Le transhumanisme ou l’obsession de la performance


L’homme a toujours voulu devenir Dieu.

PAR LILIANE HELD-KHAWAM

Le livre le plus ancien du monde relate l’histoire de la Tour de Babel. Il y a 5000 ans, des hommes voulaient déjà bâtir «une ville et une tour dont le sommet touche au ciel» pour se faire un nom.

Quelques millénaires plus tard, l’homme est toujours au même stade. Il est toujours en quête de renommée avec le désir d’aller toujours plus haut, plus loin et plus vite que son collègue. Performance. Perfection. Possession. Pouvoir. Puissance. Ces mots sont devenus le coeur du système d’une société qui tend à dénigrer l’humain, son imperfection et sa finitude. La vieillesse est une maladie, le chômeur un paria, la stagnation un échec, etc. Le dopage sous toutes ses formes s’impose comme la solution à un environnement qui mesure chaque activité et la jauge financièrement! On booste comme on peut et tout ce que l’on peut.

Comment dès lors s’étonner de l’usage abusif de drogues, de pesticides ou de puissants fertilisants? Les entreprises qui ne sont pas dans la course sont éliminées. Les collaborateurs qui «calent» sont remerciés. Les femmes qui cumulent leur vie professionnelle et la charge d’enfants en bas âge sont sur la sellette. Même les pasteurs et curés sont priés de tenir un agenda ou des cycles de conférence héroïques. Bref, le dopage est une réalité pure et dure de notre monde professionnel, médical, ecclésial… Pour dépasser la chimie, ses limites et sa toxicité, on passe au bricolage génétique du vivant. De TOUS les vivants! Agriculture, élevage, procréation, humain… Tout y passe.

Le génie génétique n’est rien d’autre qu’un dopage systématisé, définitif et durable. Il permet par exemple d’intensifier et de maximiser les performances de la production agricole (OGM). Le génie génétique permet aussi de choisir les gènes qui vont permettre de fabriquer un bébé hors normes. Nous sommes ainsi en plein eugénisme dès lors que la sélection et le tri sont appliqués à la procréation. Il existe une technologie qui soulage des patients. Mais n’est ce pas l’arbre qui cache la forêt dans laquelle se love l’eugénisme? Quant à la commercialisation de cet acte, les mots manquent pour le qualifier.

Pourtant le génie génétique ne semble pas donner satisfaction à nos gourous scientifiques. Qu’à cela ne tienne, les adeptes de Babel passent au très romantique  mariage de la robotique avec l’humain, appelé aussi transhumanisme. La création est censée «augmenter» le créateur, lui offrir entre autre santé, éternité et immortalité. On n’a aucune idée des conséquences de tous ces bricolages. On ne sait pas où on va mais on y va au nom du Progrès. Le législateur n’impose plus de limites au Progrès. Bien au contraire, des lois sont «votées» pour offrir toujours plus de libertés et limiter toujours plus l’éthique au nom de la Science. La technologie est même devenue un axe à part entière de la politique du 21ème siècle. Toute personne qui voudrait la limiter est taxée de conservatrice par opposition aux «progressistes». Au nom de la transparence, les gouvernants actuels votent toute sorte de lois pour autoriser la libre-circulation des données issues de ce monde opaque de la technologie et des technologies de l’information. La loi sur la protection des données personnelles et de la sphère privée est bradée pour offrir encore plus de place aux exploitants des banques de données privées (big data).

Cette technologie qui met à nu votre intimité et votre vie privée ne promet-elle pas  du même coup l’avènement d’un régime totalitaire voire autoritaire? Le fait est que ces technologies intrusives et omniprésentes sont plus performantes que n’importe quel service secret. Concernant le transhumanisme, il serait intéressant de savoir à quoi ou à qui sont connectés ces créatures d’un nouveau genre. La loi française récente qui reconnait le 3ème genre – neutre – leur est-elle destinée? Quels sont les Etats et/ou les firmes qui sont derrière ce travail? Compte tenu de l’absence de garde-fous, que peuvent-ils faire des individus qui leur ont livré leur vie? Peuvent-ils les manipuler à distance? Si oui, que devient le libre-arbitre? Allons-nous créer des maîtres qui disposent de la vie d’autrui?

Cette industrie est puissamment et généreusement  soutenue par les banques centrales et commerciales y compris avec des intérêts négatifs qui détruisent d’autant les retraites et épargnes. Pourquoi? Quel intérêt en tirent-elles? Quels desseins? L’élite qui gouverne semble tous les jours un peu plus mettre la Science au-dessus de l’humanité. Le syndrome de la Tour de Babel frappe la gouvernance qui n’a d’ailleurs pas hésité à reprendre son architecture à son compte.

Reste tout de même un espoir pour l’humanité. La récente fraude aux normes anti-pollution de Volkswagen a montré que ces adeptes de la performance illimitée bluffent. Ils ne sont pas forcément aussi avancés au niveau technologique qu’ils veulent bien le dire. Ils survalorisent leurs travaux pour des raisons égotiques évidentes mais aussi pour plaire aux marchés financiers atteints des mêmes travers. Ne sous-estimons donc pas la propagande autour de ces annonces… Quoi qu’il en soit, il serait judicieux d’évaluer les chances/risques de succès de pareils travaux. Actuellement, les impacts possibles du transhumanisme semblent peu maîtrisés. Il est donc temps d’élaborer scenarii et protections – notamment éthiques – pour éviter que quelques scientifiques ne jouent aux apprentis-sorciers avec l’ensemble de l’humanité.

Le blog de Liliane Held-Khawam.

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4 commmentaires à “Le transhumanisme ou l’obsession de la performance”

  1. Pierre-Henri heizmann 21 octobre 2015 at 10:28 #

    Le Veau d’or, toujours le Veau d’or… qui en quelques millénaires a subrepticement changé de nom…
    Mais de quoi parle-t-on ?
    Pour répondre à cette question, rapportons-nous à la source du savoir, Wikipédia, la nouvelle Bible de la connaissance…
    « Le processus d’intégration des marchés qui résulte de la libéralisation des échanges, de l’expansion de la concurrence et des retombées des technologies de l’information et de la communication à l’échelle planétaire : la Mondialisation.»
    Voilà tout simplement, le Veau d’or !

  2. Christian Campiche 21 octobre 2015 at 11:57 #

    L’homme affirme pouvoir reconstituer un mammouth à partir d’un ADN de fossile. A partir de là il peut exterminer sans scrupules tous les animaux de la terre, certain qu’il parviendra à recréer le zoo de Noé. Bannis par les assureurs, les méchants loups, serpents, requins et autres tigres n’ont plus beaucoup de temps à vivre. Et personne ne sauvera l’éléphant, convoité pour son ivoire.

    Ainsi en est-il aussi des vieilles pierres. La technique permet de rebâtir dans le désert du Nevada la cité bientôt engloutie de Venise. Les promoteurs immobiliers peuvent s’en donner à coeur joie dans les centres historiques. Disney est à l’affût.

    La victime ultime sera l’homme. Car l’homme, c’est bien connu, est un loup pour l’homme.

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    Anne Waelti 22 octobre 2015 at 15:01 #

    Mythe du surhomme, incapacité à accepter notre animalité ou illusion d’avoir le contrôle?

    J’avoue avoir de l’admiration pour notre capacité à inventer, créer. Longtemps j’ai cru que cette faculté allait être salvatrice.

    Malheureusement nous manquons tellement de sagesse que nous ne savons ni apprécier ce que nous sommes, ni la richesse extraordinaire qui nous entoure et nous habite.

    Pire nous ressortons ce vieux et vilain concept qu’est l’eugénisme sous prétexte de progrès.

    Sans notre vigilance les docteurs Moreau ont de beaux jours devant eux…

    Sans vigilance

  4. Pivoine 23 octobre 2015 at 10:03 #

    Huxley dans les années trente était visionnaire. Ce qui appartenait à la science-fiction est désormais réalité. Ces « progrès » nous sont proposés au nom de la liberté: que chacun puisse avoir ce qu’il désire au-delà des ses limites… Derrière cet angélisme on aborde bien rarement les intérêts financiers qui en sont le moteur. Faire de l’argent sur les envies et la détresse des autres c’est bien connu.
    La mission des fabricants de médicaments, de vaccins, de technologie de la santé serait plus crédible si ceux-ci n’étaient pas côtés en bourse.
    Cette jolie formule « Sciences de la vie » paraît de plus en plus mortifère. Nous entrons dans l’ère des zombies. Halloween sera bien fêté.

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