Alors qu’Emmanuel Macron poursuit un tour de France afin de défendre son projet d’ « encadrement » des médias, une commission parlementaire d’enquête se penche sur les abus et les dérives financières de France Télévisions. Le débat sur l’éventualité d’une privatisation des chaines publiques s’intensifie.
PAR YANN LE HOUELLEUR, à Paris
Au fur et à mesure qu’approche l’élection présidentielle (1er semestre 2027), les tensions s’exacerbent dans tous les secteurs et la menace d’une guerre civile devient toujours plus vraisemblable. Jamais le bilan du locataire de l’Elysée n’a été aussi désastreux. En 2027 se déroulera une élection présidentielle qui s’annonce incandescente et Emmanuel Macron laissera un pays tourmenté et de plus en plus fragmenté, traversé par des conflits de toute sorte, en proie à la déprime et au bord de la ruine. La dette publique atteint 3 460 milliards de dollars, un montant colossal qui fait craindre un scénario catastrophe à la grecque.
La semaine dernière les Gilets jaunes semblent avoir effectué leur retour, mais sous une autre forme. Cette fois-ci, la révolte a commencé dans un département voué à l’élevage, l’Ariège, où des paysans ont été sommés d’amener leurs vaches à l’abattoir à cause d’un virus qui s’attaque aux vaches, la dermatose nodulaire et qui ne rend pas pour autant leur viande impropre à la consommation. Une semaine chargée de mauvaises nouvelles : 700 salariés sur le carreau à la suite d’une mise en liquidation du fabricant d’appareils électroménager Brandt. La mort progressive de l’agriculture va de pair avec l’accélération de la désindustrialisation.
Pendant que la France bascule dans une crise sans précédent, son président poursuit un tour de France de la presse régionale afin d’annoncer à ses lecteurs le plan de restriction de la liberté d’expression auquel il songe fortement. La presse régionale, soit dit en passant, bénéficie d’aides publiques à la presse et plusieurs titres sont désormais pieds et poings liés à des intérêts privés contestables. Un exemple : des quotidiens tels que Le Dauphiné libéré et Le Progrès appartiennent à un groupe bancaire, le Crédit Mutuel, qui détient un quart de la presse quotidienne régionale.
Des confrères jugés trop à gauche
Dans un article précédent, infoméduse s’est penché sur ce projet « macronien » de labellisation des médias. Dans la jungle des chaînes youtube, les journalistes anti-système qui voyaient leur audience grimper en flèche sont rongés par l’inquiétude, tout comme ceux de la première chaîne info de France, à savoir CNews, qui emploie deux-cents professionnels détenant une carte de presse. Au gré de ses différentes émissions quotidiennes, les critiques à l’encontre d’Emmanuel Macron redoublent d’intensité. De même, les journalistes et les chroniqueurs invités sur le plateau de CNews ne ratent pas une occasion de dénoncer les erreurs et les abus de France Télévisions et de Radio France, reprochant en premier lieu à leurs confrères du service public de l’audiovisuel de pencher à gauche et même de faire trop souvent la part belle, dans le choix de leurs invités, à l’extrême gauche. Non sans un brin d’ironie, plusieurs des journalistes vedettes de CNews ajoutent, lorsqu’ils évoquent les dernières bourdes et scandales se succédant au sein de ce service public : «(…) Nos confrères qui, eux, pourront bénéficier d’un label… » Car France Télévision et Radio France traversent une passe difficile, dans le collimateur de plusieurs élus.

Depuis quelques jours, une commission d’enquête parlementaire sur l’audiovisuel interroge les dirigeants de France Télévisions, appelée à dévoiler ses préconisations dans plusieurs mois. Bien sûr, les journalistes de CNews se délectent des déclarations et révélations faites par certaines personnes que la commission convoque, lesquels sont tenus de prêter serment.
Des cocktails suspects, très couteux
Une déposition très attendue : le jeudi 11 décembre a comparu la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte-Cunci, âgée de 60 ans, qui exerce de telles responsabilités depuis 2015, son mandat ayant été renouvelé à deux reprises. Le président de la commission, le député Charles-Henri Alloncle, semblait aux anges, et pour cause : en juin 2024, cet adhérent de l’UDR, un parti allié au Rassemblement national, a arraché sa circonscription à un adversaire de La France Insoumise, carrément ancré dans l’extrémisme de gauche. Tout naturellement, Charles Alloncle ne porte pas le service public de l’audiovisuel dans son cœur, dont la «droite dure» réclame la privatisation, à l’instar des présentateurs des émissions les plus populaires du duo CNews-Europe1. (Ces deux antennes contrôlées par Vincent Bolloré retransmettent en simultané nombre d’émissions.)
Delphine Ernotte n’avait pas l’air d’être à l’aise, quelques jours après maintes révélations faites par CNews. France Télévision a affecté 1,5 million d’euros à l’organisation de réceptions et de cocktails en 2020. Cette année-là, marquée par la pandémie de la Covid, les Français ont été durement confinés.
Autre manquement à l’éthique : en 2023, pendant le Festival de Cannes, Delphine Ernotte et plusieurs de ses collaborateurs ont occupé des chambres dans un palace : 1700 euros la nuitée par personne. La note a été réglée par des sociétés de production, parmi lesquelles France Télévisions.
Ce mastodonte de la télévision publique est aux premières loges lorsqu’il s’agit de cramer la caisse ! Les 10.000 personnes que le groupe emploie perçoivent des salaires atteignant en moyenne 71.000 euros annuels. Les journalistes ont même droit à quatorze semaines de congé payés par année.
Quatre milliards d’euros par année
Paul Amar, un ancien présentateur du Journal de la deuxième chaine, est devenu un chroniqueur très offensif sur le plateau de CNews. Il a révélé que le salaire annuel de Madame Ernotte atteint 400.000 euros bruts et qu’elle a perçu une prime d’intéressement de 78.000 euros. Un véritable scandale quand on apprend, ce que l’intéressée à confirmé au cours de son édition, que depuis son arrivée à la tête de France Télévisions s’est creusé un déficit de 81 millions d’euros.
Un choc, sachant que les contribuables français subventionnent le service public de l’audiovisuel à hauteur de quatre milliards d’euros par année, soit environ cinquante euros par personne. Ledit service public absorbe ainsi la moitié du budget alloué au ministère de la Culture dont il dépend.
Tentant de se justifier, sous le feu des questions du député Charles Alloncle, Delphine Ernotte a contre-attaqué : «CNews et nous-mêmes ne faisons pas le même métier (…) CNews est un média d’opinion et qualifier un média d’opinion ne revient pas à le disqualifier».
Il y a un mois, France 2 avait déclenché une retentissante polémique dans l’émission Cash Investigation en consacrant un reportage à charge visant à ternir la réputation de CNews. Pascal Praud, dont l’émission l’Heure des Pros fait un tabac le matin, a accordé une interview téléphonique sans savoir qu’il était enregistré. « Delphine Ernotte pourrait exiger de visionner préalablement de tels reportages », s’est-il insurgé. Spécifiant qu’elle n’était en rien opposée à l’existence de CNews, la patronne de France Télévisions a mentionné son devoir de veiller au respect d’un cahier des charges très contraignant et de faire en sorte que la demi-douzaine de chaînes pilotées par son groupe continuent à offrir une palette d’émissions riche et diversifiée ».
Il importe de préciser que France Télévisions s’appuie sur une vingtaine antennes régionales. « BFM-TV a essayé de régionaliser sa programmation mais elle revient peu à peu sur cette idée», a relevé Delphine Ernotte, qui a été interrogée par le député Alloncle sur une apparente incohérence :
A elles toutes, vos chaînes ont une audience supérieure de 20 % à TF1 et cependant le coût de production de leur audience est de 120 % plus élevé.
De moins en moins de pub pour la télévision
Cette sortie de la sphère publique est préconisée par le Rassemblement national et elle semble aiguiser certains appétits parmi les grands acteurs financiers sur la scène médiatique. Entre autres le milliardaire Vincent Bolloré qui cherche à élargir le périmètre de ses activités. Encore faudrait-il savoir si des chaînes telles que France 2 et France 3 seraient rentables si elles étaient revendues à des hommes d’affaires.
Pas vraiment d’un point de vue publicitaire ainsi que l’explique le site en ligne conversation.com dans un article dont nous publions les extraits suivants :
Le marché de la publicité télévisée n’est plus capable d’absorber une chaine de plus. En effet il a reculé de 9 % entre 2014 et 2024. Et la télévision n’attire plus aujourd’hui que 20 % des investissements publicitaires contre 26 % en 2019. Or, le numérique capte désormais 57 % et pourrait atteindre 65 % en 2030. La fuite des annonceurs vers les plateformes en ligne fragilise toutes les chaines gratuites de la TNT (Télévision numérique terrestre).
Dans la sphère des médias, l’évolution des habitudes de consommation et des mentalités a de quoi donner le vertige. Et puis, il ne faut pas perdre de vue que la télévision publique fait vivre toute une filière de producteurs qui souffriraient d’un fléchissement de leurs commandes ; dans le pire des cas ils mettraient la clef sous la porte.
Il est donc peu probable que ces projets de privatisation débouchent sur des changements concrets.
Un précédent, la fermeture de C8
La ligne éditoriale de la première chaîne Info de France lui vaut d’être qualifiée de « pro-extrême droite » par ses plus féroces détracteurs. Les journalistes de CNews semblent avoir des difficultés à atténuer une certaine anxiété à l’idée d’assister en direct au meurtre de leur chaîne, une hypothèse hélas plausible. L’auteur de l’article que vous avec sous les yeux estime que le projet de labellisation des médias vise principalement CNews.
Monsieur Macron, très narcissique, ne supporte pas la contradiction:
C’est le genre de constat que l’on peut entendre lors des émissions-débats offertes par l’effervescente chaîne. Or, il y a eu un précédent en France : la fermeture de C8 en mars 2025, la sœur de CNews dont l’Arcom n’avait pas renouvelé la concession, sous prétexte que l’un de ses animateurs vedettes, Cyril Hanouna, avait outrepassé les limites de la décence. Ce fut un avertissement donné à Vincent Bolloré, le président d’un consortium d’entreprises contrôlant notamment Canal+, Europe 1, CNews et Le Journal du Dimanche. C8 était l’un des joyaux du groupe Bolloré. Ce milliardaire qui a fait jadis de prospères affaires dans le secteur minier et les comodities agricoles est l’une des cibles de prédilection de La France insoumise (LFI) et des associations relayant les idées chères à l’extrême gauche. Il est permis de se demander s’il n’y a pas collusion entre le parti présidentiel Renaissance et LFI qui n’a pas condamné, officiellement, le projet de labellisation défendu obstinément par Emmanuel Macron.
Les dirigeants des diverses formations de l’extrême gauche dont LFI est le fer de lance décrivent Vincent Bolloré comme un facho, carrément. Une cible d’autant plus facile que Bolloré est un milliardaire dans un pays où les riches sont mal vus et souvent considérés comme des tricheurs. En réalité, l’aigreur et la jalousie enveniment toujours davantage les relations entre les Français au fur et à mesure que leur pays est pris dans la spirale d’incessantes crises dans tous les domaines.




Cher Monsieur,
Vous dressez un tableau bien sombre de la France. Personnellement, contrairement à vous, je ne la vois pas au bord de la guerre civile, sauf à mettre le zoom sur des événements bien particuliers dont une généralisation hâtive serait de nature à alimenter une vision d’apocalypse.
La technique est d’ailleurs utilisée par les partis les plus radicaux sur l’échiquier politique, à savoir LFI et le RN. Pour eux rien ne marche, tout va à vau l’eau, rien n’est plus comme avant et tous les périls du monde sont à nos portes. Et, bien entendu, celles et ceux qui défendent ces thèses de l’effondrement sont les premiers à dire qu’avec eux au pouvoir, la vie sera plus belle et que la société ne connaîtra plus aucun problème… comme dans un monde de Bisounours.
Ce ne sont là que billevesées à destination des plus crédules car chacun sait – où devrait savoir- que « la parole est aisée mais l’art est difficile ». En outre, tout dépend de la façon dont sont présentées les choses.
Prenons un seul exemple qui est celui de l’immigration en France. Quand l’extrême-droite évoque ce sujet, elle parle de centaines de milliers d’hommes et de femmes envahissant notre beau pays. Or, l’honnêteté consisterait à parler non pas de vague migratoire mais de solde migratoire. En 2024, ce dernier est estimé à 158 000 personnes contribuant à hauteur de 90% de l’augmentation de la population. Ce qui signifie que l’accroissement naturel de la population française fut faible cette année-là avec seulement 17 000 personnes… soit un très modeste excès des naissances par rapport aux décès. Et cet accroissement total de 175 000 individus ne représente que 0,25% de la population totale.
Donc, sans l’apport migratoire, l’accroissement naturel est proche de zéro. Et le jour où le RN voudra fermer le robinet, on s’apercevra que certains secteurs comme la restauration et le BTP ont furieusement besoin de cette main d’œuvre.
Bref, cette présentation a pour mérite d’expliquer les choses d’une façon que l’on entendra jamais sur CNews. Elle est réaliste, positive et aisément vérifiable sur le site de l’Insee, sauf à remettre en cause des chiffres officiels.
Finalement, n’en déplaise aux Cassandre, la France est forte et c’est un beau pays par sa culture, ses paysages, sa gastronomie, sa diversité et sa liberté.
Encore faut-il avoir le sens de la mesure dans ses commentaires.
Il reste à espérer que les électeurs ne choisiront pas en 2027 des aventuriers aussi extrémistes qu’inexpérimentés pouvant mener le pays en des terres inconnues où, cette fois-là, il serait réellement en difficulté.