info-en-danger, les raisons d’une dissolution

La Méduse publie le procès-verbal de l’assemblée générale qui a prononcé la dissolution de l’association info-en-danger, le 8 novembre 2011, 20h00, au Buffet de la Gare de Lausanne. Etaient présents: Michel Beuret, Michel Bührer, Christian Campiche, Marie-Christine Pasche (membres du Comité et membres fondateurs), Edgard Bloch, Didier Bonvin, Hélène Koch, Daniel Wermus. Excusés: Jérôme Cachin (vérificateur des comptes), Jean-Luc Wenger.

Marie-Christine Pasche ouvre l’assemblée en précisant qu’il s’agit de l’assemblée de dissolution de l’association. Elle lit un message de Jean-Luc Wenger (journaliste à «L’Express»): Info-en-danger a joué un rôle important durant la grève à ‘L’Express-L’Impartial’. Dès le début, le message de l’association a pu nourrir les arguments d’une partie de la rédaction face aux demandes parfois pressantes de la hiérarchie pour des “sujets plus légers”, plus proches du lecteur… (voire très proches du garagiste du coin). Info-en-danger aura joué un rôle important.

Christian Campiche présente les comptes 2010-2011 de l’association qui se soldent par des entrées et sorties de 2560,90 francs, soit un équilibre à 0. Ce résultat est voulu pour boucler le compte Postfinance d’info-en-danger. Les entrées résultent exclusivement des contributions des sections cantonales romandes d’impressum. Le comité remercie tout particulièrement l’Association genevoise des journalistes qui a versé CHF 1000 francs. Le vérificateur des comptes Jérôme Cachin atteste par écrit, qu’il a constaté que les comptes étaient parfaitement tenus et que les pièces justificatives étaient régulièrement conservées, authentiques et pertinentes. Il recommande à l’assemblée générale d’approuver ces comptes. L’assemblée générale les approuve à l’unanimité.

Christian Campiche expose les raisons de la dissolution d’info-en-danger:

Un petit rappel historique pour commencer. En 2005, cinq journalistes romands lancent l’appel d’info-en-danger qui dénonce des dérives dans la presse du fait des violations de la Déclaration des devoirs et droits des journalistes au chapitre notamment des relations entre la publicité et le rédactionnel. L’appel, qui sera signé par plus de 600 journalistes en l’espace de quelques jours, demande aux éditeurs d’accorder plus de moyens aux rédactions afin d’assurer la qualité du contenu des médias.

En 2006 est créée l’association info-en-danger à qui les statuts assignent comme buts “la défense de l’éthique journalistique, de la liberté d’expression et de la dignité de la profession de journaliste, telles que définies dans la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes. Elle a plusieurs réalisations à son actif.

– Une charte stylisée de la Déclaration des devoirs et droits, distribuée dans les rédactions et les écoles de journalisme.

– “Le Produit”, pastiche de journal gratuit, numéro unique tiré à 12.000 exemplaires et distribué au Salon du Livre et de la presse de 2006.

– La plainte déposée devant le Conseil suisse de la presse contre des violations de l’article 10 de la Déclaration des devoirs et des droits. En 2007 au terme d’une procédure incluant de nombreuses auditions de spécialistes, le CSP a rendu un jugement qui donne raison à info-en-danger sur toute la ligne. Cette jurisprudence figure désormais parmi les acquis du CSP qui a passé le témoin à la Conférence des rédacteurs en chef.

 – Les premières Assises du journalisme tenues en Suisse, organisées par l’organisation professionnelle impressum, ont été inspirées par l’action d’info-en-danger. A noter que lors de leurs propres assises, les journalistes français ont évoqué cette action en termes élogieux.

– La création du site www.infoendanger.net/ch qui rassemble un florilège de malinfo. En 2008, ce site a offert l’asile aux messages des grévistes des journaux du groupe “L’Express” et “L’Impartial” et contribué au débat citoyen.

Au cours des dernières années, l’activité d’info-en-danger s’est considérablement ralentie au niveau des initiatives originales. Mais la flamme n’a jamais cessé d’être entretenue grâce au site www.infoendanger.net/ch. Le débat s’est aussi élargi, débordant le cadre de la profession, dans les journaux, à la radio, dans des débats au quatre coins de la Suisse romande, dans des écoles et des mémoires ou thèses. A sa manière, l’info-en-danger est devenue une marque dont la renommée, je l’ai dit, a atteint la France.

Dès lors, direz-vous, pourquoi demander la dissolution? Parce que tout a un temps. Et le temps c’est de l’argent. Le maintien de l’association ne se fait pas sans l’apport de fonds, certes modestes, qui servent à couvrir l’entretien du site www.infoendanger.net/ch. Info-en-danger ne survivrait pas sans les dons des sections romandes d’impressum ni le bénévolat de ses membres fondateurs qui tiennent l’association à bout de bras.

Lors de l’assemblée générale de l’année dernière, la question de la survie de l’association avait déjà été évoquée. Un sursis avait été accordé car le Comité n’a pas voulu donner un mauvais signal à la profession. Aujourd’hui, 6 ans après l’appel d’info-en-danger, nous pensons que le but initial, qui était de sensibiliser les journalistes et l’opinion publique aux problèmes de la presse écrite, a été – au moins partiellement – atteint. Je ne sais pas s’il s’agit d’une illusion d’optique, mais les journaux sont devenus plus attentifs ou plus prudents. Il y a moins d’entorses grossières à la déontologie au niveau de la confusion entre le rédactionnel et le publicitaire. Un confrère relativisait récemment le problème des liaisons dangereuses entre le rédactionnel et le commercial en faisant remarquer que la publicité appartenait bientôt au passé dans le modèle économique des  médias.

Cela dit le combat demeure d’actualité car il ne fait que se déplacer. Les atteintes à la qualité sont devenues beaucoup plus directes et méchantes. La censure, du moins l’autocensure, montrent le bout de leur nez. Les pressions sur les journalistes sont constantes. Elles s’effectuent par le biais de menaces de procès et des manipulations en tout genre. Le journaliste devient un instrument du pouvoir, un porte-parole des chefs de guerre. Dieu sait s’il y a donc du travail pour les observateurs des médias mais info-en-danger n’est pas formaté pour lutter sur ce terrain-là.

Par contre son esprit mérite de subsister, c’est pourquoi nous avons tenu à sauver le savoir-faire de six ans d’activité, concrétisé par notre site www.infoendanger.net/ch. Pour des raisons financières, nous ne pouvons plus maintenir l’adresse du site mais le contenu sera transféré sur www.lameduse.ch. La dissolution de l’association n’est donc pas la mort de l’idée d’info-en-danger. Elle n’est surtout pas la fin d’une solide amitié qui s’est nouée entre les membres fondateurs et, par-delà, entre ces mêmes membres fondateurs et de nombreux représentants de la communauté citoyenne qui partage ses préoccupations.

Marie-Christine Pasche (ouvrant le débat): Le travail de transmission aux stagiaires est en train de se rompre. Les gens veulent une info de qualité et sont prêts à payer pour cela.

Michel Beuret: info-en-danger a été un moment de la vie de la presse. On a porté le débat. L’association a été à l’origine des premières Assises du journalisme. Il est temps de passer à autre chose et de soutenir d’autres expériences. Je suis d’accord avec l’idée qu’il y a eu un transfert vers d’autres formes de dérive, la pub n’est plus seule en cause. Une chose est sûre, les opposants avaient tort en affirmant à l’époque que nous menions un combat d’arrière-garde. Ces détracteurs se sont trompés dans leur analyse. Quand on jette le bébé avec l’eau du bain, on voit le résultat. La lecture des gratuits est toxique, elle donne une fausse image de la société où l’on vit. Le journal papier, véhicule de débat, disparaît.

Michel Bührer: Le chemin parcouru est intéressant. Info-en-danger est né d’une discussion ici au Buffet de la Gare entre quelques journalistes, bien chauffés après avoir une journée où ils ont constaté une énième dérive dans leurs rédactions respectives. Au début nous étions 60 lors de nos réunions. Participaient des personnes bien connues comme Christophe Gallaz et Roger de Diesbach.

Daniel Wermus: Ayatollahs, dinosaures, sommes-nous des «ayatosaures»? Le discours sur la malinfo est inséparable du débat sur la logique marchande. La presse ne saurait être rattachée à des critères de rentabilité. L’info est un bien public. Les médias ne doivent pas être l’orchestre du Titanic.

Edgar Bloch: Depuis la création de l’association en 2005, nous avons vécu deux crises. Nous sommes beaucoup plus loin aujourd’hui. A des problèmes structurels se sont ajoutés des problèmes conjoncturels.

On passe au vote sur la dissolution. La dissolution est approuvée à l’unanimité.

D’autres objets sont soumis au vote et approuvés à l’unanimité:

–       Transfert du site infoendanger.net sur lameduse.ch

–       Mandat est donné à Christian Campiche de déposer les archives de l’association dans une bibliothèque municipale, probablement celle de Lausanne

–       Envoi d’un communiqué de presse annonçant la dissolution de l’association.

L’assemblée est close à 21h15

Lausanne, le 9 novembre 2011

CC

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