Touche pas à «ma» banque!


PAR CHRISTIAN CAMPICHE
Inclinez-vous car elle est LA Banque. L’unique, celle qui résiste à tous les déluges, fabrique des présidents (Eisenhower) et défait des nations (la Grèce). Son Noé s’appelle Lloyd Blankfein, un homme qui ose défier Barack Obama en personne. Si Goldman Sachs n’existait pas, il faudrait l’inventer, écrit le correspondant financier à la City du journal «Le Monde», Marc Roche, dans un livre paru récemment (1).
Goldman Sachs fait partie du quarteron de mastodontes qui sortent gagnants du krach mondial, les JP Morgan, Barclays et autre Credit Suisse. Pas de trace d’UBS sur l’arche salvatrice. Manifestement, Marcel Ospel n’est pas Blankfein, celui que Roche qualifie d’«assez joli Dark Vador, le méchant de la «Guerre des étoiles». Le Suisse peut rester sur son alpage vaudois et laisser le monde au bœuf américain.

Il aurait peut-être fallu au dirigeant d’UBS les relais médiatiques de Goldman Sachs. Au cœur de la tourmente des subprimes, LA Banque fait jouer ses relations dans la presse de prestige anglo-saxonne. «Des chroniqueurs bancaires, des directeurs de grands journaux ou des animateurs de talk-shows financiers, chargés de la défendre tout en faisant mine de rester à distance, sont appelés en renfort.» (1)

Déclassée outre-Atlantique, UBS est-elle perdue pour autant? Relativisons la pitié. En Suisse, l’enseigne aux trois clés est parvenue à tirer son épingle du jeu grâce aux efforts du monde politique. Ses dirigeants ne seront pas jugés. Avec un peu de chance et beaucoup de lifting, l’établissement parviendra à remonter la pente, qui sait à convoler avec Credit Suisse, un partenaire potentiel dont on se demande jusqu’à quel point il représente encore la concurrence. Le trio de tête d’UBS n’est-il pas issu de son sérail?

Main dans la main, le duo s’affranchirait de ses complexes. Plus personne n’oserait contester ses génies dignes des meilleurs bonus. Des architectes de produits financiers tellement compliqués qu’ils décourageraient les auditeurs les plus avertis. Et laisseraient les gendarmes de Berne bailler aux corneilles. Une impuissance que la députée Verte Adèle Thorens, membre de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national, résume ainsi: «Politiquement, les hedge funds (fonds d’investissement hautement spéculatifs) bénéficient d’énormes soutiens.»

Rendu récemment, le rapport de la commission d’experts «Too big to fail» s’attaque-t-il vraiment aux causes du problème? «Une grande partie des acteurs financiers est incapable d’appréhender les dangers», doute Mme Thorens. La conseillère nationale qui s’exprimait le 21 octobre 2010 à Genève lors d’un débat organisé sous les auspices de l’Observatoire de la finance regrette la déresponsabilisation des banques. «On en parle très peu, pourtant tout le monde spécule par le biais des caisses de pension. Il y a un enjeu démocratique à demander des comptes.» I

(1) «LA Banque – Comment Goldman Sachs dirige le monde», par Marc Roche, Albin Michel, 2010.

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