Les fous de Dieu


A la suite des tragiques évènements de ces derniers mois, tant à Paris qu’à Bruxelles, nombreuses sont les émissions télévisées sous forme de débats concernant la personnalité de ces individus devenus dangereux.

PAR ALBERT EBASQUE

Mais l’on peut être surpris de l’absence de psychiatres ou de psychanalystes pouvant éclairer notre lanterne sur le processus mental qui fait qu’un jeune homme au comportement apparemment normal soit capable de se supprimer au nom de la religion en causant d’importants dégâts collatéraux. La plupart du temps, quand on interroge les voisins ou les proches, ce ne sont qu’éloges et compliments: comment est-ce possible? Un jeune si gentil qui aidait les vieilles dames à traverser la rue… Jamais je n’aurais cru cela possible de sa part!… Voici donc le genre de choses que l’on entend après que ce brave garçon se soit fait exploser dans une foule compacte, causant mort et désolation autour de lui.

La question centrale est donc la suivante: ce changement de comportement relève-t-il de la psychiatrie – auquel cas il devrait être possible d’identifier des signes avant-coureurs car il y aurait des facteurs endogènes déclencheurs? Ou bien, autre possibilité sans doute compatible avec la première, quel type de discours peut convaincre une personne dite «normale» à verser dans la violence extrême, le nihilisme et finalement le suicide? La haine de la société ne suffit pas à elle seule à expliquer ce jusqu’auboutisme dévastateur et il faut donc aller plus loin dans la réflexion.

Un petit livre dense et passionnant aide à mieux comprendre ce processus. Il s´agit de «La psychanalyse à l’épreuve de l´islam» de Fethi Benslama (Collection Champs chez Flammarion). Je me permets de reproduire deux phrases de la quatrième de couverture qui résume assez bien le problème: «L´altérité féminine (y) apparaît comme la nervure centrale du refoulement propre à l’islam. Face à un dérèglement profond de la relation entre le réel et les formes symboliques que trahissent les extrémismes, l’analyse conduit alors vers des questions demeurées impensées telle l’affirmation coranique selon laquelle Dieu n’est pas le père». Car si Freud est l’inventeur de la psychanalyse et que la religion est au centre de sa réflexion, l’islam en est totalement absent. Il y a donc un champ infini de recherches dans ce domaine sensible du comportement humain.

Les musulmans ont leurs fous de Dieu comme les chrétiens ont eu les leurs pendant des siècles. L’intégrisme est le fruit d’une interprétation étroite et intolérante de textes considérés comme sacrés avec ce «tourment de l’origine» dont parle Fethi Benslama, lui-même psychanalyste. Une obsession de retour aux sources et de recherche de pureté, cette dernière étant érigée en élément central et fédérateur par rapport à une modernité fortement refoulée. Et, précisément, cette notion de refoulement est au cœur des travaux de Sigmund Freud, concernant à la fois la famille, la société et l’identité. La place et le rôle de la femme, par exemple, ont toujours posé problème dans les religions même si certaines ont évolué avec le temps. Mais la tradition est bien souvent plus forte que le droit.

Nous ne parviendrons pas à vaincre ces extrémistes avec des arguments fondés sur la raison. Pour comprendre cette mécanique infernale, sans doute faudrait-il pratiquer ce que j’appellerai de la «microchirurgie sociologique et psychiatrique» permettant d’aller au fond des choses afin d’identifier les signes avant-coureurs du basculement dans l’horreur. Enfin, ces fous de Dieu sont une petite minorité dénaturant leur religion. Il est donc essentiel de mieux connaître ceux qui, parce qu’ils ont raté leur vie, veulent comme ils disent «réussir leur mort».

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4 commmentaires à “Les fous de Dieu”

  1. Bernard Walter 4 avril 2016 at 00:32 #

    Les premiers à psychiatriser, c’est tous les va-t-en-guerre des USA: Lyndon Johnson, Georges Bush, Obama et ses drones, et leurs petits complices europèens, Tony Blair en tête.

  2. Christian Campiche 4 avril 2016 at 09:40 #

    Et on a encore rien vu avec Trump et “Killary”…

  3. Bernard Walter 4 avril 2016 at 13:27 #

    J’ai beaucoup de mal avec les jugements irréfléchis et unilatéraux sur les musulmans, arabes et fous de dieux, même s’il est précisé que ce n’est pas une majorité qui crée le désordre. Ce que la propagande occidentale ne veut pas dire, c’est que c’est la guerre, et que cette guerre au monde, il y a longtemps que les Occidentaux la mènent. Des centaines d’années. Il suffit de dire : « Colonialisme » « Esclavage ». Que de moutons pour croire aux discours trompeurs de la propagande manichéenne actuelle de nos gouvernements et médias ! 
    Ceux à qui on fait la guerre ont tellement peu de moyens, qu’il ne leur reste que cette forme de « terrorisme », et ça marche ! Un seul type qui se fait exploser est plus “efficace” (terrible de dire ça comme ça !) qu’un milliard d’US dollars en armes destructrices. Il sème la panique dans toute l’Europe.
    Mais Winkelried, notre super héros national, c’est ça, ce n’est que ça ! Il a donné sa vie pour la patrie.
    Nos Hollande et consorts ne viendront jamais à bout du problème par la guerre. Seule la coopération, le partage, la compréhension, les dédommagements, les négociations pourront apporter un changement. On en est loin.
    Et moi, si les Occidentaux avaient tué ma sœur, mon frère, mon père, mon pays, je pense bien que je pourrais donner ma vie pour exprimer ma douleur, mon indignation, ma colère, mon désespoir, ma résistance. Quant aux “victimes innocentes”, combien de millions (oui, millions !) de victimes innocentes au Vietnam, en Irak, en Afghanistan, en Lybie, dans toute l’Amérique latine, victimes des guerres et des terrorismes de l’Occident ! Avec à la clé, des prix Nobel de la paix aux Henry Kissinger et Obama, concepteurs et acteurs de telles guerres.

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    Lecerf 4 avril 2016 at 23:18 #

    Que je sache les Talibans qui persécutent les chrétiens au Pakistan, cela n´a rien à voir avec le colonialisme. De même pour Daech qui décapite des soldats syriens ou bien pour l´infériorité de la femme dans les sociétés musulmanes. Quand deux jeunes refusent de serrer la main de leur professeur qui est une femme, je dis qu´il y a un gros problème et que ce gros problème peut relever du refoulement psychanalitique.
    Pour le reste, on ne refait pas l´histoire et il n´est pas interdit de s´interroger sur ce qui se passe dans la tête de ces fous de Dieu.

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