Les Conservateurs britanniques à la merci d’un gang d’extrême-droite


Donc, Theresa May reste Premier Ministre (du moins tant que son parti la supporte) et les Conservateurs restent au pouvoir, lors même qu’ils ont perdu les élections.

PAR PASCAL HOLENWEG

Et si elle reste Premier Ministre et s’ils restent au pouvoir, c’est en passant avec l’extrême-droite nord-irlandaise du DUP (Parti unioniste démocratique -on peut mettre “démocratique” entre guillemets et UNIONISTE en majuscule) un accord qui met un parti ayant obtenu 318 sièges (les Conservateurs) à la merci d’un gang qui en a obtenu 10 (la majorité absolue des sièges étant de 322). 700’000 Britanniques avaient déjà signé avant-hier une pétition récusant cette alliance douteuse avec une formation religieusement sectaire (furieusement anticatholique), raciste, sexiste et homophobe, et au surplus corrompue, et prête à tout pour empêcher Corbyn, qu’elle qualifie de “pom-pom girl de l’IRA”, d’arriver au pouvoir.

Theresa May a perdu sa majorité parlementaire en se trompant de campagne électorale, en la faisant sur le Brexit comme si la question n’avait pas encore été tranchée par un référendum, et en promettant un “Brexit dur”, sans concession britannique, qu’elle n’a pas les moyens d’imposer, et dont vraisemblablement une majorité de Britanniques craint les effets – sans même parler des Ecossais, des nord-Irlandais et les Londoniens, qui ont refusé tout Brexit.

En face, Jeremy Corbyn a mené campagne sur les enjeux sociaux, et sur un programme bien ancré à gauche. Cette campagne lui a permis de récupérer des électeurs perdus au fil des dérives sociales-libérales du “New Labour” blairiste, et de reprendre pied en Ecosse (où des électeurs effrayés par l’annonce d’un prochain référendum ont abandonné le Parti nationaliste, qui n’en reste pas moins – si nationaliste qu’il soit, c’est aussi un parti de gauche, comme le Sinn Féin irlandais (qui refuse cependant toute participation réelle au parlement britannique) – le premier parti écossais avec près d’un million d’électeurs, le troisième parti du parlement britannique et le plus important des alliés possibles de Corbyn (avec qui, hors de la question nationale, il partage nombre de positions) pour tenter de former un gouvernement: l’addition des suffrages travaillistes, nationalistes écossais et irlandais les fait dépasser ceux des conservateurs britanniques, sans toutefois se traduire en un nombre de siège supérieur – beautés du mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour (au moins en France propose-t-on deux tours pour les législatives, ce qui permet éventuellement de corriger au deuxième les tendances du premier).

On relèvera enfin un enseignement de ce scrutin: la progression des travaillistes s’est faite sur une ligne, celle de Jeremy Corbyn, résolument à gauche – et une ligne “résolument à gauche”, en Grande-Bretagne, cela veut dire une ligne social-démocrate, au vrai sens du terme: étatiste, redistributrice, égalitariste. Plus rien à voir avec le social-libéralisme de Blair. Et en creux, en négatif, cette progression travailliste signe, du moins en Grande-Bretagne, le caractère illusoire d’une stratégie de rupture à la Mélenchon. Corbyn est un socialiste de l’espèce la plus traditionnelle, la plus “archaïque” disent ses adversaires au sein de son parti. Cela fait quarante ans qu’il est membre, presque toujours minoritaire, du parti travailliste, presque trente ans qu’il est député travailliste, et vingt ans qu’il est l’une des incarnations de la gauche socialiste britannique. Corbyn, c’est un Hamon qui aurait réussi, ou un Mélenchon qui serait resté. Une sorte de Gérard Filoche, en somme.

“CauseS toujours” N° 1786

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