UBS porte un coup au secret bancaire


Cela ressemble à une estocade de plus au secret bancaire helvétique déjà mal en point, mais cette fois, elle pourrait venir de la première banque suisse. Devançant le parlement, UBS a adressé, le 26 février dernier, une lettre aux titulaires de comptes numérotés pour les prévenir de ce qui les attend. Face au fisc étranger, ces clients très secrets seront bientôt quasiment nus. Désormais, l’indication d’un simple numéro de référence, style IBAN, suffira à actionner le mécanisme d’entraide.
Le 15 février dernier, Eveline Widmer-Schlumpf avait créé un tumulte certain parmi les élus de la droite en confirmant les fuites, publiées dans la «SonntagsZeitung». Selon les conventions de double imposition (CDI) en vigueur, mais aussi selon une ordonnance sur la façon de les appliquer, désignée sous le sigle d’OACDI, telle qu’elle a été publiée le 1er octobre 2010, toute demande d’entraide doit comporter le nom du client, mais aussi celui de la banque. Faut-il se contenter d’un simple numéro de référence? Les Chambres fédérales examineront le dossier lors d’une session spéciale prévue du 11 au 14 avril.
Traumatisme
Traumatisée par les leçons d’un passé encore récent, UBS prendrait-elle cette fois-ci les devants sans perdre une minute? Porte-parole d’UBS, Jean-Raphaël Fontannaz ne voit qu’une «coïncidence» entre la lettre du 26 février et les déclarations de la ministre de la Justice: «cette lettre est en préparation depuis mi-2010. UBS n’avait jusqu’ici pas de «documentation de produit» décrivant la nature exacte de la protection offerte par un compte numéroté. L’envoi du courrier vise à informer ses clients que cette lacune est désormais comblée.»
Reste que l’on comprendrait parfaitement que la banque ne veuille plus livrer de noms en pâture à une administration étrangère sans prévenir les principaux intéressés. La missive envoyée aux titulaires de «relations numériques» ne dit pas le contraire. Elle propose aussi un «entretien personnel» pour examiner les «éventuelles restrictions à la protection de la discrétion offerte par une relation numérique UBS».
L’ironie, dans ce dossier, est que la Suisse s’apprête à accorder l’entraide administrative en matière fiscale sur la base d’un simple numéro de référence, alors même qu’elle a signé une trentaine de CDI disant précisément le contraire. A l’époque, certains commentateurs avaient cru déceler un raffermissement de la position suisse. Il n’en est rien: il a suffi qu’un fonctionnaire d’un organisme rattaché à l’OCDE, dans des conditions encore mal élucidées, fasse allusion à de nouvelles exigences en matière de CDI pour que le Conseil fédéral accepte de modifier des conventions qui n’ont pour la plupart même pas eu encore le temps d’entrer en vigueur.
Fragile équilibre
UBS agirait-elle comme si elle ne croyait plus la Suisse officielle? Celle-ci essaie de présenter ce «nouvel assouplissement» du secret bancaire comme un point de détail. Pourtant les implications sont claires. Si un simple numéro suffit à actionner l’entraide administrative, alors tout le système de protection représenté par les comptes numériques pourrait bien devenir sans objet. Au-delà, c’est même l’ensemble de l’architecture informatique mise en place par les banques pour garantir la confidentialité qui pourrait se trouver privée de raison d’être par la nouvelle concession que la Suisse s’apprête à faire en matière de secret bancaire.
Car cette concession déstabilise le fragile équilibre qui était en passe de s’instaurer après l’annonce, le 13 mars 2009, de la fin de la distinction entre fraude et évasion fiscale. Avec la conclusion des CDI encadrées par une ordonnance relativement restrictive, le secret bancaire paraissait avoir été préservé pour l’essentiel, c’est-à-dire pour les clients qui parvenaient à faire profil bas. C’est précisément pour ceux-là que le compte numérique représentait un réel avantage, puisqu’il permettait par définition au client d’éviter que son nom ne circule à l’intérieur de la banque, au risque qu’un employé indélicat ne le transmette au fisc de son pays de domicile. Désormais, toutes ces précautions, les complications (le courrier est conservé en banque restante) et les frais qu’elles entraînent (au moins 1500 francs par an) sont sur le point d’appartenir à un folklore révolu.
A moins que les parlementaires, dans un sursaut de dignité collective, ne décident de refuser la modification proposée. En acceptant au plus haut niveau de se plier à des exigences formulées par les représentants d’un simple organisme technique, la Suisse donne l’impression de tomber au-dessous de la dignité attendue d’un Etat souverain…
Avec un million, t’as plus rien
Le compte numérique concerne typiquement une clientèle traditionnelle de gestion de fortune des banques suisses désormais en voie de disparition, celle qui dispose d’une fortune allant de quelques centaines de milliers de francs à un ou deux millions. Pour cette clientèle, la Suisse n’offre plus guère d’attrait et n’en offrira pratiquement plus aucun avec la défonctionnalisation du compte numérique. Seuls les ultra-riches, au-delà de 25 ou 30 millions de francs, pourront encore se payer le luxe de garder une certaine confidentialité.
Les instruments existent mais coûtent très cher: trusts, qui permettent de faire semblant de se dessaisir du patrimoine concerné, sociétés de domicile, qui permettent moyennant parfois quelques tripatouillages supplémentaires de brouiller les pistes quant au bénéficiaire économique, mandats de conseil (et non plus de gestion) qui permettent aux anciens gérants de garder la main tout en pouvant honnêtement dire qu’ils ne connaissent pas l’identité du véritable titulaire du compte préalablement transféré dans un pays peu regardant.
La morale est que pour se protéger du fisc, il faut beaucoup de moyens, de l’ordre des bonus accordés aux dirigeants des grandes banques ou multinationales. Avec un million, tu n’as plus rien!
Article paru dans “La Liberté” du 11 mars 2011

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Un commentaire à “UBS porte un coup au secret bancaire”

  1. Alexandre 14 mars 2011 at 00:08 #

    En réalité le secret bancaire a été aboli en Suisse.

    De nationalité française et résidant français, permettez-moi de vous informer des réalités techniques qui menacent l’intégrité du peuple Suisse et ses libertés les plus fondamentales, qui devraient toujours présider à la destinée de la Suisse.

    La Suisse vient de signer sans contrepartie avec la France et les autres pays d’Occident, des accords de transmission d’information.

    Désormais, le gouvernement français peut exiger en vertu des traités ratifiés, que les autorités suisse lèvent le secret bancaire dans le cadre nouveau, des fraudes fiscales.

    Hors, les suisses ignorent ce que les traitres de l’Etat fédéral Suisse savent pourtant parfaitement bien à Berne: en France, 70% des redressements fiscaux sont frauduleux et ne sont qu’un outil politique mis par l’arbitraire à disposition du gouvernement français avec la collusion et l’appui des tribunaux administratifs, tribunaux partiaux d’exception au service de l’Etat. (Voici une preuve parmi des milliers de cas : http://www.temoignagefiscal.com/ )

    En d’autres termes, le secret bancaire en Suisse d’un citoyen français ou suisse ayant des activités en France, peut être désormais remis en cause par le gouvernement français, au seul prétexte politique, arbitraire, fallacieux, que ce dernier citoyen aurait commis une fraude fiscale, quand bien même il n’aurait jamais fraudé !

    Les cas se multiplient de citoyens français et suisse ainsi bafoués dans leurs libertés, qui se voient à tort accusés de fraude fiscale de telle sorte que l’Etat Français, puisse, en ayant accès à leurs comptes en Suisse, les déposséder de leurs biens ou les briser, s’ils sont en France des opposants politiques ou des journalistes.

    Cette réalité connue de tous en France dans les milieux d’affaires, mais tue eu égard au risque induit (de nombreux meurtres de personnalités qui ont trop parlé), ne peut être ignorée des institutions de Berne et Berne, par ces accords, ne peut ainsi qu’avoir trahi le peuple Suisse.

    Aussi, en acceptant cet état de fait, sans contrepartie, l’Etat fédéral de Berne abolit le secret bancaire en Suisse et permet de briser la souveraineté du peuple suisse, donc, le droit inaliénable du citoyen à garantir sa propriété privée, donc ses libertés, donc la démocratie, par le secret bancaire.

    Voilà, ce que le peuple Suisse ne sait pas et qu’il faut faire remonter au plus vite, auprès de la résistance, résistance qui maintenant en France se structure pour renverser à terme la République et fonder en France aussi, un régime de démocratie directe.

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