Les coups d’encre de Sam – Bzzzz bzzz, la ruche RBI ou les principes d’un nouveau système


Un miel que la Suisse s’apprête à déguster du bout des lèvres.

PAR SAMUEL WAELTI

A quelques jours de la votation sur le principe du revenu de base inconditionnel, les sondages propulsent le non à hauteur de 72%. Et pourtant, si cela résonne comme une victoire aux oreilles des opposants, la réalité est différente. Génération RBI ( quelques 200 militants chargés d’essaimer avec pour mascotte l’abeille) souffle un nouvel air sur la Suisse.

Et la partition ne vient pas d’être écrite. En 2001 déjà, douze personnes se regroupaient pour fonder l’association B.I.E.N-CH ( Basic Income Earth Network ) qui, je cite: “s’engage pour une nouvelle approche de la politique sociale“.

De toute évidence du chemin a été parcouru, l’avancée de la colonie augmente de jours en jours, plusieurs milliers de personnes suivent l’évolution de près ou sur les réseaux sociaux. Les abeilles s’agitent à l’arrivée des votations ce 5 juin, il ne reste plus qu’à savoir si les Suisses sont prêts à déguster le miel qu’on leur offre.

A moins de vivre sur mars, le RBI, tout le monde en a entendu parler. Il consisterait
à verser à n’importe quel citoyen résidant en Suisse la modeste somme (chiffre encore à discuter) de 2500 francs, prévenant et minimisant le plus possible la pauvreté dans notre pays. Toutes les subventions et l’aide sociale tomberaient et seraient remplacées par la somme en question (rentes AVS et AI, les allocations familiales, les bourses d’études, l’aide sociale), à l’exception des prestations complémentaires (PC).

Une hérésie pour les opposants qui brandissent, à coup de “gouffre financier”, “ fin de la cohésion sociale”, “menace pour l’économie”, la stratégie éculée du: “avez-vous peur dans le noir?” Dans “Le Temps”, l’ancien député vaudois Jacques-André Haury va jusqu’à déclarer: «le RBI est une idée dangereuse, et les idéologues ou experts autoproclamés qui s’autorisent à le défendre sont des individus nuisibles». Ces messieurs nous offrent une campagne au ras des pâquerettes, à se demander si leur porte-monnaie n’a pas remplacé leur cerveau car,  petite piqûre de rappel, nous votons uniquement pour l’inscription du principe du RBI dans la constitution. D’ici à ce que les modalités en soient fixées, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts.

A plus ou moins long terme nous courons à la catastrophe. Et ce n’est pas l’avis d’un expert autoproclamé, loin s’en faut. mais une simple question de bon sens. Selon Thomas Flatt président de swissICT, entrepreneur, expert-conseil et membre de conseils d’administration: «ces prochaines années, cinq millions d’emplois disparaîtront dans les pays industrialisés. Ces estimations sont en dessous de la réalité. Selon d’autres études, ce sont 50% des emplois qui passeront à la trappe au cours des prochaines 10 à 20 années.»

Je ne peux que peser mes mots, les valeurs sur lesquelles la Suisse s’assoit s’effondrent pas à pas, la robotisation fleurit et le taux de chômage croît doucement. Le doux poison de la mondialisation agit silencieusement et, qu’on le veuille ou non, un remède s’impose. Le citoyen s’essouffle à payer ses factures et malgré d’ultimes efforts, les machines le devancent et pillent son gagne pain. Ne serait-il pas grand temps de se consacrer à un nouveau sens, un peu de créativité. Cela, au moins, «R2d2» ne pourra pas nous l’enlever!

Mais la bave du vieux Marcel ne saurait atteindre la vertueuse abeille. Anne-Béatrice Duparc, membre du comité de l’association Bien-ch et initiatrice du projet en Suisse romande, voit le RBI comme un réel progrès. Pour la jeune femme, il est bien plus qu’une loi inscrite dans la constitution: «c’est une liberté de se réaliser, une possibilité de se développer en tant que personne mais surtout une solution, offrir aux gens de nouveaux horizons et la perspective de pouvoir faire ce pourquoi ils sont faits.»

Tentant ce miel, j’y goûte mais une crainte me taraude: comment ne pas être une abeille sans piquer? Le RBI c’est bien joli, mais le communisme selon «Karl Marx» l’était aussi. Les politiques, je n’ai pas confiance, ne vont-ils pas se l’approprier et en faire n’importe quoi? Quand je vois que Manuel Valls souhaite avancer le débat pour les élections 2017 en France, je tremble. Anne-Béatrice Duparc rétorque: «Effectivement, une crainte vient régulièrement à mes oreilles, une peur que le RBI n’entraîne le démantèlement social puisqu’il ‘remplace’ les assurances sociales et qu’au final la somme versée n’aboutisse à des pertes, mais n’oublions pas que le RBI est un droit, et que nous sommes en démocratie, en vraie démocratie. Si les politiques font ‘joujou’ nous pouvons toujours faire un référendum sur la votation.»

A ce propos, elle nous éclaire sur l’après votation: «peu importe le résultat, le RBI prend place dans les esprits, les votations ne sont qu’une étape, des initiatives croissent de jours en jours, à Lausanne plusieurs projets vont être lancés. Malgré les réticences, je ne peux qu’encourager les gens à aller voter, notre système actuel est déjà rempli d’inconnues, peut être même plus que le «RBI»! Dans tout les cas le monde actuel ne tournera pas encore longtemps à ce rythme, il est temps de s’unir et de trouver une solution!»

La jeune pionnière l’affirme, le mouvement est bien vivant, malgré les réticences, les engagés ne sont pas prêts de lâcher prise. Depuis 15 ans, les abeilles butinent sans relâche, on ne peut que leur tirer notre chapeau, avec un budget des plus minimes, elles bourdonnent dans le monde entier.

Une étape a clairement été franchie et ce miel j’y goûte car ces votations ne sont qu’un commencement. Le RBI n’est pas seulement une simple loi, c’est l’état d’esprit d’une nouvelle génération, “Les Lumières” de notre siècle qui sait. Que nos politiciens ne s’y trompent pas, les trente glorieuses et tout ce qui vient avec sont loin derrière nous. L’heure de l’intelligence collective et de la créativité a sonné.

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2 commmentaires à “Les coups d’encre de Sam – Bzzzz bzzz, la ruche RBI ou les principes d’un nouveau système”

  1. Catherine Gaillard-Sarron 4 juin 2016 at 14:41 #

    L’idée du RBI n’est, et de loin, pas nouvelle, Jeremy Rifkin l’a déjà brillamment développée dans son livre La fin du travail (1995), traduit en français et préfacé par Michel en Roccard en 1996.
    Source Wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeremy_Rifkin) :
    « Le travail est envisagé par Rifkin comme valeur et source de cohésion sociale et de développement personnel, et pourrait le rester à condition qu’il évolue et que la société évolue à son égard. Son livre End of Work : The Decline of the Global Labor Force and the Dawn of the Post-Market Era (la Fin du travail : le Déclin de la force globale de travail dans le monde et l’aube de l’ère post-marché), paru en 1995 à New York, a connu un grand succès aux États-Unis avant de rencontrer le même succès en Europe avec sa traduction l’année suivante, préfacée dans son édition française par Michel Rocard. Ce livre a contribué à façonner les débats des années 1990 et 2000 concernant les impacts de la technologie sur l’emploi et l’entreprise dans un monde où la croissance tend à devenir de type croissance sans emploi (jobless growth). Une partie des prédictions de Jeremy Rifkin ne se sont pas réalisées à court terme, les années 1998-2001 s’étant caractérisées par une reprise très forte de l’emploi en France et dans le monde.
    Rifkin estime qu’est terminé le processus de disparition des agriculteurs puis des cols bleus aux dépens du secteur des services (banques, téléphonie, assurance) et de l’industrie (déversement) : l’ensemble de la classe moyenne (middle class) américaine est fragilisé (stress et surtravail d’un côté, bas salaires et chômage de l’autre). Cela se fait aussi via des réorganisations (reengineering) consistant à raccourcir la chaîne hiérarchique, et par des logiciels et systèmes informatiques remplaçant les Humains. Ainsi s’achève selon lui l’ère industrielle fondée sur le travail de masse, au profit d’une transition vers un « troisième âge » : celui de l’information partagée, d’une révolution scientifique et technique et d’une énergie décentralisée. Dans le contexte du marché, les supposées loi sur des débouchés de Sauvy, ou lois de déversement ou percolation, ne fonctionnent plus suffisamment pour remplacer les emplois détruits par de nouveaux emplois dans de nouveaux secteurs générés par le progrès technique (qui tend au contraire à remplacer l’Homme pour nombre de ses tâches anciennes). Dans le scénario rifkinien, le travail ne disparaît pourtant pas : la tendance actuelle est une évolution pour une part vers des emplois très qualifiés et bien rémunérés (moins de 20 % de la population, dont dans le « secteur de l’économie de la connaissance »), et pour une autre part vers des emplois peu qualifiés et peu payés. Mais entre les deux, les emplois qui faisaient vivre la classe moyenne disparaissent. Pour ne pas faire éclater l’ordre social fondé sur le travail ni aggraver les inégalités et la violence, Rifkin estime qu’il faut dans un nouveau contrat social partager le travail existant (semaine de 30 h de travail) et compenser les emplois perdus (que le secteur marchand ne suffit plus à fournir) en développant un « tiers-secteur » non-marchand susceptible d’occuper les demandeurs d’emplois alors que le secteur public tend à s’alléger pour ne pas handicaper la compétitivité des économies. Ce tiers-secteur serait le secteur de l’économie sociale et solidaire (associations, ONG sur le modèle de l’« économie sociale » à la française selon Dominique Méda). En tout état de cause, le progrès technique et la mondialisation ne permettront pas selon lui d’assurer le plein emploi ; Rifkin suggère donc l’instauration d’un revenu de base.

    Sur le même sujet « L’horreur économique » de Viviane Forrester, 1997.
    Lire également de Jeremy Rifkin : Le siècle biotech, 1999, et L’âge de l’accès, 2002. Édifiant !

  2. Avatar photo
    Samuel Waelti 13 juillet 2016 at 12:42 #

    Bonjour Mme Catherine Gaillard-Sarron,

    Pour commencer, je vous prie d’excuser ma réponse tardive et vous remercie infiniment de vos précisions des plus enrichissantes.
    De plus, j’ai été satifsait car je n’ai pas approfondi mes recherches jusqu’au personnage mentionné.

    Agréable découverte, Cordialement Samuel

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