Tout et son contraire ont été dits à propos de l’abandon du taux plancher par la BNS.
PAR CHRISTIAN CAMPICHE
La décision réduit la valeur des biens importés, elle est une bonne nouvelle pour les consommateurs et les frontaliers. Par contre elle nuit à l’industrie d’exportation.
Nombre d’experts alimentent les projections anxiogènes, prédisant des jours sombres pour les salariés et les rentiers. Heureusement, il y a Davos! On peut compter sur le Forum économique pour ne pas sauver la planète financière, lui qui n’a jamais su anticiper les crises… Mais il remplit les hôtels, roucoule le directeur de Suisse Tourisme.
Un homme n’a en revanche pas ouvert la bouche depuis ce fameux 15 janvier 2015, et pour cause, c’est Philipp Hildebrand. Chassé en 2012, l’ancien président de la BNS n’est plus là pour encaisser les coups, pourtant c’est sous son règne qu’a été introduit un remède de cheval pour décourager la spéculation sur le franc. Pari à demi raté.
La mesure a offert un répit à la compétitivité helvétique, entretenant l’illusion d’une BNS toute puissante. Revers de la médaille: l’achat massif de devises n’a pas seulement augmenté le risque de créer de la monnaie de singe, il a fragilisé dangereusement l‘institut d’émission.
Trois jours avant la décision fatidique, la BNS maintenait encore qu’elle n’allait pas changer de cap. Le mensonge est révélateur du drame que vivent ses dirigeants. L’éclatement de la bulle redimensionne leur aura et, par contagion, celle des autres banquiers centraux. Il amène aussi à s’interroger sur la vocation véritable du franc.
La stabilité relative de l’économie suisse est-elle une raison objective suffisante permettant à la monnaie helvétique de mériter sa réputation de valeur refuge? A l’heure où le secret bancaire se meurt, on peut se poser la question.
Chronique parue dans GHI.
Bonne analyse, Christian. Mais la réalité, c’est que dans dans une Europe traumatisée par le chômage, la crise et, maintenant, le terrorisme, le franc suisse apparaît comme la seule monnaie de refuge, le Cervin des devises. Mais c’est la monnaie d’un petit pays prospère qui n’a pas les moyens de lutter contre la spéculation mondiale. Il y a quelques dizaines d’années, même la Banque d’Angleterre avait dû capituler.
Le « Cervin des devises », c’est bien dit!… La spéculation mondiale fait partie du jeu. En d’autres temps, les Suisses auraient été fiers d’être propulsés indirectement au sommet du monde car une monnaie forte permet de tout acheter… Le problème de la Suisse est qu’elle sent toujours plus fortement qu’elle pourrait perdre cette place au nirvana de la prospérité. Mérite-t-elle vraiment son statut de refuge? Ses banques sont attaquées, elles ont des procès à gauche et à droite, le secret bancaire est quasiment mort. L’abandon du plancher compromet encore plus sa situation privilégiée. Combien de temps la Suisse pourra-t-elle rester cet îlot convoité si le chômage augmente? Ceux qui ont regardé l’émission infrarouge à la RTS hier soir n’ont pas été rassurés. Il fallait voir la tête des représentants de l’industrie. L’un d’eux a quasiment demandé la tête du président de la BNS.
Mort du secret bancaire, abolition des statuts fiscaux spéciaux d’entreprise, autonomie monétaire en miettes. En quelques mois seulement la Suisse commence à comprendre qu’elle vit dans un régime de « liberté contrôlée » où ses avantages comparatifs fondent comme neige au soleil et sa marge de manoeuvre se réduit comme peau de chagrin. On peut dès lors se poser légitimement et rationnellement si la question si l’adhésion à l’UE ne mérite pas à nouveau de se poser. Le ministre de l’Economie helvétique ne fait pas une politique de relance (bien inutile d’ailleurs), mais se contente de prier très fort pour que le plan Draghi réussisse: « Seigneur faites que la pluie d’euros relance la consommation et l’investissement en Europe pour qu’on en profite aussi! Amèn(e) ». On en est là.
Même s’il est vrai aussi que le modèle de Bruxelles n’est pas très attirant pour l’heure A-t-on encore le choix..
Je n’y connais rien à ces histoires de monnaie. Mais quels que soient les remèdes proposés, il y a toujours le bordel (désolé, mais je ne trouve pas d’autre terme pour qualifier la réalité capitaliste) au bout. Tant que l’on est dans un régime d’argent spéculatif, où l’argent n’en reste pas à son rôle d’outil d’échange concret, on pourra inventer tout ce qu’on veut, ça sera toujours le bordel au bout.
Après, une utilisation « correcte » de l’argent ne saurait tout résoudre. Mais ce serait déjà un début.