Le protocole reste désespérément figé depuis quelques mois.
PAR CHRISTIAN CAMPICHE
Un personnage hilare, vêtu d’un costume bleu foncé, cravaté, jette un regard possessif sur un homme frêle et pâle qu’il tient par le bras. Portant un habit froissé, col de chemise ouvert, ce dernier a le sourire gêné. L’air de celui qui ne sait pas s’il doit remercier ou continuer à bouder. L’image suit l’annonce d’un accord, l’octroi de nouveaux milliards à un pays en faillite, la Grèce.
Le citoyen retient une chose: sans cet argent, la Grèce ne pourrait pas honorer ses engagements, ses banques resteraient paralysées, le peuple descendrait dans la rue réclamer du pain.
Sans cette «aide», allez savoir, une structure protégerait-elle encore les touristes des «boat-people» qui tentent de gagner les plages de la mer Egée à la nage? Le quidam se demande aussi pourquoi ce que l’on accorde à un pays, on le refuserait à d’autres dominos potentiels, le Portugal, par exemple. Où s’arrêtera la spirale infernale, vers quel trou noir nous entraînent les communautés nationales au bord de l’explosion sociale?
Il a raison de s’inquiéter, le citoyen. Mais il a tort de tout focaliser sur le porte-monnaie et ferait bien de s’interroger aussi sur les conséquences des concessions octroyées par le gouvernement grec. Elles sont tragiques car elles équivalent à remettre le pays pieds et mains liés au capital étranger. Aéroports, autoroutes, chemins de fer, eau, gaz, électricité: rien n’échappera à la rapacité des Midas d’outre-mer.
Les règles du libéralisme, commenterez-vous?
Peut-être ajouterez-vous même que le port du Pirée se porte mieux depuis qu’il est passé en mains chinoises? Manière de voir. Une autre est d’imaginer la reconstruction d’un pays à partir de son génie propre.
Chronique parue dans GHI du 19 août 2015.
Je ne croyais pas si bien dire, et si vite, puisque la nouvelle est tombée hier: le gouvernement grec a officialisé la cession de 14 aéroports régionaux au consortium allemand Fraport-Slentel pour 1,23 milliard d’euros. C’est relativement bon marché mais toujours mieux payé qu’en Espagne où Ciudad-Real, premier aéroport privé du pays ibère, a trouvé preneur en Chine au prix d’un paquet de clopes… Il est vrai qu’il n’était plus en activité après être tombé en faillite trois ans après sa construction.
Cet éditorial d’un analyste grec, répercuté par eurotopics:
Syriza a choisi de brader la Grèce
Le gouvernement grec sous l’égide du parti de gauche Syriza a approuvé la concession de 14 aéroports régionaux au consortium allemand Fraport. Lorsqu’il était dans l’opposition, Syriza s’était toujours opposé aux privatisations. Le blogueur Pitsirikos fustige le manque d’honnêteté des députés Syriza : “Après l’adoption du mémorandum par le premier gouvernement de gauche du pays et le déni total des résultats du référendum du 5 juillet, tout député Syriza honnête et digne n’a pas d’autre choix que de démissionner. L’excuse qui consiste à dire qu’il faut soutenir le gouvernement pour éviter sa chute n’est qu’une fumisterie. Ce gouvernement n’est ni de droite ni de gauche, c’est un gouvernement scélérat. …Ses membres doivent enfin dire ouvertement que la seule chose qui les intéresse, c’est leurs rétributions. … La liquidation du pays leur est totalement égale.”