Dans un précédent article, j’ai évoqué la péjoration du statut social de l’enseignant du pasteur et du curé ainsi que des responsables politiques élus. Mais l’école, les églises et les autorités publiques ne sont pas les seules à connaître des bouleversements et des remises en question.
Prenons le domaine de la santé. Autrefois prioritairement entre les mains des médecins de famille, le pouvoir sur la santé a passé dans un premier temps aux hôpitaux (avec leurs infrastructures coûteuses concentrées en ces lieux et le développement des spécialisations qui leur sont attachées). Mais ce pouvoir, il appartient aujourd’hui aux Caisses maladie qui imposent leur logique exclusivement économique aussi bien au corps médical qu’aux pouvoirs publics. Ici aussi, on le voit, une profession (les médecins) a perdu la maîtrise de son champ d’action.
Et l’armée suisse? Elle n’en finit pas de se réformer. Sans savoir où elle va. Hésitant sans le dire clairement entre son rôle de gardien du réduit alpin berceau d’une Suisse éternelle et celui de supplétif de l’OTAN. Les autorités fédérales peinent à définir un mandat clair et précis sur ses missions actuelles et surtout futures. On se dispute présentement à Berne sur le choix d’un nouvel avion de combat (pour combattre qui?). Et, cerise sur le gâteau, l’obligation de servir militairement est remise en question. Tout cela explique certainement le blues des colonels.
Contrairement à ce qu’on croit voir, la fonction bancaire n’est pas épargnée. Les petites banques se regroupent, sont absorbées par de plus grandes ou disparaissent tout simplement. Laissant sur le carreau quelques fidèles serviteurs parmi lesquels plusieurs directeurs régionaux. Car la banque de proximité, celle qui reçoit et fait fructifier votre argent, celle qui vous en prête pour réaliser un projet de construction ou développer une activité entrepreneuriale, ne s’intéresse plus beaucoup aux «petits comptes». L’activité bancaire qui tient le haut du pavé, c’est celle qui fait de l’argent avec de l’argent, celle qui spécule sur les matières premières, sur l’immobilier de luxe, sur les différentiels des taux de change. Toutes activités qui n’offrent pas beaucoup de perspectives de carrière aux banquiers du coin.
Les médias eux-mêmes sont pris dans la tourmente. Il y a bien sûr, comme première raison, les difficultés économiques qui ont déjà condamné beaucoup de titres, réduisant d’autant une nécessaire diversité de la presse. Sur un autre plan, l’information pertinente, le scoop n’est plus la chasse gardée des journalistes traditionnels. Le développement des technologies de l’information et de la communication a fait émerger des acteurs nouveaux sur le territoire des médias. Ce qui n’est pas sans conséquence sur le statut des professionnels de la presse. Et qui fragilise leur statut.
Ça bouge donc de partout. Ce bouleversement des statuts déstabilise la vie sociale et contraint les différentes institutions à ajuster les conditions-cadres dans lesquelles leurs agents doivent évoluer. En dehors de tout débat démocratique. Et le pire, c’est qu’on ne s’étonne même plus de constater qu’il n’y a pas de pilote dans l’avion!
L’actualité voudrait qu’on évoque ici les récents développements de la Question jurassienne, avec l’accord intervenu entre les cantons de Berne et du Jura au sujet d’un nouveau vote populaire. Or tout ou presque a été dit sur l’événement. Nous y reviendrons ultérieurement pour en analyser les conséquences et pour en évoquer les suites possibles.
Article paru dans «Courant d’Idées»