Affaire Rocchi, réflexion sur une perquisition

Qu’un journaliste subisse la pression de la ligne éditoriale du journal qui l’embauche est quasi inévitable.

PAR SOEUR CLAIRE-MARIE JEANNOTAT

Mais cette ligne ne signifie pas, j’espère, que l’employeur formate la pensée de l’employée selon la rentabilité du journal, ce qui serait un comble.

Un journal informe la population sur les affaires qui la concerne: or la vie de la population mondiale nous concerne tous dans le sens de responsabilité pour le bien de tous, du particulier au général. Ne serait-ce que pour nourrir la prière, l’engagement, l’action en un tout organiquement liée!

Les outils de communication et les progrès d’accessibilité sans frontières sont une chance unique de prendre conscience des autres dans leurs réalités,  et nos réalités sont interdépendantes les unes des autres! La chance de pouvoir prendre conscience que notre avenir est ensemble et non «séparé»!!!

Le travail d’un journaliste est, je crois, d’informer et de former, comme l’a montré Jésus, le «journaliste» passionné de vérité jusqu’à affirmer «Ne les craignez donc point; car il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu.» (Mathieu 10 :26). Nous savons aussi qu’il est mort pour avoir dit la vérité comme le dit notre Guy Béart.

Ce 14 août 2013, j’ai cru être en Afrique du Sud en pleine censure d’apartheid et mon attention est fixée sur ce signe concret d’apartheid jusque chez nous! Aujourd’hui:

Réactions lues : la liberté de la Presse et la protection des données foulée aux pieds, intimidation des journalistes, opération commando, selon nos journaux romands… pour entendre au téléjournal: «c’était justifié» par un magistrat quelconque.

Je ne connais pas Ludovic Rocchi et ne lis pas beaucoup le «Matin», mais il s’agit de tous les journalistes et de tous les journaux et «médias», si l’on ose appeler le journal de la TV romande autre chose qu’un divertissement !

Mais Ludovic Rocchi est journaliste d’investigation au journal le «Matin», «populaire s’il en est, qui remplit aussi à sa manière une mission civique». Par Christian Campiche, La Méduse.

«A Neuchâtel, pour ne prendre qu’un exemple, cela fait des années qu’il met le doigt sur les dysfonctionnements qui minent la gouvernance de l’ancienne possession prussienne.»

Ludovic Rocchi: „Notre métier doit servir à vulgariser, expliquer et dénoncer des abus, au service d’une population large. C’est pour moi un choix de société!”

Est-ce que dire la vérité sur un plagiat «menace la sécurité de l’Étatcomme en Afrique du Sud sous le règne du trop fameux (BOSS) (1969), State Security Bureau, la censure «qui rend illégale la publication de tout ce qui touche à la sûreté de l’État.»? Nous en sommes témoins. Ou alors l’idéologie de l’Apartheid inspire-t-elle l’agir de notre force de police?

Mais à Neuchâtel il s’agit d’un plagiat, et alors? En Suisse un plagiat touche-t-il à la sécurité de l’État? Je ne sais pas.

En Allemagne voisine: la ministre de l’Education Annette Schavan, coupable de plagiat a démissionné avec l’accord d’Angela Merkel. C’est à son honneur selon moi. Pourquoi ne pas accepter les faits lorsqu’ils sont avérés ?

Revenons à la perquisition chez le journaliste du Matin:

Je me bats pour tout le monde, c’est une posture morale.”

Ludovic Rocchi fait partie des journalistes qui se battent pour une négociation unitaire de tous les métiers touchés par les économies voulues par le groupe Edipresse. 
Propos recueillis dans «Edito+Klartext».

Soutien après la perquisition? On voudrait bien l’espérer! 

C’est tout? Et les lecteurs et la population civile? On reste bouche cousue. Pourquoi? On attend que d’autres agissent à notre place.

Question: “que fait-on de la liberté de la presse dans ce pays qui reste néanmoins bucolique mais qui visiblement, applique dans ce cas, des moyens dignes de pays totalitaires?!”

Ce sera tout? Solidarité-fatigue? Indifférence mondialisée? (pape François).  Sans doute NON, mais ce qui est étonnant chez nous, au pays des festivals aux décibels délirants, c’est le peu de bruit que fait cette perquisition qui concerne non seulement les journalistes mais avant tout les lecteurs et leur droit à l’information.

Réalise-t-on que, prendre à la légère cette violation de la liberté de la Presse, ouvre la porte à la censure, non seulement éditoriale, mais policière. Nombreux sont les pays privés du droit à l’information. Un signe des temps?

Même l’Imprimatur ecclésiastique ne nécessite pas nécessairement des descentes policières chez les écrivains et journalistes.

Article paru dans Katutura.

 

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3 commmentaires à “Affaire Rocchi, réflexion sur une perquisition”

  1. jean bonnard 5 septembre 2013 at 20:07 #

    Journalistes et politiques rebiffez-vous!

    J’avoue être choqué par le manque de réactions des journalistes suite à la perquisition opérée au domicile de ce confrère (affaire Rocchi)
    J’espère que le parlement neuchâtelois fera un peu réfléchir journalistes, élus politiques, autorité judiciaire et le public sur la gravité de cette atteinte à la liberté de la presse.
    Nous nous sommes battus pendant des années avant d’obtenir le droit de refuser de répondre en justice quand un magistrat cherchait à nous faire dire qui nous avait donné une information.
    Un magistrat décide de perquisitionner au domicile d’un journaliste pour une affaire de plagiat et la profession reste muette!!!
    C’est une attitude suicidaire: ou va-t-on si on accepte que n’importe quel enquêteur foule aux pieds la liberté de la presse? Plus personne n’osera transmettre un document ou faire une confidence à un journaliste qui enquête si on accepte cette arrogance de la justice. La Suisse est démocratique et cela implique que chaque pouvoir respecte les lois qui régissent nos relations avec les pouvoirs politique ou judiciaire.
    Journalistes et élus politiques : Rebiffez-vous, c’est la démocratie qui est en jeu.

  2. Le Médusé 8 septembre 2013 at 09:04 #

    La solidarité n’est pas la vertu première des journalistes. Ces derniers sont souvent de grands individualistes, parfois mus par un ego démesuré. Ce qui n’empêche pas le conformisme. Un confrère ou une consoeur ruant dans les brancards est considéré avec méfiance. Vilain canard!
    Hervé Kemp a démissionné du Monde parce que la direction censurait ses articles sur l’aéroport des Landes. La société des rédacteurs n’a pas levé le petit doigt, au contraire, elle s’est rangée derrière la rédaction en chef.
    Beaucoup de journalistes ne bougent que lorsqu’ils sont touchés directement. A ce moment-là, c’est souvent trop tard pour eux. Dommage, ils ont perdu également l’occasion de manifester du courage et du panache.
    Voilà pourquoi il faut dire bravo à ceux qui se “mouillent”.

  3. linceul 3 décembre 2013 at 13:14 #

    La pression est insupportable dans le canton de Neuchâtel, que vous soyez grévistes, journalistes, squatteurs, le procureur envoie ses troupes pour imposer son omerta par la pression et le harcèlement. Que les journalistes créent un nouveau journal neuchâtelois indépendant, et tout ce système se dégonflera vite fait.

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