Les pendulaires du quotidien


Vivre en français et en allemand à la frontière des langues. 

PAR ROBERT CURTAT

Le match a commencé en 1848 lorsque le parlement helvétique a reconnu trois langues officielles. Près de deux siècles de Röstigraben plus tard on devrait être rassasiés! Mille détails nous disent le contraire même si quelques exemples positifs perdurent à la frontière des langues. Au-delà des cantons bilingues – Valais, Fribourg. Berne – on compte une poignée de communes bilingues. Nous en présentons deux en vue plongeante.

Evilard, l’effort essentiel est porté par l’école

Deux habitants qui se rencontrent parlent chacun sa langue, confiants qu’ils sont que l’interlocuteur comprend. Ou alors, parfaits bilingues, ils s’adaptent en répliquant dans la langue de celui qui s’adresse à eux. Voilà en quoi consiste notre bilinguisme vécu, commente un ancien d’Evilard.

Cette souplesse de l’échange est soutenue par une série de mesures pratiques. L’administration communale s’appuie sur des collaborateurs bilingues et si, pour les débats de l’assemblée municipale chacun s’exprime dans sa langue, le service de la traduction permet d’accéder aux textes formulés dans l’autre langue. Par ailleurs la vie sociale, avec une petite vingtaine de sociétés, participe aussi du bilinguisme. Reste que l’effort essentiel est porté par l’école. Dès le jardin d’enfant comme au long du parcours primaire les enseignants s’investissent pour favoriser cette pratique.

La source de cet engagement se situe, voilà vingt ans avec la mise en place d’une après-midi bilingue par semaine en deuxième année d’école enfantine. Bientôt l’exercice est développé dans les classes primaires. Aujourd’hui les élèves des six classes suisses alémaniques et des cinq romandes, se retrouvent dans des activités bilingues comme les journées sportives, les matinées de bricolage, les ateliers musicaux, etc… De création plus récente l’école à journée continue répond à des exigences particulières du bilinguisme comme à celles de la vie en société.

Enthousiaste mais lucide la communauté a évalué à plusieurs reprises les effets de cette politique. Très récemment, la présentation d’un projet d’immersion totale dans l’apprentissage de l’histoire a été contesté par des citoyens Ce qui n’enlève rien à l’engagement de tous en faveur de l’école, pivot du bilinguisme. Sollicitée récemment sur un crédit de deux millions pour l’agrandissement du centre scolaire l’assemblée municipale lui a accordé à l’unanimité 6,7 millions.

La singularité du bilinguisme tel qu’il est vécu ici aujourd’hui tient beaucoup au dynamisme des habitants, mais sans doute aussi à l’histoire. Au fil des siècles, Evilard a été dominé par un peuplement de francophones, alors que l’évêque de Bâle désignait Macolin, pour accueillir des menonnites (1) germanophones.

Le développement parallèle d’Evilard et de Macolin au cours des deux derniers siècles a été soutenu par la route construite en 1870, puis par les funiculaires desservant Evilard et Macolin dès le fin du XIXe siècle. Au printemps 1944 le Conseil fédéral choisissait Macolin et son Grand hôtel pour y installer le siège de l’école fédérale de gymnastique et de sport. L’EFSM (Ecole Fédérale de Sport de Macolin, aujourd’hui OFSPO, Office Fédéral des Sports). Une décision qui entraîna la construction de sept halles de sport, sept terrains gazonnés, deux piscines, cinq courts de tennis, etc., répartis sur 50 hectares où évoluent chaque année 15.000 participants.

Barberêche, la courtoisie linguistique

A l’exacte frontière des langues Barberêche offre un bon exemple de cette «courtoisie lingistique » qui favorise les échanges. Par égard pour sa minorité linguistique la commune officiellement francophone traduit de larges extraits du bulletin communal en allemand. Lors des assemblées communales chacun s’exprime dans sa langue. Au plan quotidien la correspondance est en français mais le personnel communal, bilingue, peut recevoir et échanger dans les deux langues.

La mesure du bon mélange de la communauté apparait à travers son école En 1748, à sa création, elle est allemande, puis bilingue de 1830 à 1860 avec un maître qui enseigne en allemand le matin et en français l’après-midi. Son successeur enseignant uniquement en français, l’allemand régresse jusqu’à ce que la part des habitants germanophones représente un petit tiers de la population, les deux autres tiers étant francophones. Cette proportion demeure aujourd’hui pour une communauté de près de six-cents habitants.

Aujourd’hui l’école accueille quarante élèves qui suivent une formation en français de l’école enfantine à la sixième année primaire. La dominante francophone n’empêche pas la mise en place de trois unités d’allemand réparties selon le cursus des élèves et des objectifs des plans d’études adaptés.

Communauté polymorphe et fribourgeoise Barberêche compte des sociétés locales, surtout chantantes: chœur d’hommes, fanfare paroissiale, chœur mixte, farandole, chanson du lac. Avec la musique comme passerelle au-dessus des langues.

(1) Une forme de protestantisme qui pratique le deuxième baptême à l’âge adulte.

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