Quand les artistes féminines se réapproprient l’art figuratif

PAR PIERRE JEANNERET

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’art figuratif était l’objet de désintérêt, voire de mépris. Il y a certes des exceptions notables : Matisse, Chagall, Giacometti et même Picasso (entre autres) lui sont restés fidèles. Mais la tendance générale était à l’abstraction et à l’art « conceptuel », qui se définit non par les qualités esthétiques de l’oeuvre, mais par le message qu’il veut transmettre. Or le  Musée de Pully réhabilite l’art figuratif, tel que pratiqué aujourd’hui par des artistes féminines en Suisse.

Portraits affranchis des codes

La visite commence par des portraits et autoportraits, qui s’affranchissent cependant des codes de l’art classique. On remarquera notamment une œuvre de Cécile Giovannini, par ailleurs très présente dans l’exposition, qui représente un groupe de femmes, vues de manière hyperréaliste. D’autres œuvres donnent dans l’univers du fantastique, du spiritualisme et de l’onirisme, avec des références explicites au surréalisme. Remarquons que plusieurs artistes privilégient les couleurs crues, avec quelque chose de parfois provocateur, qui va de pair avec le grand mouvement de libération féminine de ces dernières décennies. En revanche, Irma Reichen utilise des couleurs sombres qui peuvent suggérer l’influence de René Auberjonois. Intéressant : le smartphone comme outil pictural, fonctionnant comme un carnet de notes pictural.

Les thèmes de l’art classique, voire religieux, ne sont pas absents. Laura Thiong-Toye  s’inspire visiblement de la tradition chrétienne. Cécile Giovannini fait allusion au sein coupé de sainte Agathe. Mais on peut aussi y voir une allusion au cancer du sein. Caroline Tschumi a peint eau, terre et ciel dans une vision apaisée. D’Emilienne Farny, ces visions hyperréalistes d’une Suisse petite-bourgeoise et conformiste, déjà présentées dans une précédente exposition. Une mention particulière pour une série de Rachel Lumsde représentant des femmes en « vamps » ou au volant ! Quant à Inga Steens, elle s’est attaquée au motif floral. Le nu est aussi présent dans l’exposition.

Dans la cour des grands

Impossible d’évoquer ici toutes les œuvres présentées et leurs auteures ! Mais on comprendra par ces quelques exemples que l’intérêt de l’exposition pulliérane réside notamment dans l’extrême variété des approches, des techniques et des thèmes mis en valeur. Elle témoigne du caractère très vivant de l’art figuratif féminin en Suisse.

Une salle est par ailleurs consacrée à la distinction accordée à l’artiste valaisanne Louisa Gagliardi, par la Fondation qui perpétue le nom et la création artistique de  Jacqueline Oyex (1931-2006). Un ensemble des œuvres de cette artiste à la grande sensibilité met en valeur l’érotisme de ses représentations de couples, sans doute une sublimation de son amour à sens unique pour le sculpteur Casimir Reymond.

Avec des expositions de ce type, le Musée de Pully entre dans la cour des grands !

« L’art figuratif en Suisse : une scène au féminin », Musée d’art de Pully, jusqu’au 14 décembre.  

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