Le premier ministre fait le tour des plateaux de télévision, honore les présentateurs vedettes par sa présence, se fend en déclarations diverses… Il n’empêche que la situation politique reste extrêmement confuse depuis le samedi 19 mars, après la tenue du referendum sur les amendements constitutionnels. Avec un malaise diffus et amère : celui de vivre, en silence, une contre-révolution. D’ailleurs, si c’était faux, Essam Sharaf aurait déjà placé de nouveaux rédacteurs en chef dans les quotidiens gouvernementaux. Mais l’avancée révolutionnaire n’est, sur ce plan, pas très flamboyante.
La population attend toujours la déclaration du Conseil suprême des forces armées, aux commandes du pays depuis le 11 février, sur le calendrier politique et en particulier la date des prochaines élections parlementaires et présidentielles. Alors que les jeunes révolutionnaires du 25 janvier apparaissent désemparés et même dépassés par la victoire du “Oui”, en raison de leur inexpérience politique de terrain face au mouvement des Frères musulmans socialement très implantés. Alors, comme par impuissance, ils imaginent sur un ton blagueur ce que pourrait être le futur de l’Égypte si cette force venait à réellement prendre le pouvoir. Une attitude qui trahit en réalité une inaptitude à évaluer la situation politique dans son ensemble.
Leurs manifestations se poursuivent, notamment pour réclamer le départ des doyens membres du PND (le parti de Moubarak) à l’Université du Caire, d’où étudiants et professeurs ont été violemment délogés par l’armée mercerdi dernier. Ce jour-même où l’équipe gouvernementale a approuvé une loi criminalisant les grèves et manifestations et tous ceux qui appellent à leur organisation. Sous peine de subir une sanction de 500 000 Livres Égyptiennes (60 000 € ) ou de la prison. Mercredi dernier c’était aussi la reprise des échanges boursiers au Caire, après 50 jours de suspension. Pour rassurer les investisseurs, il fallait bien qu’ils puissent compter sur un fonctionnement normal des entreprises avec des ouvriers sagement dédiés à la tâche.
Les Égyptiens croyaient vivre sous la loi martiale et voilà que le gouvernement approuve une loi qui ne sera pas passée par le parlement, puisqu’il n’existe plus…. Au niveau juridique, c’est aussi le flou complet. Mais personne ne semble s’en soucier. Ce qui fait scandale en ce moment, et qui est passé sous silence par la presse gouvernementale, ce sont les tests de virginité effectués par l’armée sur les jeunes manifestantes.
Des faits qui révèlent l’animalité cruelle des actuels détenteurs du pouvoir, mais qui font aussi partie du grand social actuel : s’amuser à se faire peur. Les salafistes déclarent que la victoire du “Oui” au dernier référendum est celle de la religion, d’autres se demandent si l’Égypte pourrait connaitre un régime iranien. Mais rien, dans les manifestations en cours, sur les questions touchant le sensible futur politique du pays. Et même pas cette simple revendication: que la prochaine constitution, qui sera rédigée par une commission parlementaire, soit approuvée par référendum.
Article paru dans “Tremblements d’Egypte“