Comment lutter contre cette inondation prétendument informative mais en réalité publicitaire, voilà une question difficile. Une éventuelle réponse pourrait s’articuler sur son théorique point fort, la gratuité.
PAR EMMANUEL PINGET
Imaginons la situation suivante au regard du droit. Edmond, prénom fictif, prend un «gratuit» dans une caissette. Il le range dans son sac. Puis il en prend un deuxième, qu’il conserve également. Ensuite et de façon surprenante, il se saisit d’un troisième exemplaire. Que peut trouver à redire la loi à ce propos? Edmond est dans son bon droit. Il poursuit ses acquisitions par la prise d’un quatrième exemplaire, celui-là il le jette car une poubelle est là qui s’ennuie.
Quel drôle de bonhomme, cet Edmond. Il en est presque à travailler à la chaîne. Chope un cinquième journal de la main droite, quand dans le même élan sa gauche en attrape trois. Tous à la poubelle puisque son sac est déjà plein. Sacré Edmond, mais où en es-tu? Il semble vouloir délester la boîte de tout son papier.
Légalement. Et de fait, il retire encore une douzaine de gratuits sous le regard médusé de personne.
Sauf de cette vieille dame qui se dit qu’Edmond est un lecteur insatiable. «Vous avez vraiment soif d’informations, vous!», lui lance-t-elle. En quelque sorte.
C’est alors que notre homme se souvient de la charrette de son oncle, et du volume qu’elle peut transporter, 700 litres. De quoi étancher les plus grandes soifs. Il court donc chez son oncle, lui emprunte sa charrette et part en promenade. S’arrêtant devant chaque caissette à journaux sans valeur, il la vide d’un coup d’un seul dans son véhicule.
La loi reste muette. Une fois les 700 litres atteints, une décharge au centre de récupération s’impose, puis rebelote dans tel autre quartier inondé. Afin de vider les 1000 caissettes dont Edipresse dispose en Romandie pour son Matin Bleu, Edmond pense désormais à recruter.
Article paru dans “La Lettre hebdomadaire du Journal de Genève et Gazette de Lausanne”, No 4, du 11 au 18 mai 2007.
