Tribune libre: «Le capital-risque, vous n’en trouvez pas»


A la faveur du 41e Salon international des inventions de Genève, il est intéressant de se poser la question récurrente à 15’000 francs: vaut-il la peine de participer à un Salon de l’innovation en Suisse? L’exemple de Gilbert Sonnay.

PAR NARCISSE NICLASS

Que peut apporter ou rapporter ce coup de spot? Est-il bénéfique de gagner une distinction?

Gilbert Sonnay travaille depuis 30 ans à l’amélioration de l’eau de boisson tirée du robinet. Sur le plateau et le Jura, l’eau est calcaire, voire très calcaire. En 2012, avec l’appui de l’IRO mentor club, il dépose un brevet, expose son appareil au 40e Salon des inventions et gagne une médaille d’or. Toutes les personnes impliquées dans le développement, la fabrication et la commercialisation sont dynamisées. Il faut franchir un nouveau palier pour la fabrication et l’or de la médaille n’est pas suffisant pour financer cette nouvelle étape.

Le succès au Salon ouvre des portes et des contacts. Des consultants proposent leurs bons offices. Des financiers étudient et échafaudent des plans. Des «business angels» organisent visites, présentations et séances. Notre inventeur investit plus de 150 heures en réunions sans compter les frais de repas et les déplacements.

Le chef d’entreprise, au niveau TPE artisanal, est bien seul. S’il va sur un chemin novateur, rien n’est fait pour l’accompagner. On vous parle partout de capital risque, de «sead capital», de guichet unique, de pépinières d’entreprises mais, sur le terrain, la réalité est bien différente. Il n’y en a que pour les nouvelles technologies et les projets qui dépassent le million.

Le capital-risque, vous n’en trouvez pas. Aucune banque n’entre en matière si vous n’avez pas des clients, 3 ans d’expériences, une activité bien rôdée. Quand aux administrations, pour elles, la création d’entreprise ça n’existe pas. Pourtant sur un marché classique, si la conjoncture est bonne, un artisan sérieux a de bonnes chances de voir ses affaires évoluer dans le bon sens. Il aura toujours plusieurs soupapes, les prix, les délais, la qualité, et n’a pas besoin d’être à 100% partout.

Tous les modèles officiels au service des créateurs d’entreprises sont souvent de l’argent mis à disposition de structures de l’Etat. A la fin, les rapports sont bienveillants. Au lieu de payer des fonctionnaires, il faudrait aider directement les porteurs de projets. Oser gagner et perdre pour faire de vraies découvertes.

L’état des lieux est classique: après une année de capitalisation du succès au Salon des inventions, le produit de Gilbert Sonnay cherche toujours 300’000 francs pour passer en phase d’industrialisation.

L’auteur est fondateur, en 1999, de l’IRO mentor club.

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4 commmentaires à “Tribune libre: «Le capital-risque, vous n’en trouvez pas»”

  1. Stéphane 13 avril 2013 at 00:51 #

    C’est sûr que des “promesses” (…), on en trouve à la pelle et lorsqu’il faut réaliser quelque chose, il n’y a plus personne.

    Je prendrai toujours pour exemple cette personne qui gravite dans le milieu des TPE et inventeurs de tous bords et qui se fait remettre matériel ou des prestations en échange d’hypothétiques “coups de mains” pour des collaborations futures de “grande ampleur” ou des services promotionnels à titre gracieux. C’est certain que lorsqu’un loup aux dents – mais que les dents – longues entre dans une bergerie, on transforme très vite le “réseautage” en “profitage”.

    “Ouais, mais tu vois, je peux te mettre en contact avec … ou si, ou ça … alors, on dit qu’on fait comme ça … ?” ;-)

    Si cela se faisait auprès de “grandes entités” en jouant au Robin des bois, on pourrait éventuellement tolérer le fait, à défaut de le cautionner. Mais lors que c’est prendre aux pauvres pour son propre profit, cela peut-être qualifié, au mieux, de pathétique…

    Pour qu’une idée passe d’une rive à l’autre, il faut supprimer le vent et ne pas voir le messager comme un pigeon.

    QUE DU BONHEUR !!!

  2. Falque 13 avril 2013 at 07:30 #

    J’accompagne des créateurs et développeurs de pme depuis 12 ans. Ceux qui réussissent à gagner leurs premiers clients et à les fidéliser, ont une vision claire de leur modèle d’affaires, un savoir-faire avéré, le sens du contact et un réseau professionnel déjà constitué, si petit soit-il. Ils savent écouter et déléguer les formalités techniques, administratives, sociales ou fiscales, en y consacrant le budget nécessaire. Ils ont une gestion rigoureuse de leur temps, avec un retour sans cesse à l’essentiel (leurs clients, leurs modèle d’affaire, leurs parties prenantes), en évitant de tomber dans la spirale de l’urgence permanente. Après la capacité à convaincre, le plus important pour réussir est peut-être la gestion de son temps, en éliminant ou délégant les tâches secondaires ou dans lesquelles on n’excelle pas.
    Une vision claire, un savoir-faire éprouvé, la recherche de l’excellence, le sens du contact, la capacité d’écoute, une gestion rigoureuse de son temps, le métier d’entrepreneur exige beaucoup de qualités, il est difficile et magnifique!
    L’obtention d’un financement viendra lorsqu’un financier sera convaincu que tous ces ingrédients sont réunis dans un dossier de présentation impeccable.
    Tous mes vœux de succès à Gilbert!

  3. Pierre Messerli 15 avril 2013 at 10:37 #

    Comme inventeur, je peux que souligner les expériences citées par Narcisse Niclass et Gylbert Sonnay.
    Lancer une invention, se sont trois étapes à franchir sans soutient.

    – Avoir l’idée et réaliser son prototype 10%

    – Procédure de marketing, faire connaître son produit, le vendre 10%

    – Les embûches 80%

    Mon message aujourd’hui, les tribulations sont multiples, si la fortune n’a pas augmenté pour la plupart, chacun s’est enrichit de plusieurs expériences. Ne baissant pas les bras et merci à tous les inventeurs de changer une petite partie du monde.

    Pierre

  4. Barillon 21 avril 2013 at 08:37 #

    A propos d’eau, là il s’agissait d’une méthode valaisanne de step naturelles. Cela date de plus de 12 ans, l’inventeur de ces steps naturelles, travaille pour un gros bureau d’ingeneering à Rarogne. Il a pu faire sa step dans un autre canton. Il est vrai que ces steps, naturelles, ne nécessitent pas l’intervention des grosses machines à construire que je ne nommerai pas. Ce que je veux dire, c’est que parfois, même si le projet est bien ficelé, il peut gêner il peut y avoir conflit de gros intérêts. Pour ce qui est de la spirale de l’urgence bien des inventeurs n’ont pas le choix, dépôt de brevets honéreux etc… et la peur de ne pouvoir continuer à payer la protection de l’invention est légitime. Il y en a même qui n’attendent que ça. Bon courage et pleine réussite. Les businessplans ne font pas tout les bonnes relations oui.

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