Tout évolue. La presse aussi


Se penchant sur quelques exemples en provenance de l’Hexagone, le journaliste français Daniel Schneidermann constate que la hiérarchie de l’information sur France 2, par exemple, n’est pas celle d’un service public, car la rédaction en chef ne se pose pas la question essentielle: “que doit connaître le citoyen ?”, mais plutôt: “qu’est-ce qui va lui plaire?” Pour la direction, il s’agit avant tout d’accrocher le téléspectateur de manière à ce qu’il n’émigre pas vers la chaîne concurrente.
Daniel Schneidermann estime dès lors la situation “désespérante”, car, rappelle-t-il, il n’y a pas de démocratie sans information. Cependant, un modeste événement intervenu lors de la campagne référendaire française sur la Constitution européenne, sujet très mal traité à ses yeux par la télévision et par l’ensemble de la presse de l’Hexagone, constitue, pour lui, une réelle “lueur d’espoir”.

Bon nombre d’individus, en effet, sont allés chercher l’information ailleurs, sur des “blogs”, c’est-à-dire des sites internets personnels où n’importe qui peut faire part de ses expériences ou de ses opinions sur la toile et de créer ainsi une sorte de mini-forum.

Et le conférencier de citer l’exemple de ce modeste professeur d’économie marseillais qui a réussi à donner des informations sur cet objet du scrutin du 29 mai, introuvables ailleurs, et à créer un débat sur cette épineuse question.
Ainsi, le nombre de visiteurs – modeste au début – est monté jusqu’à 100’000! Cette expérience réalisée par ces journalistes amateurs est assurément intéressante, mais passablement risquée car plusieurs informations non vérifiées, voire fausses n’ont pu être évitées…

Le journaliste pense aussi que les médias devraient davantage dévoiler leurs conditions de de fabrication, alors qu’ils exigent toujours une pleine et totale transparence de la part d’hommes politiques ou d’entreprises. Les médias doivent, selon lui, prendre de plus en plus l’habitude de parler d’eux-mêmes.

Comment aider des otages ? Autre question d’une brûlante actualité, les interventions de la presse sont-elles suffisamment efficaces en vue de défendre des causes ou des personnes qui lui sont chères ? Oui et non serait-on tenté de dire après avoir entendu Georges Malbrunot venu récemment à Genève à l’initiative de la section suisse de Reporters sans frontières (RSF) pour témoigner sur sa captivité en Irak en compagnie de son confrère Christian Chesnot.

Pour le journaliste français, qui selon ses dires ne garde aucune séquelle de sa détention de quatre mois à Bagdad, une mobilisation populaire en faveur d’otages constitue un fait très positif. Mais point trop n’en faut.

Les appels à un rassemblement doivent, certes, dans un premier temps, être vigoureux, ceci afin de convaincre les autorités d’entrer en contact avec les ravisseurs. Puis, il faut éviter de créer une courbe «crescendo». Quelques «piqûres de rappels» suffisent. Sinon les ravisseurs vont être confortés dans leur conviction qu’ils détiennent de gros poissons. Ils pourraient être incités à faire monter les enchères et à libérer leurs prisonniers le plus tard possible.

Ainsi, les grands rassemblements sur la place du Trocadéro avec allumage des «100 flammes de l’espoir», trois mois et demi après l’enlèvement de Florence Aubenas tout comme l’affichage de logos spéciaux par les chaînes de TV françaises ou autres lâchers de ballons peuvent s’avérer contre-productifs, confie Georges Malbrunot. «J’ai de l’amitié pour Robert Ménard, mais parfois il en fait un peu trop», dit-il.

D’autre part, contrairement au fondateur de RSF, l’ex-otage pense qu’une absence de journalistes français en Irak ne serait pas forcément dramatique. «Aujourd’hui, ils ne peuvent plus travailler correctement dans ce pays. Et enlever un correspondant français constitue une véritable aubaine pour des groupes terroristes: ça paye.»

La fin tragique de Enzo Baldoni assassiné fin août 2004 par le groupe terroriste «Armée islamique en Irak» serait due notamment à une absence de réaction, tout du moins dans un premier temps, du Gouvernement de Rome après l’enlèvement du journaliste italien. D’autre part, il n’aurait pas été seulement journaliste, mais également publicitaire. Ce qui aux yeux des ravisseurs irakiens constituait un élément hautement suspect. Il faut dire, précise Georges Malbrunot, que ces gens sont extrêmement «basiques». Ils ne saisissent guère les nuances.

L’auteur est journaliste indépendant, Genève

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