens avec mes réponses) ni l’impatient qui veut répondre et essaie d’élaborer son argument.
Le pêcheur napolitain de Carpeaux
L’écoute ‘active’ est celle dont je parle, pas le « j’t’écoute ! » On veut alors comprendre tout le sens de ce qui a été dit, ne pas avaler l’info comme telle mais utiliser son esprit critique et montrer son intérêt personnel (je suis dedans), intelligence globale (pas seul le stockage) et intégration sentimentale et émotionnelle. C’est alors que l’on peut passer à l’action, faisant appel à nos trois cerveaux qui ont des neurones chacun : tête, cœur et intestins… Eh oui !
Le temps ne respecte pas ce que l’on fait sans lui, disait Sénèque, repris par Cervantes sous une autre forme plus connue : donner du temps au temps. Or, on ne le prend pas sous peine de le perdre, agree to disagree dans l’empressement, que l’on peut traduire : il court, il court le furet ! N’est-il pas mieux de chanter la ballade des gens heureux ou prendre le temps d’écouter la mer dans un coquillage, tel le pêcheur napolitain du grand sculpteur Carpeaux (notre image)?
Nos petites têtes prennent du plaisir à se promener dans les bois, comme on le sait, et il ne suffit pas de leur chanter ‘un km à pied, ça use, ça use’, mais il faut les distraire, transmettre tout ce que l’on a pour leur faire aimer ce bien commun. Elles entendent tellement mieux que nous le chant du coucou, l’envol d’un oiseau, la brise qui secoue les branches ; encore faut-il leur faire comprendre : alors, je les fais s’asseoir et écouter le silence jusqu’à ce doux son…
Une chanson de Patrick Juvet
Arrivera le jour où elles ne pourront complètement résister à devenir le 4ème singe penché sur son smartphone, même si je les aurais mis en garde, ou entrer dans l’hypermodernité qui me fait peur pour eux, mais que l’on a le temps de corriger d’ici là : le pèlerin d’espérance que je suis, croit au progrès, mais, aussi, à la sagesse ! Le balancier de la dualité est parti en vrille ces dernières années mais l’archipellisation du monde fragmenté peut se regrouper à terme.
Retrouver de bonnes valeurs n’est pas un vain souhait, rétablir le sens de la tribu en prônant l’équité et le respect, redonner de l’attention à son environnement, pas seulement humain ou écologique mais aussi sentimental et spirituel… Tout cela me rappelle une chanson de 1972, Ecoute-moi de Patrick Juvet, qui m’avait touché avec son ‘réponds-moi’ à la fin du titre ! Pour aider l’autre dans sa quête de paix intérieure, sachez écouter, le comprendre et lui répondre.


