Guerre des taxis, les contre-vérités et la mauvaise foi volent en rafales

Entre les chauffeurs de taxi français et leurs concurrents de UberPop, c’est la guerre du bitume.

PAR MARC SCHINDLER, Alès

On a passé en quelques semaines des insultes aux pneus crevés, puis au blocage, au harcèlement et au tabassage de client. Si les préfets laissent faire, la prochaine fois, on sortira les fusils. Dans cette nouvelle forme de guérilla urbaine, l’État marche sur des oeufs: les chauffeurs de taxi sont une redoutable corporation qui défend son statut becs et ongles face à ces nouveaux concurrents qui lui piquent des clients à coup de smartphones. Et face aux six syndicats de taxis, le bulldozer américain Uber fonce. Il vaut plus de 40 milliards de dollars en bourse, il est présent dans 51 pays et 253 villes dans le monde. Et partout, les taxis hurlent à la concurrence déloyale et au travail au noir. Dans de nombreuses villes, UberPop est interdit, sous la pression des taxis. En France, les taxis ont obtenu une loi qui limite la liberté des véhicules de transport avec chauffeurs (VTC). Grâce à un bataillon d’avocats, Uber attaque devant les tribunaux les maires qui osent interdire ses chauffeurs. Uber a même demandé l’avis du Conseil constitutionnel. Les sages ont répondu: il est interdit «d’informer un client à la fois de la localisation et de la disponibilité d’un véhicule lorsqu’il est situé sur la voie publique» et les VTC doivent retourner à leur base après chaque course. En clair: pas de maraude pour UberPop. Les juges refusent de sanctionner UberPop pour exercice illégal du taxi, mais ils l’ont condamné à 100 000 euros d’amende pour avoir présenté son service comme du co-voiturage.

Dans cette guerre des taxis, les contre-vérités et la mauvaise foi volent en rafales. Les partisans des VTC Uber entonnent le chant du départ: Uber, c’est une révolution pour mettre fin aux abus, le co-voiturage urbain à prix malin! Enfin des taxis à la portée de tous, grâce à une application sur son smartphone. En réalité, les chauffeurs de UberPop sont des auto-entrepreneurs propriétaires de leur voiture, qui touchent 20% de leurs courses. Les chauffeurs mal notés par les clients peuvent être licenciés sans préavis. Les taxis, eux, affirment qu’ils ont la loi pour eux. Ils ont un certificat de capacité professionnelle, ils conduisent une voiture avec une «autorisation de stationnement», une licence qui leur a coûté les yeux de la tête. La France est une terre de monopoles et de rentes de situation adoubées par l’État. «L’autorisation de stationnement» dont bénéficient les taxis en est une caricature: cette licence est délivrée gratuitement par les préfectures, mais comme leur nombre est limité, les taxis dépensent jusqu’à 200 000 euros pour la racheter!

Pour reprendre le joli titre du “Monde”, c’est «Saint-Uber et Saint-Fiacre». Assiste-t-on à une querelle des anciens et des modernes, à un nouvel épisode de la révolte des canuts lyonnais contre les métiers à tisser, à l’affrontement des partisans du progrès technologique contre les ringards du passé? En tous cas, les violences des taxis contre leurs concurrents n’améliorent pas l’image des taxis, l’une des professions les plus détestées des Français. Un lecteur du “Monde” n’y va pas par quatre chemins: «Il n’y a qu’une chose à souhaiter: la fin des taxis, et surtout des taxis parisiens. Voleurs, râleurs insupportables, souvent fachos, méprisant leurs clients, très peu nombreux et presque toujours occupés. Les taxis en France sont sans doute les plus chers au monde, et donnent une image pourrie de notre pays. L’Etat défend les taxis, ce qui est un comble. Uber est beaucoup trop gentil avec eux.»

En France, comme partout où Uber s’implante, les gouvernements sont assis entre deux chaises: la loi est du côté des taxis, on comprend qu’ils enragent quand on veut supprimer leur chère licence qui est leur caisse de retraite. Mais on ne peut pas interdire simplement à Uber d’offrir un service performant grâce à la technologie. Alors, partout, les autorités cherchent à rétablir «la paix des taxis avec une solution qui s’adapte à l’évolution technologique». En clair: «ni la flibuste, ni la préservation d’acquis corporatistes», selon la belle formule de Pierre Maudet, ministre genevois de la sécurité et de l’économie. Plus vite proclamé que réalisé! Concilier les intérêts des taxis et de Uber, c’est un peu comme l’association de la poule et du cochon pour préparer des oeufs au bacon. La poule fournit les oeufs et le cochon, le lard: «la poule est concernée mais le cochon est impliqué»!

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