Stephen Bannon, ce nom ne vous dit rien ?
PAR MARC SCHINDLER
Pourtant, il est devenu l’un des hommes les plus puissants à Washington. C’est lui qui a dirigé la campagne qui a envoyé Donald Trump à la Maison-Blanche. Le président élu vient de lui confier la mission de stratège en chef. Bannon aurait pu devenir Chief of staff, c’est à-dire le bras droit du président. Mais Trump lui a préféré Reince Priebus, le chef du comité national républicain, qui aura la rude tâche de réconcilier le président élu avec les caciques de son parti.
Stephen Bannon est un personnage redoutable et sulfureux. Cet ancien banquier chez Goldman Sachs parle le même langage que Trump. Comme lui, il déteste l’establishment: les démocrates, les Clinton, les Bush et les journalistes. Le magazine Bloomberg Politics, qui appartient au milliardaire Michael Bloomberg, l’ancien maire de New York, l’a décrit comme «le plus dangereux opérateur politique en Amérique». C’est Bannon qui a fait tomber John Boehner, le speaker républicain de la Chambre des Représentants. Lui aussi qui a mis fin aux espoirs de Jeff Bush. Lui enfin qui a eu la peau d’Hillary Clinton en montant contre elle «une vaste conspiration d’extrême-droite». Pendant la campagne électorale, probablement la plus «sale» dans l’histoire des États-Unis, c’est Bannon qui aurait soufflé à l’oreille de Donald Trump ses attaques contre Hillary Clinton («corrompue», «folle», «infidèle»), contre les musulmans («des animaux », «des terroristes») et contre les Mexicains («drogués», «criminels», «violeurs»). C’est certainement lui aussi qui a suggéré à Trump ses remarques sexistes contre les femmes. Pour déstabiliser Hillary Clinton, lors du dernier débat avant les élections, Bannon a même fait inviter trois femmes qui affirmaient avoir eu des relations sexuelles avec Bill Clinton.
Dans toutes les campagnes électorales aux États-Unis, les candidats ont recours à des officines qui lancent des «boules puantes», c’est-à-dire des révélations sensationnelles pour détruire leurs adversaires. A ce jeu-là, Stephen Bannon est passé maître. Avant de diriger la campagne de Donald Trump, il a été le patron du site Internet Breitbart News, qui diffuse des messages racistes et des théories conspirationnistes: Obama «n’est pas né aux Etats-Unis», il a «importé des musulmans haineux», «le planning familial travaille pour l’holocauste». Ce pilonnage idéologique a été le fer de lance des activistes d’extrême droite qui ont soutenu la candidature de Donald Trump, ceux que les Américains appellent «Alt-Right», un groupe de suprémacistes blancs, antisémites et racistes.
Ce qui rend Stephen Bannon redoutable, selon Bloomberg Politics, c’est qu’il a mis au point une méthode pour influencer la politique, en mariant les attaques classiques dans les médias avec une approche sophistiquée basée sur une recherche des faits contre ses ennemis politiques. Il a financé une enquête rigoureuse et dévastatrice publiée sous le titre: « Clinton Cash: l’histoire secrète, comment et pourquoi des gouvernements étrangers et le business ont aidé Bill et Hillary à devenir riches». Bannon a compris que «ce sont les faits et non les rumeurs qui trouvent un écho auprès des meilleurs journalistes d’investigation». Il a donc fourni aux médias influents, comme Newsweek, ABC News ou la célèbre émission de CBS «60 Minutes» des scoops sur la «corruption» des Clinton. Le respectable “New York Times” a même publié en «une» les informations tirées du livre «Clinton Cash». Bannon a utilisé le “Times” comme un corps dans lequel il a inoculé un virus. Bannon jubile: «Nous avons les quinze meilleurs journalistes d’investigation des quinze meilleurs journaux du pays qui pourchassent Hillary Clinton». Avec un parfait cynisme, il a compris que la plupart des lecteurs ne sont pas intéressés par des faits, mais par leur dramatisation, une histoire croustillante avec des héros et des vilains. Son site Internet Breitbart News, qui, est regardé par 21 millions d’Américains chaque mois, a mis en scène les immigrants mexicains, Daesh et les émeutes raciales, présentés comme «l’effondrement des valeurs traditionnelles».
Stephen Bannon à la Maison Blanche, c’est un symbole de l’Amérique raciste au cœur du pouvoir. Les leaders démocrates ont tous condamné cette nomination et les médias qui ont soutenu Hillary Clinton s’inquiètent pour la liberté de la presse. Ils craignent que le site Internet Breitbart News ne devienne une annexe de la Maison Blanche et le bras armé de la communication de Donald Trump. Les journalistes français ont aussi des raisons de s’inquiéter: Breitbart News vient d’annoncer qu’il va ouvrir un bureau à Paris «où la droite populaire est en hausse». Et Marion Maréchal Le Pen a affirmé: «Je réponds oui à l’invitation de Stephen Bannon, directeur de la campagne Trump, à travailler ensemble». Le tsunami Trump n’a pas fini de déferler!
C’est assez formidable de relever l’énergie déployée par certain, alors que la messe est dite pour :
1) Nous faire croire qu’il faut regretter Hilary Clinton, car si elle, elle avait été élu, ça ne se serait pas passé comme ça…
2) Nous faire même devenir conspirationnistes.
Amusant non ?!?