Ma concierge présidente!


A voir la liste des onze candidats à l’élection présidentielle française, je me dis que n’importe qui peut se présenter à cette course au poste suprême.

PAR ALBERT EBASQUE

Et ma concierge n’est pas n’importe qui. C’est la raison pour laquelle je pense qu’elle a toutes ses chances. La preuve? Elle a un avis sur tout: la hausse des impôts, le climat qui se détraque, les poubelles mal triées, les crottes de chiens sur les trottoirs, les voitures mal garées, les jeunes qui font du bruit, la médiocrité des programmes télévisés, l’augmentation des prix des fruits et légumes, l’exode rural, les retards des trains, j’en passe et des meilleurs. Alors bien sûr, il y a des domaines qu’elle maîtrise moins bien comme par exemple les avantages comparatifs de la Politique Agricole Commune ou bien le rôle de la Banque Centrale Européenne par rapport au différentiel de taux d’intérêts entre la France et l´Allemagne… Mais elle n’est pas la seule à avoir ces quelques lacunes si j’en crois les programmes de certains candidats, programmes dont ces thèmes sont totalement absents.

Certes, me direz-vous, mais en dehors de vous et des gens de votre immeuble qui connaît cette honorable travailleuse de l’ombre? Personne, je le concède. Mais je vous ferai poliment remarquer que c’est aussi le cas de la majorité des onze candidats ayant réuni les fameuses cinq cents signatures. Alors pourquoi pas elle? Prenons par exemple Jacques Cheminade. Lui n’est pas totalement un inconnu car c’est la troisième fois qu’il se présente à une élection présidentielle, et ce avec des scores parfaitement dérisoires aux deux premières. Son programme? Entre autres, coloniser la planète Mars! Un internaute doté d’un certain sens de l´humour lui avait même à l’époque demandé de garder une place pour sa belle-mère… Prenons aussi un certain Jean Lassalle, fils de berger béarnais et ancien disciple de François Bayrou. Bien qu’il soit député depuis plusieurs années, il est à peine plus connu que ma concierge et son programme tient sur un ticket de métro: repeupler les campagnes. En y déplaçant les villes sans doute?

Bref, ils sont au moins cinq ou six candidats à souffrir d’un total déficit de notoriété. La différence avec ma concierge est qu’ils ont tous un parti, ou plutôt un micro-parti, leur permettant d’amplifier leur message et de s’appuyer sur une équipe pouvant les aider à mener campagne. J’ai donc suggéré à ma gardienne de créer son propre parti. Il aurait un beau nom et s’appellerait le PDB, le Parti Du Balai. Cela sonne bien est c’est très évocateur. Imaginez la photo de campagne avec en arrière-plan un clocher de village et ma concierge toute souriante avec son balai dans la main droite, tel le sceptre d’Ottokar… Je la vois déjà en conseil des ministres avec son bon sens proverbial résolvant les problèmes les plus complexes. Personne n’oserait la contredire car personne ne peut lutter contre le bon sens populaire. En outre, le sceptre évoqué plus haut est à la fois le symbole de la propreté et celui du passage d’une époque à une autre: «allez, du balai» est assez proche du «dégage» du printemps arabe et nous pourrions parfaitement l’appliquer à notre beau pays. Place au renouvellement! Place au bon sens! Place aux gens simples!

En outre, ce qui me conforte dans l’idée que ma concierge serait une bonne candidate, c’est que pendant un mois il va falloir écouter les âneries et les élucubrations de certains de ceux qui se présentent. Quel supplice! J’ai donc décidé de me concentrer sur le programme de cette femme honnête et courageuse qui doit chaque jour supporter la mauvaise humeur des habitants de notre immeuble. Car si elle peut affronter cela, je me dis qu’elle pourra certainement endurer les négociations avec les syndicats de fonctionnaires et je ne doute pas une seconde de l’issue favorable des dossiers dans l´intérêt de tous, et notamment du pays.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, un original appelé Ferdinand Lop se présenta aux élections présidentielles avec un programme totalement loufoque. L’une des mesures qu’il préconisait était la suivante: «Extinction du paupérisme tous les soirs à dix heures». Soixante ans plus tard, certains candidats sont toujours aussi surprenants et c’est pour cette raison que ma concierge y tiendrait une place parfaitement honorable. Et je ne désespère pas qu’elle accepte ma proposition pour nettoyer enfin les écuries d’Augias avec ce balai qu’elle manie si bien.

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10 commmentaires à “Ma concierge présidente!”

  1. Christian Campiche 20 mars 2017 at 09:31 #

    Lire aussi les doutes de Jacques Nikonoff sur la légitimité de l’élection présidentielle: http://www.nikonoff2017.fr/campagne-de-jacques-nikonoff/659-doutes-sur-la-legitimite-de-l-election-presidentielle

  2. Jean-Philippe Chenaux 20 mars 2017 at 10:51 #

    De la garde d’un immeuble à celle des valeurs de la République, il y a un pas que le Grand Albert franchit bien rapidement…

    Question pratique, pour commencer: la concierge d’Albert Ebasque a-t-elle la garde-robe adéquate pour se présenter à la présidentielle? Si tel n’est pas le cas, ce qui est fort probable, Ebasque et ses voisins devront se cotiser pour faire de coûteuses emplettes du côté de la rue de Rivoli et lui remplacer ses baskets.

    Et puis, cette honnête femme est-elle prête à affronter la mauvaise humeur de dizaines de millions d’électeurs, et non seulement celle des syndicats de la fonction publique?

    Les tribulations de Ferdinand Lop devraient la faire réfléchir. A peine cet excellent homme avait-il préconisé l’extinction du paupérisme à partir de dix heures du soir que les étudiants du Quartier latin se répartissaient en trois clans farouchement opposés: les pro-Lop (appelés lopettes par leurs adversaires), qui se réunissaient dans la salle Lop, les anti-Lop et les indécis, formant le parti des inter-lop. La bataille fut rude. Celle qui attend l’honorable gardienne d’immeuble, dans l’hypothèse d’une candidature, ne le sera pas moins…

  3. Albert Ebasque 20 mars 2017 at 11:03 #

    Excellent commentaire ! Je vois que Ferdinand Lop a encore des admirateurs…
    Quant à ma concierge, elle est prête à affronter vents et marées pour accéder à la fonction suprême car son père était marin-pêcheur en basse Bretagne…

  4. Digonnetrien 20 mars 2017 at 18:25 #

    Albert Ebasque présente-toi! Tu as ma voix (même si j’y connais rien) ?

  5. christiane betschen 21 mars 2017 at 16:20 #

    Monsieur Ebasque fait de l’humour sur un sujet qui ne me fait pas rire …
    L’heure est grave : la France, qui a encore un certain rôle-phare dans le monde, doit se choisir la personne qui va diriger les choix du pays pour les cinq ans à venir. Je souhaite que les Français voient clair et comprennent les enjeux avant de glisser leur bulletin dans l’urne !

  6. Albert Ebasque 21 mars 2017 at 19:51 #

    Le fait qu´il y ait des candidats totalement inconnus n´est-il pas à lui seul un sujet d´humour ? Quand vous aurez écouté certaines de leurs élucubrations, peut-être changerez-vous d´avis.

  7. Michelle 21 mars 2017 at 22:25 #

    Où sont passés les Thierry le Luron, Coluche et compagnie? Depuis l’ère Mitterrand on ne rigole plus beaucoup en France…Tant la communication est contrôlée.

  8. Bernard Walter 22 mars 2017 at 19:18 #

    @Michelle Oui, mais… Coluche et la présidence, l’histoire n’est pas drôle du tout. Elle commence en 1981 par des pourcentages incroyables dans les sondages et se poursuit par des pressions et menaces qui le font abandonner.
    Et puis quelques années plus tard, il meurt dans un accident spécial, écrasé par un camion.

  9. Manuel Ruch 27 mars 2017 at 10:58 #

    Une vidéo de la totale incompréhension réciproque entre Fillon et des aides soignantes, m’incite à vous livrer une question qui me tarabuste depuis longtemps:
    Comment se fait-il que la France qui a quasiment (2ème) les prélèvements obligatoires les plus élevés des pays développés ait aussi peu de moyens qui arrivent sur le terrain à l’arrivée?
    On voit l’état de la justice, de la police, des hôpitaux, et je pourrais allonger la liste mais vous pouvez la dresser comme moi.
    N’évoquez pas les sujets qui polluent la campagne actuelle, ils ne représentent au pire que quelques petits millions sur un constat en dizaines/centaines de milliards! Bien évidemment c’est indécent et insupportable et il faut corriger, mais ça reste une petite flaque dans un grand lac.
    La faible croissance qui diminue les recettes? Oui, sans aucun doute, mais cela voudrait dire qu’on est incapable de passer du foie gras au jambon beurre. Même quand on n’a plus l’argent pour le premier. Et on ne l’a plus depuis… 1974! (dernier budget équilibré).
    Trop de chômage: oui bien sûr car effet ciseaux, moins de recettes et plus de dépenses en même temps. Évident. Mais là aussi les décisions à prendre sont difficiles et les dogmatismes des deux bords s’affrontent pendant que les victimes trinquent!
    Déficit extérieur: de pire en pire, ce qui signifie que nous envoyons à l’étranger une part de l’argent que nous gagnons au lieu de l’inverse (comme les Allemands par ex.). Plus il y a de charges directes et indirectes moins nous exportons et plus on s’appauvrit. Si on ferme les frontières comme voudraient certains/aînés, ce sera encre bien pire. Catastrophique même.
    Dette publique: Énorme, donc intérêts énormes. Et pour le moment taux plus que très bas, heureusement. Mais ça ne durera pas. La France est bientôt (déjà diront certains) en surendettement. Mais surtout il n’y a aucun espoir d’en sortir et cela ne sera pas sans fin (à moins de finir comme la Grèce). Ne pas rembourser? Et après ? On voudra emprunter à ceux dont on aura perdu l’argent. Ils seront ravis.
    Etc… À peu près tout ce qu’on observe mène à des constats analogues.
    Pourquoi ? Comment se fait-il que la France en soit arrivée là? alors même que:
    – Elle a une situation géographique parfaite au centre de l’Europe.
    – Elle a une créativité exceptionnelle
    – Elle a une productivité remarquable
    – Elle a une pyramide des âges favorables
    – Et bien d’autres atouts.
    Alors pourquoi? Où passe l’argent qui devrait être investi pour l’avenir ou celui qui devrait être mieux redistribué?
    C’est comme si une part importante s’évaporait en cours de route et que la part arrivant était très mal utilisée et même stérile.
    Comme si le système français souffrait d’une artéro-sclérose mortelle, d’une paralysie qui semble insurmontable.
    Quelle solution? Quelles solutions, plutôt? Il n’y a pas de panacée.
    Quelles pistes selon moi (et qui n’engagent que moi):
    – Recentrer l’Etat sur ses missions régaliennes. Rien d’autre. Puisqu’à l’expérience, il n’y arrive pas (sécurité et armée, monnaie, affaires étrangères…);
    Accroître les pouvoirs des Cours des comptes (nationale et régionales)en lui conférant pouvoir de sanction et révocation;
    – Déléguer aux régions – avec obligation de résultat, structures et personnels – tout ce qui touche à la proximité: social, économie, équipements etc., avec grosse liberté fiscale mais des budgets votés par les contribuables! (qui paient, et aussi contrôlent, ce qu’ils voteront);
    – Les Départements deviennent des antennes des régions (sans budget ni fiscalité propre) – même logique entre intercommunalités et communes;
    – Suppression du statut de fonctionnaire sauf pour les fonctions régaliennes;
    – Transfert au privé ou suppression de tous les services publics permanents qui ne sont pas indispensables (études, statistiques partielles, conseils, organismes de tous poils). Soit ils deviennent autonomes et autofinancés, soit si besoin ils sont constitués sous forme de projets temporaires non institutionnalisantes;
    – Substituer la notion d’équité (chacun selon ses moyens) à celle d’égalité (tous la même chose);
    – Restreindre le rôle des partis et syndicats dans les institutions au profit de groupes sectoriels et d’expertise pour sortir des dogmatismes obsolètes (tant droite que gauche) au profit de solutions et négociations pragmatiques;
    Il s’agit de principes généraux qui devraient diminuer la cylindrée du moteur (moins de consommation) au profit d’un meilleur rendement (efficacité de chaque euro auprès des bénéficiaires).
    Je ne développe pas plus ici mais si un point ou l’autre vous intéresse, je préciserai volontiers.

  10. Manuel Ruch 7 avril 2017 at 19:08 #

    J’admire la manière dont Emmanuel Macron a “mis dans le vent” ses adversaires.
    Reprenons:
    Phase 1: Se démarquer. C’est qui lui ? un ministre dissident, pas élu, jamais élu même !
    En disant cela ses adversaires s’affirment tous comme de vieux membres d’une classe que les français rejettent.
    Phase 2: Inclassable. Ni à droite, ni à gauche, pas de parti, pas de vieux modèles gaullien mitterandien ou autre…
    Parfait. Il est neuf par rapport aux vieilles lunes gauche/droite qui font de l’opposition systématique dont les français ne veulent plus
    Phase 3: Intangible. il n’a pas de programme. Que va t-il faire, on ne sait pas. En plus un banquier, pensez donc ! L’horreur alors que les français pensent à leur livret A et à leur taux hypothécaires si bas.
    Et pendant ce temps des dizaines de milliers de marcheurs et sympathisants faisaient remonter idées, suggestions et propositions qui amendaient et completaient ses idées de base.
    Macron les a présentées les unes après les autres avant de les regrouper. Les “vieux” n’ont rien vu arriver ou pas voulu voir, coincés dans leurs dogmes et leurs préjugés.
    Phase 4: Panique à bord. Sondages élogieux. Premières défections, trahisons. Choisissez les mots qui vous conviennent. La fracture s’opère sans que Macron ne fasse rien ou pas grand chose. Par ses propositions et son attitude positive (quasi aucune critique et aucun coup bas) il clive ses adversaires: les progressistes avec lui; l’UMPS dirait le FN restant dans le vieux marigot des alternés.
    Phase 5: Pas de députés. Pas de majorité. Pourra pas gouverner. Lui lancent les apparatchiks.
    Et lui aujourd’hui présente ses premiers candidats homologués selon ses critères… Sans casseroles, des profils de corrects à séduisant sortant de la société civile et pas de l’hemicycle.
    Encore un coup d’avance. Les états-majors des vieux partis vont être fous de rages. Parce que que va t-il leur rester comme arguments avant le premier tour ?
    Bien joué, le petit jeune méprisé qui comme un vieux briscard a déroulé son long sprint mettant les favoris “dans le vent” où ils se sont freinés tous seuls.
    Il lui reste les derniers mètres avant de franchir la ligne et de pouvoir lever les bras.

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