La ville dont la gouvernance branle dans le manche


Detroit en faillite. “Et Lausanne?”, se demande un lecteur de “24 Heures” dans la page ad hoc du quotidien vaudois.

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Cet habitant de Coppet s’est livré à un petit calcul intéressant. La dette par habitant de Detroit s’élève à 25000 francs. La dette par habitant de Lausanne à 20.000 francs, soit 80% de celle de la métropole automobile américaine.

Faut-il en déduire que Lausanne doive mettre bientôt la clé sous la paillasson? “Il est urgent que Lausanne change son train de vie car les taux montent et les communes sont lasses de cautionner les excès du chef-lieu”, soupire plus modestement l’abonné.

Ce citoyen perplexe fait sans doute allusion à la mégalomanie d’une ville qui ne parvient pas à trouver son équilibre urbanistique, ballottée entre une démographie galopante à sa périphérie et les rêves de grandeur de notables dont certains se prennent pour le nombril du monde. Parmi ces ébauches de Babylone architecturale, il n’est que de citer le fameux projet “Métamorphose”, symbolisé par une rocade de stades de football et d’athlétisme, qui porte bien son nom depuis qu’il a été remanié à plusieurs reprises, pour ne pas dire qu’il risque de ne jamais voir le jour.

Le “pôle muséal” est une autre chimère susceptible de coûter la peau des fesses au contribuable. Ce projet prévoit de transférer trois institutions culturelles, dont le musée des beaux-arts, sur le site des anciens ateliers CFF, en bordure de voie ferrée. En cet été marqué par de tragiques accidents de train survenus dans des gares, on souhaite au duo de conseillers d’Etat dont la vision revient à implanter au coeur d’un espace ferroviaire le patrimoine artistique du canton de ne pas faire de cauchemars.

S’il avait vécu à Lausanne, Messire Ubu se serait trouvé à son aise. ll aurait pu composer avec des notables dévoués, qui plus est flattés dans le sens du poil par les médias. Le premier d’entre eux, un géant débonnaire, capitalise sur son passé de pionnier de la députation verte à Berne. On lui prête une calculette à la place du cerveau. Sur lui et son épouse, une élue au parlement local, on sait tout. De la couleur de la cravate au nom de l’acupuncteur qui traite Madame.

L’intelligence de M. Brélaz n’est pas suffisante toutefois pour sortir de l’ornière une cité qui conserve envers et contre tout le statut de capitale d’un canton à vocation agricole, même si le marketing d’une autre fabrique d’égos démesurés, l’EPFL, aimerait faire accroire que Vaud est un nouvel eldorado pour labos high tech. Grand argentier cantonal, M. Broulis a beau présenter des comptes «positifs», son département reste muet sur les avantages fiscaux consentis à certains gros contribuables. Il n’est donc pas possible de se faire une idée très fiable de la situation. Si ce n’est que la dette – 2,6 milliards de francs – de la plus grande ville du canton n’est pas de nature à rassurer le quidam.

Barrer un navire de cette taille n’est certes pas une sinécure mais si la gouvernance de Lausanne branle dans le manche c’est aussi parce que les municipaux roses verts qui entourent Brélaz n’ont pas l’homogénéité suffisante pour faire contre-poids au véritable patron de l’aréopage, le seul qui n’appartienne pas à leur chapelle politique, Olivier Français. Adjudication par ci et par là, le directeur très libéral des travaux publics, qui fait aussi le chemin de Berne en période de session fédérale, est de tous les bons coups immobiliers ou presque. A voir le nombre de grues qui cachent l’horizon, on se dit que ses pairs entrepreneurs ne manquent pas de boulot. Tant mieux pour eux et pour l’emploi dans la construction. Mais à quel prix pour l’âme de Lausanne et la sérénité du portefeuille de ses habitants?

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