A l’origine de la controverse, il y a Paulo Branco. Le producteur cinématographique qui a présidé le jury du Festival du film de Locarno a prononcé l’anathème à l’égard de «Vol spécial», le film de Fernand Melgar. C’est pendant la conférence de clôture du festival que Paulo Branco a pris à contre-pied les éloges reçus par «Vol spécial», le qualifiant de «film fasciste».
Depuis, Fernand Melgar explique qu’il n’est pas manichéen et qu’il propose un cinéma engagé qui n’est pas militant. Il y a trois ans, pour «La Forteresse», le cinéaste avait déjà affronté le même type de question, exprimée de façon moins brutale, fournissant la même explication. Le film montrait les conditions de vie au sein du Centre d’enregistrement de Vallorbe, la première étape de la vie d’un demandeur d’asile. A l’inverse, «Vol spécial» se concentre sur le dernier stade de la procédure, quand la demande d’asile est déboutée. Cela implique le retour au pays volontaire ou alors le renvoi forcé. Pour les personnes dont la procédure d’asile est close qui se trouvent sur le sol suisse, la loi prévoit la prison: le cadre où «Vol spécial» a été tourné.
Paulo Branco s’insurge contre ce film qui à ses yeux ne dénonce pas une pratique inhumaine, devenant ainsi son complice. Fernand Melgar répète qu’il choisit de montrer sans juger afin de produire un débat de société ouvert et démocratique. Très passionnant, voire trop car les protagonistes de la polémique – et les commentateurs – ont oublié le fondement du débat public. Pour que ce dernier puisse avoir lieu, il est nécessaire que le citoyen aussi puisse avoir accès à l’objet de la controverse. Pour «Vol spécial», ce n’est pas le cas. Seulement les professionnels et quelques centaines de festivaliers ont pu voir un film qui ne sortira en salle que le 21 septembre.
Dans l’attente et sans des séances spéciales, le spectacle stérile de ce différend ressemble plutôt à un irritant affrontement d’égos. Une querelle qui est une incroyable et inattendue occasion de promotion pour le film. Surtout, l’exhibition de cette polémique parle du mépris produit à l’égard du lecteur, de l’auditeur et du spectateur. Oubliés, ils ont été exclus. Il ne leur reste qu’à découper les articles et sauvegarder les fichiers audiovisuels pour finalement se forger une opinion dans un mois. C’est paradoxal: l’information va de plus en plus vite, mais le moment venu, pour «Vol spécial», elle va être essoufflée et en retard.
Article paru sur “Un ristretto!“