Lawrence d’Arabie inconnu en Arabie saoudite

Reproduction dans un musée de Djeddah de la ligne reliant Damas à Médine. Photo©2025 Ian Hamel

Thomas Edward Lawrence, surnommé Lawrence d’Arabie, a soutenu activement les révoltes arabes contre l’empire ottoman durant la Première Guerre mondiale. Mais personne ne prononce son nom en Arabie saoudite, car il soutenait le chérif Hussein de La Mecque, chassé par Abdelaziz ibn Saoud le 5 décembre 1924.  

Par Ian Hamel, de retour d’Arabie saoudite

Sur l’interminable route au milieu du désert qui va d’Al-Lula à Médine, à quelques kilomètres de la deuxième ville sainte de l’islam après La Mecque, apparaît, derrière des grillages, une vieille locomotive et quelques wagons. Il s’agit d’un des derniers vestiges du chemin de fer construit par les Ottomans, qui occupaient la région, entre 1900 et 1908. Cette ligne reliait Damas (aujourd’hui capitale de la Syrie) à Médine (en Arabie saoudite), en traversant la région du Hedjaz. Mais aucun panneau ne raconte cette ligne de chemin de fer devenue célèbre grâce au film britannique sur Lawrence d’Arabie, sorti en 1962. 

Au milieu du désert, près de Médine, il n’y aucune info sur le fameux chemin de fer du Hedjaz. Photo©2025 Ian Hamel

Ce film, nommé par dix oscars, raconte la vie de Thomas Edward Lawrence, surnommé Lawrence d’Arabie, archéologue, officier, diplomate et sans aucun doute espion, qui a poussé de 1916 à 1918 les tribus arabes à se révolter contre l’empire ottoman. Le film est inspiré par le récit autobiographique de Lawrence, « Les Sept Piliers de la sagesse ». Le rôle principal devait être joué par Marlon Brando, mais ce dernier était alors occupé par le tournage des « révoltés du Bounty ». C’est finalement Peter O’Toole (1,88 mètre) qui symbolise Lawrence d’Arabie (1,65 mètre), mort en 1935 dans un accident de la route au Royaume Uni.    

Les accords secrets franco-britanniques 

Thomas Edward Lawrence a joué un rôle clé dans cette révolte arabe en organisant des attaques et des sabotages contre ce chemin de fer. Ses actions visaient à couper les lignes d’approvisionnement ottomanes, forçant les Turcs à mobiliser de troupes pour protéger et réparer la voie, ce qui affaiblissait leur présence ailleurs. Les attaques répétées contre le chemin de fer du Hedjaz, notamment les dynamitages de ponts et de voies, ont grandement contribué à la réussite de la révolte arabe et à la chute de l’empire ottoman dans la région.  

Lawrence en uniforme de l’armée britannique. Photo wikipedia

Lawrence d’Arabie est-il pour autant devenu un héros en Arabie saoudite ? Pas du tout. Il n’est même pas question de prononcer son nom. Les raisons ? Les Britanniques avaient promis la création d’un grand royaume arabe indépendant après la guerre, couvrant une grande partie du Moyen-Orient actuel. En fait, leur véritable objectif était d’affaiblir les Ottomans, alliés des Allemands, en ouvrant un front au Moyen-Orient. En accord avec les Français (les fameux accords secrets Sykes-Picot), les Britanniques ont trahi leurs promesses, divisant la région en zones d’influence européennes plutôt qu’en un État arabe unifié. Paris va ainsi récupérer la Syrie et le Liban. Les Anglais, tout le reste, outre ce qui va devenir l’Arabie saoudite, la Palestine et l’Irak. 

La fin de la domination hachémite

Lawrence d’Arabie était-il complice de cette trahison ? Sans doute pas. Il n’était qu’un simple officier de liaison. En revanche, il soutenait activement le chérif Hussein de La Mecque et son fils Fayçal. Or, le chérif Fayçal ibn Hussein a été écrasé par Abdelaziz Ibn Saoud en décembre 1924 à La Mecque, marquant la fin de la domination hachémite sur la ville sainte et le Hedjaz. Hussein a dû fuir, les Britanniques lui offrant comme lot de consolation la Jordanie, un petit royaume dépourvu de pétrole. Mais pour les Saoudiens, et la famille Saoud, qui règne depuis sur le pays de père en fils depuis trois quarts de siècle, Thomas Edward Lawrence ne peut être qu’un traître, dont le nom est proscrit en Arabie saoudite. « Pourquoi voulez-vous faire des photos, il faut continuer notre route », a prévenu le guide. Le bus n’a fait qu’une très courte halte devant l’ancien gare ottomane.  

     

L’ancienne gare ottomane près de Médine. « Pourquoi voulez-vous faire des photos, il faut continuer notre route »Photo©2025 Ian Hamel

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