Les «influents» romands, un Parnasse de nombrils


A lire le bimensuel “Bilan”, on se dit que s’il est une région au monde où les gens peuvent s’affirmer prophètes dans leur pays, c’est bien la Suisse romande. On se dit aussi que dans cette heureuse contrée, le ridicule ne tue pas. Moins qu’ailleurs, en tout cas.

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Au classement des “300 Suisses les plus influents de Suisse en 2013”, les Romands se taillent la part du lion: trois personnages sur quatre qui modèlent la pensée helvétique viennent de la partie occidentale. Etant donné que le tableau ambitionne une couverture nationale, encore faut-il savoir si ces «gourous» sont reconnus comme tels outre-Sarine.

On n‘alignera pas ici les patronymes permettant de confondre les choix du magazine. L’exercice ne serait pas seulement rébarbatif mais aussi potentiellement peu flatteur pour les prétendus «influents», qu’ils soient gestionnaires de fortune, avocats, promoteurs immobiliers ou voyagistes, dans la mesure où la plupart se trouvent le plus souvent à la merci de cruels démentis venus du centre et de  l’est de la Suisse.

Rien n’empêche, par contre, de porter un regard dubitatif sur la méthode utilisée pour dessiner ce Parnasse de nombrils. On s’étonnera en premier lieu de la quasi-absence d’élus en provenance de la Suisse italienne, une région qui joue traditionnellement un rôle de pont entre les cultures.

On décèlera ensuite une ambiguïté dans le choix des acteurs médiatiques. Propriété de Tamedia, «Bilan» ne saurait être indifférent aux luttes de pouvoir qui s’exercent au sein du premier groupe de presse suisse. Et de fait, il serait vain de chercher les vedettes de l’époque où Edipresse régnait sans partage sur la presse romande. Disparus, les Lamunière, Pilet, Hoesli et autres Rothenbühler qui faisaient la pluie et le beau temps dans les pages people de la presse romande.

Maintenus, une poignée de responsables des journaux romands contrôlés par le groupe zurichois ont encore les honneurs de la citation mais ils sont à peine mieux lotis, contraints souvent de partager un  strapontin avec leur homologue du canton voisin. C’est le cas, par exemple, des rédacteurs en chef de la “Tribune de Genève” et de “24 Heures”. Réunis également dans la même case ou même communauté de destins, un couple improbable:  la directrice du “Temps”, accessoirement cheffe du marketing, et le rédacteur en chef du quotidien de “référence”.

Honneur en revanche à Pietro Supino, 48 ans. Le magnat zurichois est l’actionnaire principal de Tamedia qui a enregistré des résultats «décevants» et envisage un lourd programme d’économies. Devant la menace de nombreux licenciements, les rédactions sont sur le qui-vive. Mais cela n’empêche pas M. Supino de figurer en bonne place parmi les 300 personnes les plus influentes de Suisse, «une nouvelle classe d’entrepreneurs, de jeunes créatifs, hyperconnectés et inventifs qui façonnent le futur de l’économie», ainsi que les définit «Bilan». A coup sûr le profil de l’héritier de dynastie qu’est le patron de Tamedia.

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