Et Dieu dans tout ça?


«J’ai toujours dit que le Seigneur a un projet pour moi… et en suspendant ma campagne aujourd’hui, j’ai renouvelé ma conviction profonde que le Seigneur me montrera la voie et remplira le projet de ma vie».

PAR MARC SCHINDLER

Ce n’est pas un prêtre ou un pasteur qui parle. C’est un politicien, le gouverneur de l’Ohio, John Kasich, en annonçant qu’il se retire de la course à la Maison Blanche contre le favori républicain Donald Trump.

Vous imaginez ça en France, un homme politique candidat à l’Elysée qui jette l’éponge et qui proclame que Dieu lui montrera la voie! Aux Etats-Unis, ça ne choque personne, au contraire. La religion joue un rôle fondamental dans la politique américaine. Aucun candidat n’oserait se dire athée, aucun électeur ne voterait pour lui. Le sénateur républicain du Texas Ted Cruz, qui vient d’abandonner la campagne, est un chrétien évangéliste pur et dur. Son père, un pasteur de la Première Eglise baptiste, a raconté que toute sa famille a prié à genoux pendant deux heures, après le culte, pour connaître la décision divine. L’esprit saint est descendu et la pieuse famille a entendu: «Cherche le visage de Dieu, pas sa main». Et le sénateur a compris que Dieu lui donnait le feu vert pour devenir président des Etats-Unis.

Ted Cruz a utilisé sa foi pour conquérir la droite républicaine la plus réactionnaire, au nom des valeurs de son papa: les Etats-Unis sont «une nation chrétienne», les fondamentalistes doivent prendre le contrôle de la société, de l’éducation, du gouvernement et de l’économie. La théorie de l’évolution est «un complot diabolique monté par les marxistes», le mariage homosexuel est «la destruction de la famille», l’avortement doit être déclaré illégal. Obama est un «marxiste proche des musulmans», qui essaie de «prendre notre Dieu et notre fusil pour nous imposer une dictature». Ces idées ont convaincu les électeurs républicains de neuf élections primaires et de 566 délégués à la convention républicaine. Mais Dieu n’a pas permis à Ted Cruz d’arrêter le raz de marée Trump.

Selon le site Religion News Service, le milliardaire Donald Trump, qui sera probablement le candidat républicain à la course à la Maison Blanche, ne manque jamais d’assister au culte de l’Eglise presbytérienne, où il chante et donne généreusement, quand il est en campagne. Il proclame: «Je serai le plus grand président que Dieu ait jamais créé». Tous les chrétiens évangélistes ne sont pas convaincus par un candidat qui s’est marié plusieurs fois, qui a changé d’avis sur l’avortement, qui insulte les femmes et les Hispaniques, qui veut déporter onze millions d’immigrants clandestins, construire un mur entre les Etats-Unis et le Mexique et fermer les frontières aux musulmans. Ce qui lui a valu une ferme mise en garde du pape.

L’institut de recherche PEW a demandé, en janvier, à 2000 électeurs quels candidats étaient les plus religieux? Le premier est l’éphémère candidat républicain noir Ben Carson: très religieux pour 35%; le sénateur républicain Ted Cruz: 25%; Hillary Clinton: 10% ; le sénateur démocrate Bernie Sanders 5%, comme Donald Trump. Cela n’empêche pas Trump d’écraser tous ses concurrents. Selon le “New York Times”, la montée en puissance de Donald Trump révèle que l’Amérique est peut-être en train de changer et de perdre son esprit religieux. Les Américains restent exceptionnellement religieux comparés aux Européens. Mais ce sentiment s’érode depuis les années 80: «en 1987, un Américain sur quatorze n’avait aucune préférence religieuse. En 2012, cette proportion avait augmenté à un pour vingt».

Les Etats-Unis sont probablement en train de vivre une évolution semblable à celles des pays européens. Les nombreuses églises protestantes et catholiques ont toujours été conservatrices. Elles n’acceptent pas le sexe avant le mariage, l’avortement et l’homosexualité. Les jeunes et les électeurs de gauche se sont détournés de la religion. Mais les clivages politiques se confirment: «en 2012, 36% des «libéraux» (de gauche) préféraient pas de religion, comparés aux 7% de conservateurs».

Donald Trump, avec son populisme exacerbé, son nationalisme et ses outrances verbales, a réussi à convaincre les ouvriers blancs déclassés par la mondialisation, mais aussi une partie de la droite religieuse, notamment dans le Bible Belt, le Sud profond, miné par la pauvreté, un système de santé médiocre, la corruption politique et le désarroi social. Des communautés où la pratique religieuse a diminué, parce que les Eglises sont moins prêtes à affronter des problèmes sociaux comme l’avortement ou les droits des homosexuels.

Il y aura peut-être moins de place pour la religion dans la politique américaine après l’élection présidentielle. Les candidats savent qu’ils ne peuvent pas vaincre sans Dieu. Mais Dieu ne suffira plus!

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2 commmentaires à “Et Dieu dans tout ça?”

  1. Bernard Walter 7 mai 2016 at 16:38 #

    J’aime bien la conclusion (dernier paragraphe). Et cela va bien dans le sens de ce que l’on peut observer depuis quelque temps: un monde en mutation, un monde qui vacille sur ses bases, et dont on ne peut dire vraiment où il va.

  2. Arnaud Némoz 8 mai 2016 at 11:29 #

    Dieu n’existe pas en tant qu’être unique au Japon, au Tibet (qui est bouddhiste). Si Dieu existe, et je crois qu’il existe malgré tout, il n’est pas nécessairement du côté de tout le monde.

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