Le problème, en saison de prix littéraires, c’est que ces distinctions d’envergure éclipsent la production littéraire ordinaire.
PAR PIERRE NICOLAS
A fortiori la production administrative, crénau culturel trop négligé. Témoin cette semaine un EMPL (1) vaudois qui crée une police des déchets. Un collier de perles.
Déjà cette idée. Une police des déchets. Beaucoup l’ont rêvée, Vaud est en train de le faire – après quelques cantons suisses allemands, tout de même, il faut des exemples à suivre, quand on est suiveur. Le ventre mou de la Suisse romande pourra tout de même revendiquer l’honneur d’avoir les premières polices des déchets parlant français. Enfin, on suppose que ce sera la langue de ces flics d’un nouveau genre, puisque selon la constitution cantonale c’est la langue officielle. Il est vrai qu’à lire l’EMPD on peut hésiter, si l’on n’est pas habitué au sabir administratif, un genre culturel à part entière. Cerise sur le gâteau, l’auteur de ce texte doit être suisse allemand puisqu’on y écrit Zürich, et pas Zurich… Au fait, à quoi servent les sept secrétaires généraux censés filtrer le texte avant le Gouvernement?
Ils ont peut-être été pris d’une crise de mimétisme puisque ce canton est choisi comme modèle en matière de police des déchets. On vous épargne le détail, tout ça est plutôt rasoir, l’essentiel est que cette mission policière, qui ne porte pas son nom, bien sûr, sera confiée aux communes, plus exactement à des «employés administratifs» spécialement formés et assermentés, des pros de la discipline, et qu’ils auront le droit d’infliger des amendes d’ordre. Ce dérapage de l’extension des amendes de la circulation, tâche réservée à la police, à d’autres domaines, est très tendance. La Confédération prépare une législation à cet effet. Mais les autorités vaudoises, pressées comme un lavement, sont de celles qui n’ont pas pu attendre. Quand Berne lève le doigt, Lausanne lève le bras…
Lausanne seulement, seule commune citée expressément par le message gouvernemental, pour avoir demandé cette prérogative de harceler le clampin. On y affirme que le problème est devenu sérieux, ce que l’on veut bien croire: il était inévitable, depuis le coup d’état de la taxe poubelle aux sacs (2), que les déchets sauvages prospèrent.
Ce problème porte un nom barbare comme il se doit, le littering. De même que l’on nomme judicieusement la «Journée nationale de nettoyage» Clean Up Day. S’agissant donc du littering on vous flanque des chiffres, à Lausanne, selon quoi les employés de la voirie passent 30000 heures annuelles à leurs tâches d’entretien, chiffre sans perspective qui ne veut rien dire, c’est peut-être pour ça qu’on le donne. Plus intéressant, le fait qu’il fallait 7000 heures de moins il y a dix ans. On voit bien que la taxe au sac a eu des effets désastreux, en dehors des salaires de nabab des responsables du secteur et de l’argent gaspillé en propagande.
Alors la coquette Lausanne, l’accorte paysanne de Gilles, qui pouvait se vanter de bons résultats lors des campagnes d’encouragement au tri volontaire des déchets, avant la taxe au sac, constate que rien ne va plus et bascule dans le répressif. Des amendes, des amendes, des amendes!
L’administration cantonale, ravie de l’aubaine, brandit le cas lausannois comme un trophée, et propose d’instituer sur ce prétexte une taxe que pourront prévoir à bien plaire n’importe laquelle des 300 et quelques communes du canton. Oui, plus de trois cents. Vous aviez peut-être oublié que Vaud a raté sa politique de fusion de communes. Dans ce tas, 40% ont moins de 500 habitants. Ce sera joli de contrôler les abus en matière de police des déchets. Le canton a tellement l’air d’y croire qu’il n’évoque, dans son message, aucun contrôle.
De combien, les amendes? Limitées à 300 fr, nous dit-on, sans fixer de minimum. Forcément. On est déjà au niveau des cacahuètes.
Un effort de ne pas dépasser toutes les bornes existe néanmoins puisqu’il est précisé que ces amendes ne pourront pas être infligées aux mineurs. Une bûche à 300 balles, ça risque d’égratigner l’argent de poche.
Encore un mot sur le littering. L’étude de référence vient de l’Office fédéral de l’environnement, qui mentionne aussi, responsables de la saleté de nos rues, les mégots de cigarettes. Les mégots, ça fait longtemps qu’on vit avec et la voirie résoud assez aisément la question depuis qu’elle est équipée d’aspirateurs. Tu fumes une clope – plus souvent qu’avant dehors, c’est vrai – et terminée, sagement, tu ne la jettes pas dans une poubelle vu le risque d’y mettre le feu. S’il n’y a pas de cendrier, et dehors il n’y en a guère, tu jettes ton mégot par terre en l’écrasant pour l’éteindre. En ajoutant les mégots au palmarès du littering, l’office fédéral a peut-être l’idée d’une future campagne d’éducation des fumeurs, avec spots publicitaires: terminée la cigarette, jettez-la sur le macadam pour l’éteindre avec le pied. Mais attention, après, ramassez le mégot et mettez-le dans votre boîte personnelle à mégots.
Ca, c’était notre chapitre Ayons une pensée pour nos frères humains les fumeurs.
(1) EMPL: Exposé des motifs et projet de loi sur les amendes d’ordre communales, envoyé récemment au Grand Conseil. Contrairement aux sacs poubelle, c’est gratuit.
(2) Coup d’Etat? Par référendum, le peuple vaudois avait sèchement refusé un projet de taxe aux sacs. Après quoi, à la suite d’un verdict au tribunal sur un cas particulier, le canton a réintroduit la taxe aux sacs. Mais sans consulter le peuple!
Je souris à la mésaventure arrivée aux autorités de la Chaux-de-Fonds avec l’affaire des aux sacs à détritus.
Voilà des ayatollah du propre en ordre qui en prennent plein la “tronche”.
Ce fut un plaisir certain que de voir le maire/président/syndic pleurnicher pour quelques milliers de francs en moins dans la caisse communale.
Quant à moi je ne plie point à tous ordres de tri en pagaille, nos autorités ne nous encore pas encore imposé cette obligation si bien accepté par le reste de la Suisse.