Dans une récente interview à «La Sexta», l’économiste Santiago Niño Becerra a expliqué qu’à ses yeux la démocratie espagnole ne pouvait se résumer au droit au vote et à l’élection du gouvernement par le peuple. «En réalité, en Espagne, on a promu une idée de démocratie synonyme de consommation. Quand chacun peut consommer selon ses désirs, on croit obtenir une vraie démocratie». Selon l’économiste espagnol, le modèle économique qui a produit la croissance s’est achevé à la fin des années ’80. Depuis, le crédit et la dette ont été les moyens qui ont permis de nourrir et d’accélérer la croissance. Une dette qui englobe celle des privés et qui en Espagne équivaut à 400% du PIB. «Entre 1996 et 2007, les salaires réels ont augmenté du 0.7% tandis que le niveau de vie s’est radicalement amélioré. Comment? À travers le crédit, avec la dette”.
L’accès généralisé aux hypothèques illustre le propos de Santiago Niño Becerra. D’un côté, cela a favorisé l’essor économique dans le secteur du bâtiment, devenu d’abord pilier de l’économie espagnole, puis bulle spéculative. De l’autre, le cadre de vie de la population s’est amélioré, mais au prix d’hypothèques sur 20-30 ans et de crédits à la consommation. L’État aussi, à travers la dette, a pu conduire un programme d’investissements et d’infrastructures qui a largement dépassé ses capacités financières.
A partir de 2007 et avec la crise, le système a commencé à s’effondrer. L’arrêt de la croissance dans le secteur du bâtiment à ouvert une brèche dans l’économie, produisant des hauts taux de chômage. L’économie à l’arrêt a pesé lourd sur le dos de citoyens à l’emploi fragile, mais endettés à long terme. Entre 2007 et 2011, 300’000 saisies de logements ont été effectuées. Malgré cela, une loi prévoit que les ex-propriétaires continuent de payer 50% de l’hypothèque, spirale sans fin.
Selon Santiago Niño Becerra le prochain gouvernement élu ne pourra pas apporter de solutions à cette crise profonde qu’il avait prévue dès le début de 2010 déjà. Il préconise plutôt un gouvernement de concertation nationale, formé de technocrates, comme en Italie avec le gouvernement de Mario Monti. Une drôle d’époque qui montre la défaite de la politique. Après les dictateurs qui ont pensé que seule la force militaire pouvait conduire un pays, l’idée selon laquelle seuls des technocrates peuvent résoudre la crise semble s’imposer. Il est vrai que la démocratie ne peut se réduire à la consommation. En revanche, par ces temps de crise, le vote reste la seule arme dont le citoyen dispose pour décider et pour se battre contre toute sorte de despotisme. Même celui des technocrates. Même le plus éclairé.
Merci à M. Jean-Marie pour la collaboration.
Plataforma de afectados por la hipoteca http://afectadosporlahipoteca.wordpress.com/
Interview Santiago Niño Becerra, TVE2, 16.6.2011 http://www.youtube.com/watch?v=Z47EaPRBfIg
Article paru dans “Un ristretto!“