Il faut séparer l’info de la pub


L’instance chargée de veiller sur l’éthique des médias livre ainsi sa position sur la plainte déposée en avril 2006 par «Info en danger». Cette association, créée par cinq journalistes romands, avait saisi le Conseil pour dénoncer les «dérives qui affectent les journalistes, notamment face aux annonceurs.»

Auteur de la plainte, Christian Campiche, journaliste à «La Liberté», s’insurgeait contre une «pratique désormais systématique dans certains journaux» qui consiste «à mélanger le contenu rédactionnel et les messages à caractère publicitaire.» On finit par avoir l’impression de lire un catalogue de grand magasin plutôt qu’un journal, poursuivait-il.

Pas vraiment nouveau

Les auditions menées par le Conseil de la presse confirment cette dérive, due à une situation tendue du marché de la pub, à l’apparition des journaux gratuits, au développement d’internet ou encore à l’importance que prennent les marques et la consommation dans la culture contemporaine.

«Le phénomène n’est pas nouveau», explique Sylvie Arsever. «Ce qui est vraiment nouveau, c’est son amplification.» La vice-présidente du Conseil pointe ainsi du doigt les demandes toujours plus pressantes et «novatrices» des annonceurs en matière d’emplacements: en haut ou au centre d’une page, voire sur toute la une, comme cela s’est déjà vu…

Le diktat de l’annonceur

Autres dérives: la volonté des annonceurs de placer leurs publicités en utilisant les mêmes typographie, encolonnement et titraille que le média dans lequel ils sont publiés. Enfin, Sylvie Arsever s’inquiète des demandes ou offres de contenu («vous faites des articles sur ces produits, et nous mettons des pubs…»).

Ce dernier point préoccupe tout particulièrement le Conseil de la presse. Sylvie Arsever cite notamment le cas d’une rédaction qui s’est vu approcher par une compagnie aérienne: elle demandait au journal d’écrire régulièrement, dans ses pages «tourisme», des reportages en lien avec des destinations qu’elle dessert. En échange, la compagnie s’engageait à mettre plein de publicités. «La rédaction a refusé», se félicite Sylvie Arsever.

Christian Campiche a tenu à saluer l’engagement du Conseil de la presse «et son sérieux avec lequel il a traité notre plainte. Ses recommandations légitimeront les démarches des consœurs et confrères qui entendent pratiquer leur métier dans le respect de la Déclaration des devoirs et des droits du journaliste.»

Des règles à respecter

Le Conseil de la presse n’a aucun pouvoir de répression, et donc peu de marge de manœuvre pour changer les choses. «Sa seule sanction est la publication d’une prise de décision», reconnaît le président Peter Studer. Le Conseil se contente donc de rappeler les règles de base.

Ainsi, la rédaction doit décider elle-même des objets à traiter, en refusant toute consigne des annonceurs. Si elle choisit de parler d’un produit, l’article doit être élaboré dans le respect des règles déontologiques: «Le lecteur doit être en mesure de reconnaître les informations vérifiées, celles qui ressortent de l’appréciation du rédacteur et celles qui sont de simples affirmations du producteur», insiste Sylvie Arsever.

Autre règle:

les offres de sponsoring peuvent être acceptées, si elles se limitent à un cadre assez large. «Dans tous les cas, un article dont le financement n’est pas entièrement assuré par le média doit être signalé comme tel», souligne la vice- présidente du Conseil.

Un journaliste se devra aussi d’éviter un ton trop complaisant dans la présentation d’un produit.

Enfin, le Conseil rappelle la nécessité de séparer clairement le contenu rédactionnel de la publicité. Et salue le code de conduite convenu, en janvier, entre les éditeurs, les annonceurs, et la Conférence des rédacteurs en chef. Ce code vise le principe d’une pleine transparence envers le public.

Christian Campiche, présent lors de la conférence, reste sceptique quant à l’efficacité de ce code. Et déclare attendre pour voir.

Article paru dans “La Liberté” du 22 mars 2007

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