Charles, le prince mal-aimé


Le sort du prince Charles ne vous a jamais passionné? Moi non plus. Mais il enflamme la Grande-Bretagne depuis des années.

PAR MARC SCHINDLER

La monarchie britannique peut nous sembler désuète: comment des millions de Britanniques acceptent-ils, au XXIe siècle, d’être des «sujets» de Sa Majesté? Vous n’y comprenez rien, «mangeurs de grenouilles»: 75% des Britanniques sont favorables à la monarchie.

Le prince Charles, héritier de la couronne d’Angleterre, a 66 ans, sa mère, Elisabeth II, en a 88, et elle a une santé de fer pour une dame de cet âge. Elle règne depuis 63 ans et elle n’aucune raison d’abdiquer. La vieille reine est immensément populaire, son fils pas du tout. 45% des Britanniques seulement jugent qu’il serait un bon roi. Le débat s’est enflammé avec un brûlot : «Charles: le coeur d’un roi», une biographie «non autorisée» du prince de Galles, que publie Catherine Mayer, journaliste au magazine américain “Time”. Elle ne fait pas dans la dentelle. La cour de Charles est comparée à un panier de crabes dignes de la cour d’Henri VIII au XVIe siècle. Tous les ragots y passent: Charles aurait rejeté Diana avant de la conduire à l’autel, elle n’était pas la jolie fille de la campagne qu’il espérait; il n’aurait jamais fini qu’un seul livre: Anna Karenine; déprimé après la mort de sa grand-mère, il allait au jardin pour parler aux morts ; il aurait demandé à son ami Jimmy Savile, la star de la TV convaincue de pédophilie, de relire un de ses discours. Charles serait entouré de flatteurs, qui ne lui disent que ce qu’il veut entendre:  «Ce facteur, combiné à son éternel manque d’assurance, explique que Charles ne croit pas toujours mériter les compliments qu’on lui fait, tandis que les critiques ont le pouvoir de le jeter dans le désespoir». Le prince Charles menace d’attaquer en justice le magazine. Evidemment, la presse britannique fait son miel de ces révélations croustillantes. Tensions au palais, Charles refuse d’être un roi muet“, titre le “Sunday Times”. Pour le “Times”, la reine redoute que le pays ne soit pas prêt à accepter Charles et son activisme“. C’est vrai que le prince de Galles est un militant de l’écologie, il est obsédé par le changement climatique, les OGM, le développement durable et les espèces menacées. Il a son franc-parler en matière d’architecture. En 1984 il a qualifié de «furoncle monstrueux» l’extension de la National Gallery. Il a aussi comparé l’action de Poutine en Ukraine à la politique d’Hitler. Ses infidélités à Diana sont légendaires. Et on ne lui pardonne pas d’avoir épousé en 2005 Camilla Parker Bowles, son amour de toujours.

Mais les médias britanniques lui reprochent surtout les «Black spider memos», une série de lettres envoyées entre 2004 et 2005 aux ministres et aux députés dans lesquelles l’héritier du trône donnait son avis sur l’éducation, la culture, le sport, l’agriculture, les modifications génétiques et le réchauffement climatique. Des lettres que le palais de Buckingham et le gouvernement refusent obstinément de rendre publiques. La justice tranchera, le mois prochain. Shocking! Traditionnellement, la monarchie n’intervient pas dans la politique britannique. Le souverain règne, mais ne gouverne pas. Le discours du trône, lu par la reine devant le Parlement, est écrit par le premier ministre. Mais Charles a une autre conception de son rôle: il revendique son droit de s’exprimer. Il affirme que son devoir est de «se soucier de la vie de chacun dans ce pays et d’essayer de trouver les moyens d’améliorer les choses». Royale modestie!

Comme on pouvait s’y attendre, dans “The Telegraph”, le biographe royal Hugo Vickers, vole au secours du prince sous le titre «Quelle sorte de roi sera le prince Charles?»: «De manière plus positive, le prince est largement perçu comme une âme moins torturée, plus heureux dans son corps, dans sa vie privée d’une manière qu’il avait toujours cherchée et vigoureusement engagé à faire de son mieux pour son pays». Alelluia !

Simon Jenkins, journaliste et écrivain, remet l’église au milieu du village. Dans le “Guardian”, il affirme : «Le prince est une célébrité héréditaire et son opinion n’est pas plus ou moins légitime que celle d’une pop star, d’un sportif ou d’ un écrivain… le prince n’a aucune influence sur les décisions politiques, en comparaison avec un journal «irresponsable» ou avec les lobbyistes qui terrorisent des provinces du gouvernement de coalition». Son jugement est sans appel: «Notre monarchie est sans pouvoir et le restera sous le roi Charles… le prince a le droit d’exprimer son opinion, mais il n’a aucun rôle, aucun poids politique et personne n’est obligé de l’écouter».

Charles, le prince mal aimé, est un personnage pas comme les autres. Il a l’âge auquel les Britanniques prennent leur retraite. Mais il n’exerce toujours pas le métier de roi pour lequel il a été préparé. Il est à la tête d’un empire d’organisations caritatives. Une activité qui n’a rien du simple passe-temps. «C’est un chef d’entreprise. Il gère personnellement le duché de Cornouailles, dans le sud-ouest de l’Angleterre: plus de 53.000 hectares de terres et un ensemble d’actifs évalué à plus de 900 millions d’euros. En tant qu’organisme public “royal”, ces biens sont exonérés d’impôt sur les plus-values et d’impôt sur les sociétés. En revanche, le prince paye des impôts sur les revenus de ses terres. Un statut fiscal favorable qui a récemment été remis en question par une commission parlementaire britannique.» Vous voyez que vous auriez tort de ne pas vous intéresser au prince Charles, le futur roi d’Angleterre!

 

 

 

 

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Un commentaire à “Charles, le prince mal-aimé”

  1. Roger2 6 février 2015 at 15:47 #

    En France, il aurait engagé Ségala et serait en tête des sondages…

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